Comment nos films et séries préférés nous ont fait croire en une vie de Working Girl de rêve ?

Merci, Blair. Grâce à toi, on a longtemps cru que bien travailler à l'école et mettre un serre-tête suffiraient à nous assurer une place à Yale.

Écrit par Marie Ordioni le

Ah, l’entrée dans le monde du travail… Quel doux atterrissage dans la réalité ! On signe notre premier emploi, et l’instant d’après, on est les adultes pleines de responsabilités que l’on a tant redouté de devenir jusqu’ici… Et ce, sans mode d’emploi. On est jetées dans la fosse aux lions, avec pour seuls repères des années d’études et des diplômes dont on ne se rappelle que trop vaguement et qui - on peut le dire, maintenant -, n’ont souvent pas vraiment de rapport avec ce qu’on l’on fait aujourd’hui, sur le terrain. Bienvenue dans le monde du travail, et bonne chance !

Il faut dire qu’on ne s’attendait pas à ça. On a grandi avec des héroïnes qui nous ont fait croire le contraire. Des films dans lesquels les femmes, Working Girls de renom,ne sont certainement pas confrontées aux mêmes problèmes que les nôtres. Des séries dans lesquelles on met en avant des thèmes tels que la réussite, le succès et les mondanités… En contournant - ou en citant brièvement -les problèmes qui peuvent en découler. Stress, burn-out, inégalités salariales et soucis financiers sont totalement écartés.

Merci, la pop culture. Grâce à toi, on a grandi avec l’idée qu’une belle bande de copines et ses potins - comme Carrie -, et une petite mise à jour de notre garde-robe - comme Andy - suffiraient à nous faire travailler chez Vogue.

L’ère de la Working Girl

Avec les années 90, la montée fulgurante des pop stars et girls band et leur émancipation la plus totale, les femmes jouent maintenant un rôle plus que jamais central dans la société. Elles sont nos mamans, mais aussi nos célébrités préférées et nos patronnes. Au même titre que les hommes, elles ont leur place derrière un bureau, et mieux encore : à la tête de ce bureau.

Cette évolution, elle est mise en valeur par la pop culture. De la jungle de Wall Street dans Working Girl (1988) en passant par un cabinet d’avocat huppé de Boston avec Ally McBeal (1997), la femme n’est maintenant plus associée à l’image de la ménagère - ce qui était le cas jusqu’à la fin des années 70 - : elle est au cœur du système.

Une image qui évidemment cesse de se façonner et de se confirmer au fil des époques et générations, avec l’aide de personnages tels que Rachel Zane - Meghan Markle - et sa quête de la réussite dans Suits, Shivan Roy - Sarah Snook - et sa soif de pouvoir dans Succession, ou encore, Jules Ostin - Anne Hathaway - et l’accomplissement de sa vie dans Le Stagiaire.

Strass et pas de stress

Loin de nous l’idée de blâmer toutes ces héroïnes. Au contraire : elles sont l’un des résultats d’un combat qui est toujours le nôtre, aujourd’hui. Elles sont l’une des preuves que le monde change et que les mœurs évoluent, avec lui. Le truc, c’est que tous ces programmes avec lesquels on a grandi nous ont accompagnées, main dans la main, jusqu’à notre premier entretien d’embauche. Ils étaient là lorsqu’on a signé notre premier emploi, et ils nous ont accompagnées jusqu’à notre premier jour de boulot… Un tout premier pied dans le monde du travail, que l’on a vécu comme un atterrissage raté dans la réalité.

Il faut dire qu’on nous a légèrement menti sur la marchandise… Qu’est-ce qu’on s’imaginait ? Certainement que faire des piges pour un prestigieux magazine suffisait à se payer un appartement en plein centre de New York et à financer notre incroyable dressing, nos sorties dans les restaurants et bars les plus branchés de Manhattan. Merci, Carrie. Ou que la vie à Paris, si l’on y est mutées, ressemble à tous les clichés que l’on a toujours entendus sur la capitale - enfin, ça, personne n’y a réellement cru… Merci TikTok et Twitter, de rétablir la vérité -. Et merci, Emily.

En parlant d’Emily - ou plutôt, Emiiiiily ! -, en voilà une autre qui nous a fait, certes, constater le milieu de requins qu’est celui de la mode, mais en nous le vendant tout de même avec une paire de talons Jimmy Choo et une jolie happy ending dans Le Diable s’habille en Prada. À la fin du film, Andrea - l’héroïne - devient exactement celle qu’elle voulait devenir, mais fait le choix de revenir à sa vie alors qu’elle se trouve aux portes de la Fashion Week parisienne… À qui voulez-vous faire croire ça ?

Où sont les femmes… fatiguées ?

Cette même Andrea qui, tout au long du film, est harcelée par ses collègues et qui ne semble pas plus impactée que cela par la situation. Cette même Andrea maltraitée par sa supérieure, Miranda Priestly. Cette même Andrea qui fait des horaires de folie, des journées de folie… Et qui se plaint parfois d’être ‘crevée’ sans jamais s’écrouler. Bon… Pas à nous, s’il vous plaît. Maintenant que l’on sait ce que c’est que de travailler, on peut le dire : tous ces films et séries que l’on a tant regardés sont à mille lieues de la réalité.

Une fois de plus, on insiste sur le fait que l'on est très heureuses d’avoir grandi avec ces héroïnes… On aurait simplement apprécié qu’elles nous parlent davantage des problèmes auxquels on peut être confrontées sur notre lieu de travail. Qu’elles nous racontent l’anxiété, le stress et la fatigue. Qu'elles pointent du doigt les injustices. Qu’elles nous apprennent que quand c’est trop, c’est trop et que parfois, dire ‘Non’ est aussi une option. Qu’elles nous montrent les fins de mois difficiles. Qu’elles nous rappellent qu’il y a la carrière, mais aussi la famille, les enfants, les amis, la maison… Ainsi, peut-être qu’on aurait été moins surprises. À nous de travailler sur le sujet…

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