Depuis 11h25 le 6 novembre, les femmes travaillent gratuitement
La date fatidique est enfin arrivée. Depuis ce matin - le 6 novembre 2023 - à 11h25, les femmes travaillent officiellement gratuitement jusqu'à la fin de l'année. Une date symbolique, évidemment, mais qui nous prouve encore qu'il reste beaucoup à parcourir sur le chemin de l'égalité homme/femme.
Écrit par Juliette Gour le
S'il y a quelques jours à peine, les Islandaises faisaient une grande grève pour lutter contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, en France, c'est une autre paire de manches. Depuis le 6 novembre, 11h25, les femmes travaillent officiellement gratuitement. Les jours restants entre cette date et la fin de l'année symbolisent la différence salariale qui subsiste encore entre les hommes et les femmes. Cette initiative, lancée par Rebecca Amsellem il y a 8 ans, nous remet une fois de plus face à la réalité.
Calculée à partir des données d'Eurostat, cette date représente les 15% de différence de salaire existant encore entre les femmes et les hommes. Cette donnée est calculée selon le modèle en considérant les 35 heures de travail hebdomadaire et les salaires nets moyens des femmes (2292€) et des hommes (2689€).
Quels sont les différents freins à l'égalité entre les femmes et les hommes
Malgré les luttes, certains secteurs d'inégalités semblent résister à l’évolution. Si l'on remarque que les inégalités semblent moins présentes chez les jeunes générations - plus enclines à se battre pour leurs droits - la question de la maternité semble toujours poser problème dans le milieu professionnel. Toujours selon Eurostat, l'interruption de carrière liée à la maternité aurait un impact notable sur les salaires. Au Danemark, de nombreuses entreprises auraient d'ailleurs tendance à revoir les salaires des femmes à la baisse après l'arrivée de leur premier enfant.
La question du renoncement à la carrière est également centrale dans l'évolution professionnelle des femmes. Dans son livre Réinventer l'amour, l'autrice Mona Chollet évoque une étude menée par Dorothy C. Holland et Margaret A. Eisenhart au début des années 80. Cette étude suggère que les femmes, aussi érudites et éveillées sont-elles, ont plus naturellement tendance à s'effacer au profit de leur compagnon. Cette situation a non seulement tendance à créer une vaste différence entre les femmes et les hommes, mais pousse également les femmes à s'enfermer dans une certaine dépendance économique, indirectement induite à leur genre : une femme qui ne travaille pas est forcément entretenue par un homme (CQFD dans le monde des machos).
Tous ces comportements, naturellement intégrés, ont tendance à freiner la question de l'égalité entre les femmes et les hommes du point de vue financier et tant que les choses n'auront pas été réévaluées (comme la diabolisation de la maternité par les entreprises), les choses ne pourront pas avancer dans le bon sens.
Quid de la violence économique ?
Cette question de la dépendance économique ouvre un autre débat : celui de la violence économique dont de nombreuses femmes sont victimes. 41% des femmes en seraient victimes en France. Cette forme de violence, insidieuse, qui se cache au sein même du couple, est particulièrement invisible et encore trop peu évoquée. La dépendance financière des femmes confère un pouvoir incroyable aux hommes qui pensent avoir tous les droits en ce qui concerne les dépenses des femmes.
Selon une étude menée par l'IFOP, 27% des femmes en couple avec un conjoint qui gagne plus d'argent qu'elles ont déjà été victimes d'au moins une violence économique. Cela peut se manifester par du vol d'argent, du contrôle des dépenses, du blocage des cartes ou par le fait que le conjoint s'oppose à ce que madame ait un compte en banque à elle - pour rappel, depuis 1962, les femmes sont libres d'avoir un compte en banque en France, sans l'accord de leur conjoint ou père.
Bien souvent, les violences économiques ne sont que la première marche des violences conjugales. Toujours selon l'IFOP et le baromètre des violences conjugales, 99% des femmes ayant subi des violences économiques ont également déjà subi des violences conjugales.
C'est à croire que les violences faites aux femmes se cachent dans tous les aspects de la société et que le chemin vers l'égalité (et la parité) est encore bien long.