Des influenceurs Ozempic, sérieusement ?

À la base, ce n’était qu’un médicament pour diabétiques. Enfin, ça l’est toujours. Le problème c’est qu’il est aujourd’hui détourné de ses fonctions premières et les consommateurs s’injectent ce médicament dans le but de maigrir. Cette pratique démocratisée par les stars est évidemment dangereuse. Elle pose un gros problème de santé publique : utiliser l’Ozempic, lorsqu'on n'en a pas besoin, présente de nombreux effets secondaires, comme des infections gastro-intestinales sévères. Aussi, sa popularité a entraîné la création d’un marché noir de l’Ozempic et une rupture de stock pour les vrais malades… Bref, la cata.

Mais si seulement ça s’était arrêté là… Entre-temps, le buzz a pris de l’ampleur, une marque allemande a créé un tee-shirt à slogan “I Love Ozempic”, et les utilisateurs TikTok se sont emparés du produit. Désormais, on appelle carrément "influenceurs Ozempic" ceux qui en ont fait leur spécialité. Inquiétant non ?

L’Ozempic a eu son heure de gloire, et tout comme pour la pilule Morosil, on pensait que la hype allait vite retomber. Mais ça, c’était sans compter une équipe marketing hors-pair qui a su prendre la vague au bon moment. Et sortir une édition de l’Ozempic spécialement pour obèse. Son nom ? Wegovy. Bye, bye, les diabétiques, maintenant c’est directement aux obèses que l’on s’adresse.

Je reviens d’un séjour aux États-Unis, et si le nombre d’obèse dans le pays ne semble pas avoir diminué, les pubs omniprésentes pour ces seringues promettant de perdre du poids m’ont particulièrement frappée. Dans le métro et devant les pharmacies, on retrouve ce contenu choquant - pour nous, Français. Si la mention "à combiner avec un régime et de l'exercice" est bien présente en tout petit, celle qui frappe en premier c’est bien le "Skip the Shortages. Loose the Weigh"aux côtés de la photo d’une personne en surpoids qui se pique le bras. En Français, ça donne : "Évitez les ruptures de stock. Perdez du poids", en référence aux nombreuses pénuries d’Ozempic dûs à une forte demande. Là-bas, l’obésité est un très gros problème de santé publique, alors le laboratoire Novo Nordisk (qui commercialise Ozempic) a décidé de contribuer à les soigner, à sa manière.

Ici, pas question de faire un rééquilibrage alimentaire ou même de privilégier la marche plutôt que la voiture. Non, le plan est tout autre : se piquer depuis son canapé, c’est tellement plus simple.

Sur le TikTok américain, on voit souvent leurs vidéos défiler. On assiste aussi à leurs lives "questions-réponses", comme ceux de Susan Graham qui allume sa caméra tous les jours pour accompagner ceux qui envisagent ou qui viennent de commencer une cure de type Ozempic. À coup de photos avant-après et de chiffres impressionnants, elle convainc progressivement sa communauté. En mettant en avant son côté Madame Tout Le Monde, elle prouve que si elle l’a fait, tout le monde peut le faire. Et ça marche. 

Dans les commentaires, des centaines de femmes et d’hommes veulent eux aussi goûter à la perte de poids facile. Mais comme rien n’est magique - ça se saurait -, les risques sont évidemment gros. Et comme Susan n’est pas la seule à proposer ce type de contenu, l’impact est colossal.

Susan Graham, Jess Winfrey, Jay Hutchins… Ils sont nombreux. Et ces néo-influenceurs ne font pas tout ça pour la gloire ou par plaisir de partager leurs résultats - du moins, pas seulement. En fouillant un peu sur leur profil, on se rend vite compte qu’ils font tous partie d’un groupe d’ambassadeurs rémunérés par les fabricants pour promouvoir leurs médicaments. Un complément de revenu non négligeable pour ces mères et pères de familles qui profitent de leur expérience positive avec Ozempic (ou des produits similaires) pour en tirer profit - et en prime, un approvisionnement gratuit.

Souvent, les entreprises qui rémunèrent ces influenceurs sont des laboratoires de médicaments contenant les mêmes molécules que l’Ozempic, mais vendu sous un autre nom : un peu comme un générique de médicament. L’effet est donc sensiblement le même et les risques perdurent (voire s’empirent, selon la qualité du médicament). Selon une étude récente, un américain sur 8 ferait ou aurait déjà fait une cure de Ozempic (ou médicament similaire).

Ce réseau d’influenceurs reflète une problématique réelle : il est bien trop facile de se procurer ces médicaments pour perdre du poids. Et le problème s’intensifie lorsque l’on prend conscience des effets secondaires de ces traitements et des recommandations des médecins spécialisés. Avant toute prise de quelconque produit pharmaceutique, un avis médical est nécessaire. Encore plus avec ce type de substances ! Une prise de sang serait également envisageable pour vérifier les antécédents médicaux et s’assurer de la compatibilité de l’individu avec un tel traitement. 

Les médecins doivent également faire de la prévention et expliquer les risques aux patients, contrairement aux pseudos influenceurs qui ne cherchent qu’à vendre et donc qui ne vantent que les bénéfices. Quoiqu’il en soit, un suivi est fortement recommandé pendant le traitement, pour vérifier l'impact de la molécule sur le corps.

Si certains voulant commencer une perte de poids pensent à se lancer dans la création de contenu Ozempic pour obtenir le traitement gratuitement de la part des marques - oui, c’est une sorte de gifting empoisonné -, TikTok essaie de restreindre les contenus promotionnels pour l’Ozempic en réduisant leur mise en avant. Reste à voir si le médicament star et ses dérivés resteront encore longtemps sur le marché avec si peu de lois pour les encadrer.

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