IVG aux Etats-Unis : Trump maintien l’ambiguïté pour gagner des voix

L’annulation de Roe vs Wade a plongé les femmes américaines dans un véritable cauchemar, illustré par la tragique histoire d’Amber Thurman, décédée suite à une IVG mal prise en charge. Entre contradictions et ambiguités autour du sujet, Trump comprend bien que le droit à l'avortement est devenu un enjeu crucial des élections à venir.

Écrit par Camille Cortot le

Depuis l’annulation de l’arrêt Roe vs Wade, le droit à l’avortement aux États-Unis est devenu un sujet brûlant de débat et de division. Cette décision historique de la Cour suprême - rendue possible en grande partie par les nominations conservatrices de Donald Trump - a conduit à des interdictions ou des restrictions sévères dans de nombreux États.

Pour les femmes américaines, cela signifie des souffrances souvent insoutenables, en particulier lorsqu'elles sont confrontées à des fausses couches ou à des grossesses à risque. Le cas d'Amber Thurman, décédée à 28 ans des complications d'une IVG, illustre les conséquences dramatiques de ces nouvelles lois restrictives. La lenteur des soins médicaux, la peur des sanctions judiciaires pour les médecins et l'incertitude autour des exceptions légales plongent des femmes dans des situations de détresse.

Face à cette crise, Trump est de plus en plus mal à l'aise sur le sujet de l'avortement. Tout en ayant joué un rôle clé dans le renversement de Roe vs Wade, l'ancien président semble tenter de ménager son électorat conservateur tout en évitant de s'aliéner les voix modérées. Mais l'ancien président des États-Unis n'a rien d'un défenseur des droits des femmes, bien au contraire. Sa rivale démocrate, Kamala Harris est le seul espoir de changement pour les femmes américaines.

L'enfer vécu par les femmes depuis l'annulation de Roe VS Wade 

C’est une vague d’indignation à laquelle les États-Unis font face suite au décès d’Amber Thurman. Âgée de 28 ans et maman d’un petit garçon de 3 ans, cette jeune femme est décédée des suites d'une IVG. Cette jeune mère avait dû faire le déplacement jusqu’en Caroline Du Nord à cause de l’interdiction de l’avortement après 6 semaines de grossesse dans son État, en Géorgie. 

Après avoir pris la pilule abortive, Amber Thurman a fait face à de graves complications qui l’ont amenée à être transportées à l'hôpital, où ils lui ont diagnostiqué une “septicémie aiguë”. Malgré une situation alarmante, les médecins ont attendu 17 heures avant de réaliser la procédure de curetage et de dilatation pour la soigner. Malheureusement, la jeune femme de 28 ans est décédée durant l'opération. Le décès d’Amber Thurman serait le premier décès lié à un avortement aux États-Unis décrété comme “évitable” selon ProPublica

Mais pourquoi les médecins ont-ils attendu si longtemps avant d'intervenir ? 

Un documentaire réalisé par France 5 intitulé Avortement aux Etats-Unis, la grande fracturemontrela dure réalité des conditions des femmes qui veulent avorter dans des États l'interdisent. Au texas, plusieurs d’entre elles ont été forcées de garder leur bébé alors que la fausse couche était inévitable. Une de ces femmes témoigne de l’enfer qu’elle a vécu avant de pouvoir recevoir des soins de la part d'un médecin. Forcée d’attendre d'être “assez malade” pour pouvoir subir une IVG, elle raconte la douleur de cette épreuve. 

Pourtant, elle aurait dû bénéficier de l’exception qui autorise l’IVG en cas de danger de mort de la mère , mais la loi qui l’encadre est très floue et bien souvent les médecins ne veulent pas prendre le risque. Un médecin Texan reconnu coupable d’avoir pratiqué un avortement encourt jusqu’à 99 ans de prison, une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 dollars et la révocation de sa licence médicale. Sans cadre clair, les médecins ne prennent pas souvent le risque. Mais si cette loi reste floue au Texas, c’est bien parce que l’État craint de laisser le jugement aux médecins, considérant qu’ils finiraient par transgresser l’interdiction à l’avortement. 

