Shein lance sa nouvelle plateforme de seconde main, ambition circulaire ou greenwashing ?

Actualité surprenante qui surgit dans l’industrie de l’ultra fast fashion : le leader chinois Shein introduit la seconde main. Étonnante nouvelle fonctionnalité d’achat, en sachant que parmi ses moyens de consommation, surproduction et désastre environnemental mènent la danse. Pour les défenseurs d’une mode plus circulaire, cette initiative cache une ambition malhonnête.

Écrit par Téa Antonietti le

Il y a quelques mois, l’Assemblée nationale adoptait à l’unanimité une loi anti fast fashion avec Shein, l’enseigne phare de l’industrie, en plein dans le viseur. Ce début juin, le géant chinois introduit au monde sa plateforme de seconde main, encourageant à une mode plus circulaire. Si l’option de la seconde main s’affirme comme un mode de consommation plus raisonnable, cette ambition dite durable ne colle pas à l’image de surproduction rattachée à Shein, la plus grande problématique autour de l’enseigne correspondant à son impact environnemental colossal

Une annonce des plus étonnantes qui suscite l’indignation des figures françaises de préservation de la planète. Se pose alors la question de greenwashing quant au cas de Shein, qui emploie la mode circulaire comme couverture verte. L’enseigne s’inscrit dans une dynamique où l’ultra fast fashion est responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. Un paradoxe discutable, donc, lorsque vient le choix soudain d’une mode circulaire. Focus sur une initiative d’apparence responsable qui frôle le scandale. 

L’ambition ? Shein Exchange, une plateforme de revente rapide en Europe

Avec une première entrée au marché Français, la marketplace Shein introduit sa nouvelle fonctionnalité d’achat, qui se fonde sur le principe de la seconde main. Shein Exchange, c’est la plateforme de revente en ligne de l’enseigne chinoise, qui invite à acheter et vendre des produits Shein d'occasion lorsque l’on n’en désire plus l’utilisation. Avec un accès direct via l'application Shein ou sur le site Internet, à côté de chaque produit acheté précédemment, figure un bouton qui permet d’opter pour la revente du produit. Le système repose sur une interface qui pré-remplit automatiquement la liste des achats effectués. 

Une initiative que l’enseigne justifie comme une manière de renouveler sa garde-robe, tout en préservant l’environnement. Sa directrice du développement durable, Caitrin Watson, déclare : “Avec l'extension de notre plateforme Shein Exchange en Europe nous souhaitons offrir à nos clients des moyens de contribuer facilement à l'économie circulaire”. Si l’employée suit son discours responsable en situant l’enseigne “dans un processus d’amélioration continue” cherchant à “intégrer des pratiques circulaires dans le modèle commercial”, la réception de cette annonce est très mitigée. 

Une innovation pour occulter le bilan carbone affolant de Shein, pour les acteurs responsables du secteur, ça ne fait pas de doute

Crédits : The Cut
Crédits : The Cut

Lorsque le président exécutif de Shein, Donald Tang, était confronté à des accusations de surproduction au lendemain de l’adoption de mesures contre la fast fashion en France, ce dernier plaçait l’enseigne comme plus responsable que ses concurrents, ne produisant que ce que les clients demandent. Une déclaration qui éloigne Shein d’une polémique d’invendus, certes, mais n’empêche pas moins une production textile colossale. D’après un décryptage de la Fédération des Amis de la Terre, en 2023, Shein a levé 2 milliards de dollars, demeurant leader dans son domaine, bien que désormais, la plateforme Temu entre en compétition. 

La clé de cette réussite ? Un système de production extrêmement rapide qui permet au site chinois de proposer plus de 7 200 nouveaux modèles de vêtements en moyenne par jour, ce qui équivaut à 1 million de vêtements produits et représente près de 20 000 tonnes de CO2 émises. Un coût environnemental ahurissant et un culte de la surconsommation comme fondamentaux indélébiles de Shein, même avec l’élaboration d’un système de seconde main qui, à son tour, laisse à désirer. 

Le système de seconde main de Shein encouragerait davantage la consommation de vêtements 

Crédits photo : Paul Ariano
Crédits photo : Paul Ariano

Si la revente de vêtements en seconde main s’affirme comme un mode de consommation circulaire et fait fureur sur des plateformes phares telles que Vinted et Depop, prônant la seconde vie, l’art du dénichage et la collection de pépites vintage, l’initiative Shein Exchange diffère. À l’inverse des plateformes de seconde main multimarques, Shein axe sa revente exclusivement sur des produits propres au site et alimente un enthousiasme supplémentaire autour de son large éventail de produits mode et lifestyle. 

Alors que l’on pensait que les prix mini du site ne pouvaient pas devenir plus attractifs, ils sont 3 fois moins chers en revente. L’occasion d’acheter en grande quantité avec un coût très abordable comme prétexte principal. Même si consommer d’occasion permet une réutilisation, son accessibilité peut légitimer le fait que des clients achètent en masseet remettent en vente peu de temps après. Un comportement d’achat compulsif qui conduit le consommateur à acheter sans nécessité

Même si cette ambition de donner une seconde vie aux vêtements répond à une volonté de circularité et de consommation plus raisonnée, avec le rythme toujours croissant du site chinois qui s'amplifie avec Shein Exchange, la dynamique d’achat n’est pas près de diminuer. Comme pour redorer son image de marque, cette stratégie dite plus responsable contribue en réalité à la surconsommation de produits Shein, qui ne cherche pourtant pas à diminuer sa production d’articles neufs… Loin d’une mode parfaitement circulaire, la production effrénée de l’enseigne, elle, nous fait tourner en rond.   

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