Gil Won-ok, l’une des dernières “femmes de réconfort” coréennes est décédée à l’âge de 97 ans

Gil Won-ok, l'une des dernières "femmes de réconfort" coréennes, est décédée le 16 février dernier. En militante engagée, elle s'était battue toute sa vie pour faire connaître son histoire et celles de milliers d'autres femmes, forcées de se prostituer pour l'armée japonaise.

Écrit par Juliette Gour le

Il y a des histoires qu'on connaît peu. Si pour nous, les japonais sont les inventeurs de Mario et Pikachu, pour les coréens, ce sont les méchants de l'histoire. En 1910, le Japon décrète l'annexion de la Corée et pour le pays du matin calme, c'est le début de l'enfer. Pendant 35 ans, le pays devient une colonie et le grenier des Japonais.

Cette période, particulièrement impitoyable, a marqué au fer rouge la mémoire des coréens qui l'ont vécu et qui ont, tout au long de leur vie, témoigné de cet enfer.

L'objectif de l'empire nippon était simple : détruire la culture coréenne et récupérer les terres. Au fil des années, ils ont mis en place des sévices, de la propagande et de nombreuses discriminations à l'encontre des coréens, qui n'avaient le droit que de travailler au service du pays du soleil levant.

Mais l'horreur s'intensifie dès le début de la seconde guerre mondiale. Les Japonais, soucieux du bien-être de leur soldats, vont mettre en place un service de "femmes de réconfort", une jolie tournure pour parler d'esclaves sexuelles, au service de l'armée japonaise.

Les femmes coréennes, victimes de l'ombre

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On ne sait finalement que très peu de choses sur les "femmes de réconfort". On ne sait pas combien de femmes ont été forcées à avoir des relations sexuelles avec les soldats japonais et le Japon n'a jamais réellement reconnu son implication dans la déportation et l'exploitation des femmes coréennes.

Pourtant, le modus operandi était parfaitement rodé. Souvent mineures, les femmes étaient recrutées sur de faux motifs. On leur faisait croire qu'elles étaient embauchées pour devenir serveuses ou elles étaient tout simplement enlevées. Une fois réquisitionnées par l'armée, les femmes étaient "stockées" dans des maisons closes militaires, uniquement destinées aux soldats. En véritables esclaves, elles étaient battues, mutilées et torturées. Certains témoignages parlent même d'exécution "si le soldat n'était pas satisfait".

"C’étaient des écoles ou des bâtiments administratifs réquisitionnés par les militaires. Il était impossible d’en sortir. (...) C’était en fin de semaine que les soldats défilaient. Le samedi de 8 h à 17 h et le dimanche de midi à 17 h. Ça n’arrêtait pas. À la fin de la journée, je ne pouvais même plus m’asseoir. (...) Au début j’étais très en colère. Je ne savais pas ce qu’était un homme. Je refusais de me laisser prendre. J’ai reçu beaucoup de coups. Et puis, je suis devenue plus passive." témoignait Kim Bok-dong, ancienne femme de réconfort, en 2014, lors d'une conférence à Paris.

Encore aujourd'hui, on ne sait pas exactement combien de femmes ont subi ce traitement. Il est estimé à 200 000 par les historiens japonais, en prenant en compte les femmes coréennes, chinoises, japonaises, philippines, taïwannaises, birmanes, indonésiennes, néerlandaises et australiennes... Mais pour le gouvernement coréen, ce chiffre représente en réalité les coréennes déportées. Certaines estimations portent le chiffre à 500 000 femmes.

En réalité, il est possible qu'on ne sache jamais réellement combien de femmes ont subi ces sévices. Tant que le gouvernement japonais ne reconnaîtra pas son implication, la situation ne sera jamais clarifiée.

Gil Won-ok, une femme de réconfort militante

Les voix pour témoigner de cette horreur se font de plus en plus rares. En Corée, il ne reste aujourd'hui que 7 "halmoni" (grand-mère en coréen) suite au décès de Gil Won-ok, le 16 février dernier, à l'âge de 97 ans. Elle avait 12 ans lorsqu'elle est devenue femme de réconfort.

Elle a joué un rôle clé dans le mouvement féministe coréen et n'a cessé de raconter son histoire jusqu'à la fin de sa vie. Elle était d'ailleurs présente en Paris en 2014 lors de la conférence nationale sur les femmes de réconfort. Elle faisait partie de ces femmes courageuses qui ont osé témoigner. Au fil des années, elle est devenue une vraie militante pour le droit des femmes et a fait le tour du monde pour sensibiliser les populations.

Son combat a évidemment été salué par le gouvernement coréen et ses pairs, mais il laisse également un léger goût amer. Toute sa vie, elle a espéré un dédommagement de la part du gouvernement japonais et des excuses officielles, elle n'aura eu ni l'une ni l'autre malgré son implication dans la reconnaissance du statut de victime des femmes de réconfort.

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