Si Amber Thurman est le premier décès des suites d'une IVG reconnu comme “évitable”, certains médecins du Texas affirment que des femmes ont subi le même sort. Une gynécologue obstétricienne,Damla Karsan, témoigne de ce qu’elle a vu sur son lieu de travail : des femmes mourantes rentrer en soin et ne pas en ressortir vivantes. "Je vois les admissions aux urgences et vous savez certaines femmes n’en sortent pas. Je sais qu’il y a des décès” a-t-elle déclaré. 

En plus d’une loi très floue, les médecins et les patients en faveur de l’avortement subissent une pression énorme de la part des associations pro-vie qui participent grandement au recul du droit à l’IVG aux États-Unis. De nombreux militants viennent manifester devant des cliniques dans des États où l’avortement est autorisé, tentant de dissuader les femmes qui viennent pour une IVG. 

L’accès à l’avortement aux États-Unis de plus en plus restreint est le grand drame des femmes américaines qui n’ont parfois pas d’autres choix que de garder en enfant conçu d’un inceste ou d’un viol ou tout simplement un enfant qu'elles ne veulent pas pour des raisons qui leur appartiennent.

Le malaise de Trump face au sujet de l'avortement, qui ne trompe personne

Ce drame qu’est l’interdiction de l’IVG, Trump y est pour quelque choseAvec la nomination de deux juges, dont une 45 jours avant la fin de son mandat, Trump a donné la nouvelle couleur (très) conservatrice à la Cour Suprême, qui a permis l'annulation de Roe Vs Wade. 

Il est clair que Trump mise sur son électorat religieux : il rafle 80% du vote évangélique, une première pour un président des États-Unis. Avec son potentiel vice-président J.D Vance, Trump s’entoure de figures extrêmement misogynes. Cet homme se rapproche des idées d’une ancienne organisation politique fondamentalisme, la Majorité morale, qui prône un retour aux valeurs traditionnelles familiales. 

Il incarne une misogynie profonde, s'illustrant par une série de déclarations et de positions particulièrement problématiques à l'égard des femmes américaines. Son discours traduit une vision ultra-conservatrice et liberticide du rôle des femmes dans la société. Il ne s'est jamais privé de tenir des propos inquiétants sur leurs droits visant à diminuer leur liberté"Une bande de femmes à chat sans enfants insatisfaite de leur vie et de leurs choix veulent donc rendre le reste du pays misérable", c’est ce que J.D Vance pensent des femmes politiques démocrates américaines sans enfant, dont Kamala Harris fait évidemment partie. 

Fervent opposant à l'avortement - même en cas de viol ou d'inceste - Vance se prononce également contre la fécondation in vitro, le divorce - y compris en cas de violences conjugales - les familles monoparentales... La liste est sans fin. En 2022, lors de sa candidature au Sénat, il avait même défendu une interdiction natioanle sans exception pour le viol ou l'inceste, soutenant même ceux qui empêchaient les femmes de se déplacer dans d’autres États pour subir une IVG. 

Il n’est pas le seul chez les républicains à nier les conséquences de l’annulation de Roe VS Wade, ses camarades montrent également leur mépris pour le sort des femmes. Récemment, un ancien soutien de Trump s’est moqué de Kamala Harris dans une vidéo, niant ses propos selon lesquels des femmes souffrent dans d’horribles conditions lors de fausses couches, dues à l’interdiction de l’avortement

En réponse, des dizaines de femmes ayant vécu cette situation ou une situation similaire ont témoigné à travers les réseaux sociaux, racontant l’enfer qu’elles subissent depuis l'interdiction ou la restriction de l'IVG dans leur État. 

