Une collaboration
C’est nous ou on est tous en train d’être Wickedifiées ?
À moins de vivre au fond d’une grotte, vous n’avez pas pu y échapper : le film Wicked est en salles, prêt à retourner le monde entier à grands coups de goodies rose et vert.
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Initialement annoncé en 2016, il aura fallu près de 10 ans à Wicked pour se concrétiser. La faute au Covid-19, à une grève hollywoodienne et à un réalisateur chevronné, AKA Jon M. Chu, plus que méticuleux, conscient du défi auquel il devait faire face. Mais, comme tout vient à point à qui sait attendre, le film est enfin sorti et le public est prêt à accueillir cette œuvre hétéroclite, entre grand spectacle et réflexion sociétale.
L'adaptation de cet incontournable de la culture américaine n'a pourtant pas été aisée : difficile de mettre à l'image un objet culturel adoré par tout un peuple. Heureusement, Jon M. Chu savait quelle direction prendre. Le réalisateur des cultissimes et colorés Sexy Dance et Crazy Rich Asians a attendu toute sa vie pour mettre Wicked à l’écran. Les critiques positives ne se sont d’ailleurs pas fait attendre : avec un taux de satisfaction de 97 % sur Rotten Tomatoes et des fans aux anges, le film défie la gravité et fait un carton au box-office.
La comédie fantastique, portée par Ariana Grande et Cynthia Erivo, a déferlé telle une vague comme on en voit rarement à Hollywood : entre la promo XXL, les mèmes et les collaborations commerciales, c’est fait : Wicked est devenu un véritable phénomène culturel.
Une “Wickedification” parfaitement orchestrée par Universal, qui semble avoir ensorcelé le monde entier.
L’anatomie d’un succès prévisible
Pouvait-on s’attendre à un succès pareil ? Peut-être bien. Les prémices de cette tornade médiatique se faisaient déjà ressentir à l’annonce du casting, une équation mûrement réfléchie : le beau gosse de Bridgerton (Jonathan Bailey), une actrice multirécompensée (Cynthia Erivo), une pop star internationale (Ariana Grande), une légende du cinéma asiatique (Michelle Yeoh)… Un mélange ingénieux où tout le monde peut trouver son compte. Et puis, il y a eu la bande-annonce.
Le monde anglo-saxon avait hâte de découvrir cette relecture du classique Magicien d’Oz centrée sur les deux sorcières de l’histoire, mais surtout un récit ultra actuel, qui met en scène des femmes fortes et de la sororité tout en pointant du doigt les discriminations, dans un monde dirigé par un sorcier mégalo. Un propos qui résonne étrangement avec l’actualité.
Des sorcières qui tombent à point nommé
Le report de la sortie de Wicked était peut-être bien une chance, car sous les paillettes et les costumes flamboyants se cache un message beaucoup plus profond, porté par deux sorcières devenues des icônes d'empowerment. Les galères (pandémie, grève, tout ce que Hollywood sait faire de mieux) ont sûrement donné aux équipes le temps de peaufiner les thématiques sociétales du film. Résultat : l'œuvre dépasse les attentes des fans.
Wicked, a remis le monde d'Oz au goût du jour : féministe, moderne et acéré. Publié en 1900, Le Magicien d'Oz est un pilier culturel, et s’attaquer à Glinda et Elphaba, même 90 ans après, c’est toucher à des icônes. La preuve : elles ont déjà squatté Glee, Les Simpson, Ugly Betty et même Les Muppets. Populaires au pays de l’Oncle Sam ? Un euphémisme. Et les mouvements féministes récents n’ont fait qu’amplifier leur aura.
En parallèle, la figure de la sorcière connaît une réhabilitation médiatique XXL. Symbole féministe par excellence, elle est partout (livres, films, réseaux sociaux) et incarne nos combats actuels : discrimination, préjugés, rébellion contre les normes. À sa manière, Wicked a su devenir une extension de ce miroir.
Mais ne vous y trompez pas : cette histoire n’est pas juste une comédie fantastique. Wicked est un récit universel qui, malgré son ADN très américain, résonne partout. En 2024, on a plus que jamais besoin de figures féminines fortes – qu’elles soient roses, vertes ou d’une autre couleur – pour inspirer la nouvelle génération. Et si vous avez un doute, un tour sur TikTok suffit pour voir que le message a été enregistré.
Entre promo rondement menée et goodies par milliers
Ce n’est pas la première fois qu’un univers fantastique s’appuie sur une armée de produits dérivés pour asseoir son succès. Mais, bizarrement, on associe plus ce genre de stratégie aux films de science-fiction (traduction : aux bons vieux geeks). L’exception récente ? Une certaine poupée accro au rose flashy, star de l’été dernier : Barbie et son petit 1,38 milliard d’euros au box-office.
Avec Wicked, on retrouve des points communs – un casting aux petits oignons et une avalanche de produits dérivés – mais ici, les curseurs explosent. La “Wickedification” est un phénomène mondial, avec une stratégie marketing recalibrée pour cartonner, même face à un public européen pas forcément taillé pour ce genre d’histoire. Bref, c’est un coup de maître pour un film qui n’a pas peur de réécrire les règles du game.
Qu’on le veuille ou non, impossible d’échapper au phénomèneWicked : il est partout. Les Galeries Lafayette des Champs-Élysées ? Transformées en temple dédié. Lego, Funko Pop, Crocs, OPI, H&M, Cambridge Satchel… La liste des collaborations à destination des fans est interminable. Tout le monde peut s’offrir un bout de l’univers d’Oz, que ce soit pour se l’approprier ou, soyons honnêtes, pour faire partie d’un phénomène de pop culture comme on en voit rarement…
Il y a aussi un impact sociétal à ne pas négliger : Wicked apporte une dose de légèreté dans une époque franchement morose, tout en cultivant un enthousiasme collectif. Résultat ? Une hype joyeusement contagieuse.
Est-ce qu’il faut s’attendre à une généralisation des sorties événementialisées ?
Des promos aussi fortes que celle de Wicked, on n’en voit pas tous les jours. Pourquoi ça marche ici ? Parce que le film a tout pour : un univers visuel ultra marqué, une esthétique qui claque et un propos qui fait écho aux conversations actuelles. Il coche toutes les cases pour créer la hype.
Et visiblement, la recette fonctionne. Avec un démarrage canon (114 millions de dollars dès le premier week-end), Wicked a éclipsé tous les autres films en salle, y compris ceux avec des gars musclés en jupette de cuir. Oui, on te regarde, péplum du coin.
Alors, est-ce que ça prouve que le method dressing et les campagnes promo interminables sont encore au top ? Pas forcément. Dans le cas de Wicked, la stratégie était au point : avec 930 000 mentions sur TikTok, le film s’est imposé dans tous les feeds. Mais soyons honnêtes : sans ce matraquage marketing tout en finesse, les tendances n’auraient probablement pas décollé comme ça pour une licence que l’Europe et l’Asie ne connaissaient pas. Aujourd’hui, on peut le dire : Wicked, c’est une œuvre qui colle parfaitement à l’air du temps, portée par une fanbase engagée.
Ne reste plus qu’à profiter de l’instant et à se rêver sorcière le temps d’une soirée, avec des pouvoirs assez badass pour refaire le monde. Une chose est sûre : Wicked, ce n’est pas juste un film, c’est une expérience pop culture qui aura réussi à capturer l’esprit de notre époque.