Après le botox et le BBL, voici l’injection pour la vulve (c’est pas une blague)
On pensait que la chirurgie avait déjà tout retouché, mais il restait encore un "dernier" territoire à conquérir : nos vulves.
Écrit par Pauline Masotta le

Après les lèvres, le nez et les fesses, c’est au tour des grandes lèvres d’être remodelées à coups de seringue. Parce qu’il ne suffirait plus d’avoir un corps "harmonieux", il faudrait aussi une vulve symétrique, pulpeuse, presque photoshopée.
Le "Labial Puff" s'impose désormais comme une intervention visant à injecter de l’acide hyaluronique ou de la graisse pour redonner du volume aux grandes lèvres. Simple tendance ou symptôme d’une pression esthétique toujours plus intrusive sur les corps féminins, jusque dans leur anatomie la plus intime ?
La vulve, un nouvel objet de perfection ?
Pendant des siècles, la vulve était un non-sujet, une partie du corps qui échappait aux canons esthétiques. Mais aujourd’hui, elle subit la même logique de contrôle et de modification. Comme si l'idée d'un sexe "parfait" s'était immiscée dans les consciences au fil des années, renforcée par des images normées et une médicalisation de plus en plus poussée du corps féminin. Avec l’avènement de la chirurgie intime, une frontière a été franchie : celle où l’on n’améliore plus seulement ce qui est visible, mais ce qui est intime, personnel, parfois caché. Le corps féminin semble être un chantier permanent, un espace à remodeler sans fin, sous prétexte d'esthétique, de confort ou même de performance sexuelle. Loin d’être un simple phénomène individuel, la montée en puissance des interventions comme le "Labial Puff" traduit une culture où la pression sociale opère de manière diffuse et insidieuse.
Mais comment la vulve est-elle devenue une partie du corps que l’on veut améliorer ? "Parce qu’on a fait de la vulve un objet esthétique, au même titre que le nez ou les seins. Il y a vingt ans, ces complexes étaient ignorés, aujourd'hui, tout se sait, tout se corrige.“ Pourtant, selon Alexandre Koutsomanis, chirurgien esthétique, les patientes ne se disent pas influencées par la société. "Elles viennent par choix personnel. Le conjoint, lui, a souvent tendance à freiner la démarche. Mais la société, la pornographie, les standards de beauté jouent nécessairement un rôle."
Une vulve "parfaite", qui correspond aux normes
Longtemps ignorée par la chirurgie esthétique, la vulve est désormais une nouvelle "zone à complexer". Rides, asymétrie, atrophie, petites lèvres trop visibles… Chaque détail de l’anatomie intime féminine devient une éventuelle source de correction. Mais d’où vient cette nouvelle obsession pour une vulve "parfaite" ? Plusieurs facteurs sont en jeu : la démocratisation de la pornographie, qui expose majoritairement une seule et même représentation du sexe féminin ; les réseaux sociaux, où l’image du corps est scrutée, retouchée, filtrée et comparée en permanence ; ou encore les avancées de la chirurgie esthétique, qui transforment chaque "imperfection" en opportunité commerciale. Sans oublier la pression sociale invisible, celle qui insinue subtilement qu’un corps qui vieillit est un corps à "réparer".
C’est donc à coups de "Labial Puff" que les femmes ont trouvé réassurance dans leur intimité. Cette pratique consiste à injecter de l'acide hyaluronique ou de la graisse prélevée sur la patiente elle-même dans les grandes lèvres. Objectif : "masquer une protubérance des petites lèvres ou du capuchon clitoridien, redonner du volume et lisser l’aspect de la vulve". En somme, répondre à une norme invisible dictée par les idéaux contemporains de la "jeunesse éternelle"... Et ce, même dans ce que l'on a de plus intime.
Et si on lâchait la grappe à nos vulves ?
“Le Labial Puff, c'est la volumétrie des grandes lèvres. On injecte un produit volumateur pour rajeunir la vulve, améliorer son esthétique et, dans certains cas, masquer des petites lèvres jugées trop proéminentes ou un capuchon clitoridien trop visible". Mais qu'injecte-t-on exactement ? Deux options : de l'acide hyaluronique, "en cabinet, effet immédiat mais temporaire" ou de la graisse, "prélevée sur la patiente elle-même, en bloc opératoire, censée durer à vie".
"Il ne s'agit pas d'une demande pluriquotidienne, mais elle est bien croissante. Deux types de patientes sont concernées : celles qui veulent un rajeunissement, car avec l'âge, les grandes lèvres s'atrophient, donnant un aspect vieillissant, et les jeunes femmes qui trouvent leurs petites lèvres trop proéminentes et souhaitent une apparence plus lisse, plus invaginée."
Couvrez cette vulve qu'on ne saurait voir
Sarah, 42 ans, a opté pour une injection de graisse après ses grossesses. Après avoir donné naissance à deux enfants, elle a vu son corps changer de multiples façons, y compris dans cette zone qu’elle n’avait jamais envisagé de modifier. "Je voulais retrouver un aspect plus jeune, plus ‘harmonieux’." Loin d’être un caprice, cette décision a été mûrement réfléchie. "Je ne suis pas obsédée par la perfection, mais quand on nous répète que tout peut être amélioré, on finit par se demander : pourquoi pas moi ?"
Sarah confie qu’elle a longuement hésité avant de franchir le pas, redoutant l’image que cela renverrait d’elle-même. "Je me suis demandé si je n'étais pas en train de céder à une tendance absurde, si c'était une pression extérieure ou vraiment un choix personnel.“ Si elle ne regrette pas son choix, elle est consciente des implications : "C’est un luxe de se poser ce genre de questions, mais c’est aussi révélateur d’une époque où tout doit être optimisé, même ce qui devrait rester intime. On ne nous laisse plus aucune zone d’ombre, tout doit être visible, standardisé, parfait.“
Une contradiction féministe ?
Comment, en 2025, alors que jamais les femmes n’ont autant revendiqué le droit de posséder leur corps sans injonctions, se retrouvent-elles à traquer la moindre "imperfection" de leur vulve ? Entre un féminisme body positive qui prône l’acceptation et une société qui vend la perfection à coups de bistouri et d’aiguilles, les femmes sont prises dans une double injonction schizophrénique. "Aime-toi comme tu es, mais améliore-toi quand même."
Alors que des mouvements féministes réclament la fin des diktats esthétiques, la chirurgie intime devient paradoxalement un choix revendiqué. Choix personnel ou pression sociale invisibilisée ? La question reste entière. Notre chirurgien conclut : "Quand la procédure est réalisée, les patientes sont très contentes du résultat. Donc ce n’est pas forcément un geste futile qui découle d’une dérive. Mais il faut s'interroger sur l’obsession de cette région anatomique“, note Alexandre Koutsomanis. Alors, amélioration du bien-être ou symptôme d'une pression invisible ? Une chose est sûre : nos vulves n’échappent pas aux fillers (et c'est bien dommage).