Trump évite le sujet de l'avortement 

Cependant, l’ancien président des États-Unis n’aime pas beaucoup parler du sujet de l’avortement. Pourquoi ? Parce que 62 % des américains sont en faveur de l’avortement. C’est aussi un facteur qui avait fait pencher la balance en faveur de Biden à la dernière présidentielle.

L'ancien président multiplie les ambiguïtés autour du sujet pour essayer de gagner des voix chez tout le monde. Dans un article du 30 août dernier, Le Washington Post a souligné ses contradictions :  "Donald Trump a annoncé qu’il voterait contre une proposition d’amendement dans son État de résidence, la Floride, qui légaliserait l’avortement jusqu’au seuil de viabilité du fœtus. Pourtant, la veille encore, il semblait prendre le parti inverse”

Après avoir fait espérer les plus conservateurs sur une interdiction de l’IVG à 15 semaines à l'échelle fédérale, Donald Trump s'était rangé derrière les États, considérant que cette décision devait leur appartenir. Cela n’a pas plu aux très conservateurs qui attendent de lui des mesures encore plus fermes sur l’IVG. En essayant d’amadouer les plus modérés, Trump essaie de se présenter comme un défenseur des droits reproductifs, tout en gardant son électorat antiavortement. Mais il finit par y perdre. 

Ne nous méprenons pas, Trump n'est clairement pas un allié pro avortement. Son potentiel futur vice-président a une idée bien claire sur le sujet et Trump n’a jamais et ne sera jamais un défenseur des droits des femmes. "Les Américaines ne sont pas stupides et nous n’allons pas confier l’avenir de nos filles et petites-filles à deux hommes qui se sont ouvertement vantés d’avoir bloqué l’accès à l’avortement pour les femmes dans tout le pays." a déclaré Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts. 

Kamala harris, l’espoir des femmes américaines 

A moins de 4 mois de l'élection présidentielle, Joe Biden annonçait le retrait de sa candidature, laissant sa place à Kamala Harris, sa vice-présidente. Femme noire d’origine sud asiatique qui n’a jamais porté d’enfant, Kamala Harris n’a pas tardé à susciter de vives réactions dans le clan Trump.

D'autant plus que cette femme politique démocrate fait du droit à l’IVG un pilier de sa campagne électorale. En réaction à la mort d'Amber Thurman, Kamala Harris accuse Donald Trump et la Cour suprême d’avoir restreint ce droit fondamental qui existait dans le pays depuis 1973. 

Lors d’un meeting à Atlanta en Géorgie, Etat dans lequel la jeune femme a trouvé la mort, Kamala Harris a dénoncé les « lois obscures et immorales » adoptées dans une vingtaine d’Etats américains qui interdisent ou restreignent le droit à l’avortement. « C’est une crise sanitaire, et Donald Trump est l’architecte de cette crise », a-t-elle lancé. 

Une candidate engagée 

Ce combat ne date pas d’hier pour la candidate démocrate : en tant que membre du parquet général de Californie, elle avait combattu les pratiques des militants antiavortement. Lorsqu’elle était sénatrice, elle avait vivement critiqué le juge de la Cour Suprême Brett Kavaugh, nommé par Donald Trump. 

C’est un sujet qu’elle défend et défendra avec ferveur, ce qui la démarque de Joe Biden, qui s’est toujours montré prudent sur le sujet. Malgré une critique de l’annulation de l'arrêt Roe VS Wade, il n’a jamais vraiment été considéré par les défenseurs de l’avortement comme un allié de taille, contrairement à Kamala Harris. 

La candidature d’une militante pro avortement sincère pourrait bien mobiliser les électeurs progressistes et même les républicains modérés, en faveur des démocrates : « Ce qui rend Mme Harris dangereuse pour Donald Trump sur la question de l’avortement est que, contrairement à lui, elle sait de quoi elle parle et elle peut canaliser la colère des électrices » estime la féministe Jessica Valenti, interrogée par l’AFP. La candidate démocrate est le seul espoir pour le droit des femmes américaines.

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Camille Cortot

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