Le véritable “Roman Empire” de toute une génération de femmes ? Penser à leur poids H24

L’utilisation de la trend TikTok " My Roman Empire " par les femmes révèle un vrai mal-être. En 2024, la pression sociale sur le corps féminin continue d’être omniprésente et a parfois de lourdes conséquences sur leur santé.

Écrit par Camille Cortot le

La trend Tiktok “My Roman Empire" ne vous a sûrement pas échappé ces derniers mois. Vous savez, cette tendance qui consiste à demander à une personne de la gent masculine à quelle fréquence il pense à l'Empire romain ? Eh bien après avoir appris que ce sujet occupait beaucoup l’esprit des mecs, cette trend a été reprise pour pleins d’autres sujets, parfois moins légers. Si les hommes s’occupent de César et Gladiator, les femmes elles, s’inquiètent de leur image corporelle : “Mon roman empire, c’est que je ne me suis pas bien sentie dans mon corps depuis mes 14 ans”. 

Plusieurs femmes partagent le mal-être qu’elles ressentent face à leur corps et la  pression du physique imposée par la société. Depuis des décennies, la minceur est érigée en idéal ultime. Entre les couvertures de magazines, les films et, plus récemment, les réseaux sociaux, nous sommes constamment confrontées à des normes inatteignables. Cette pression permanente pourrait être la source de conséquences graves avec une explosion des troubles du comportement alimentaire constatée ces dernières années.

Une société obsédée par l’apparence physique

Cette trend montre bien que les femmes sont encore loin de se sentir bien dans leurs corps. Dès les années 60, avec l’avènement des mannequins comme Twiggy, la minceur est redevenue une tendance mode et beauté à la pointe. ​​Alors même qu'on a pu se réjouir du body positive et de la mise en avant de mannequins grande taille dans les défilés des années 2010, la mode fait un retour inquiétant vers la glamourisation de la maigreur.

@brook.sahmx2 Body dymorphia started really bad for me once I became a mom which is so stupid. I created two humans from my body. I should be proud no matter how I look #foryoupagе#bodydysphormia#weightloss#mom#fypツ#pp#postpartum#mentalhealth#bodypositivity#trend#creator♬ Being a Girl - Jonica

Ce culte du corps parfait, très souvent associé à la maigreur, a été renforcé par les couvertures de magazines, les publicités, et plus tard, par les représentations dans les films et séries. Pensons à Bridget Jones, personnage culte qui a marqué toute une génération et qu’on considérait comme “grosse” alors qu’elle ne fait qu’un malheureux 38. Ou alors au stéréotype de l’amie “un peu trop ronde” qui n'est jamais l'héroïne désirable, qu'on retrouve dans beaucoup de films.

Les femmes ont grandi dans un monde où elles ont été conditionnées à croire que leur valeur dépendait de leur tour de taille. Cette pression, alimentée par des décennies de représentation biaisée, a laissé des cicatrices profondes.

L'impact des réseaux sociaux 

Puis, les réseaux sociaux sont arrivés, et la situation n’a fait qu’empirer. Là où les couvertures de magazines étaient déjà impitoyables, Instagram, TikTok, et autres plateformes ont multiplié les occasions de comparaison. Le flux constant de photos retouchées, de corps sans défaut, de vie parfaites et d’influenceuses vantant des produits miracles, a exacerbé la pression. Tout ceci donne l’impression de ne jamais être assez bien, et le besoin de désirer un ventre plus plat, des cuisses plus fines, des hanches plus marquées… C'est la spirale infernale de l'éternelle insatisfaction.

Ce phénomène pousse de nombreuses femmes à ne jamais se sentir à la hauteur, à s’imposer constamment de nouveaux objectifs corporels. Le corps, devenu un projet à remodeler sans cesse, est soumis à une fixation toxique.

L’explosion des troubles du comportement alimentaire

Cette obsession pour la minceur a des conséquences graves, notamment sur la santé mentale des femmes. Aujourd’hui, on assiste à une explosion des troubles du comportement alimentaire (TCA).

Le Dr Patrick Tounian, chef du service de nutrition et gastro-entérologie pédiatriques à l'hôpital Trousseau de Paris rapportait au Figaro que dans sa carrière, il a vu ces comportements problématiques exploser : " il y a 20 ans on avait un cas d'anorexie mentale par an, aujourd'hui on accueille entre 10 et 20 patientes par an. "

Dans les pays occidentaux, les troubles alimentaires touchent 10 à 12 % des femmes. L’anorexie mentale, la boulimie et d’autres formes de TCA sont des troubles qui peuvent être liés à cette pression sociale omniprésente, et les réseaux sociaux - en imposant des normes de beauté toujours plus irréalistes- n’ont fait qu’aggraver la situation.

@marilououellet_ph.d Une exposition fréquente aux images de corps idéalisés sur les réseaux sociaux est un facteur majeur dans le développement d’une pauvre image corporelle ou encore de troubles alimentaires (ex,Huang et al., 2020; Fioravanti et al., 2022). Et ça touche les personnes de genre feminin et masculin. #santementalequebec#tca#troubleducomportementalimentaire#santémentale#troublesalimentaire♬ Interstellar - Thayner Kesley

Une étude menée dans les îles Fidji par Anne E. Becker, chercheuse à l'université d'Harvard, a démontré l’impact des médias sur les comportements alimentaires. En seulement trois ans, entre 1995 et 1998, après l’introduction de la télévision nord-américaine sur l’île, 11,3 % des jeunes filles rapportaient des comportements alimentaires problématiques. En 2007, ce pourcentage avait grimpé à 45 %. Cette étude illustre de manière frappante à quel point l’exposition à des images de normes de minceur peut bouleverser des sociétés jusque-là épargnées par ce fléau.

Vers une prise de conscience et un changement ? 

Cette trend TikTok montre à quel point ces pressions persistent dans la vie des femmes et à quel point elles ont en marre. De plus en plus de femmes s’interrogent sur les normes imposées par la société et leur impact sur leur santé mentale.

Les représentations sont encore à côté de la réalité : la taille moyenne des femmes en France se situe entre le 40 et le 42. On est bien loin du 34 affiché par les couvertures de magazines. Bien qu’il reste encore de gros changements au niveau de la représentation du corps des femmes, des égéries plus rondes telles que Nicola Coughlan pour Skims donnent de l'espoir.  

@spencer.barbosa & follow me for more self love videos💖🫶 #girls#relatable#teenager#bodyimage#selflove♬ Pieces (Solo Piano Version) - Danilo Stankovic

L’heure est venue de questionner ces standards inatteignables et de reconstruire une image corporelle positive, où chaque femme peut s’accepter telle qu’elle est, sans se sentir obligée de correspondre à des critères imposés par des décennies de marketing et de manipulation médiatique.  

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