Libido et rapport au corps : c’est pas l’amour ouf
Entre l’Ozempic et les produits minceur, la pression pour maigrir est plus forte que jamais. Mais au-delà de l’apparence, ce culte de la minceur impacte aussi nos vies sexuelles. Comment cette quête du corps "idéal" façonne-t-elle notre désir et nos relations intimes ?
Écrit par Camille Croizé le
On pensait enfin pouvoir respirer un peu (merci le body-positivisme) et voilà que l’Ozempic débarque, apportant avec lui un retour du "culte de la maigreur". Le message est clair : être mince, c’est redevenu "la" norme.
Comme une mauvaise série qu’on pensait annulée, ce vieux démon du "corps parfait" nous poursuit jusque dans notre vie intime. Parce que, spoiler alert, ce culte de la minceur n’impacte pas seulement nos selfies mais aussi nos relations sexuelles. Mais pourquoi ? Comment ce nouveau "médicament miracle" a-t-il réussi à réactiver toutes nos angoisses et à faire de la quête de la silhouette parfaite une nouvelle obsession ?
Le culte de la minceur - comment on a rechuté ?
Si vous pensiez que le culte de la skinny silhouette avait enfin pris un peu de recul avec les mouvements pour l’acceptation de soi ? Que nenni madame. L’Ozempic, un médicament anti-diabétique devenu l’allié des personnes qui souhaitent maigrir, est là pour remettre les pendules à l’heure. Depuis quelques mois, ce petit coup de pouce médical a créé un vrai buzz sur les réseaux sociaux, et avec lui, une nouvelle génération de personnes prêtes à tout pour perdre quelques kilos en trop – même au prix de leur rapport au corps.
@amyinhalf hey, so its not a real thing 😘 #weightlosstransformation#beforeandafter#moonface#pcosweightloss#weightlosscheck#weightlossmotivation♬ original sound - amy
Impossible que vous soyez passée à côté. Entre les contenus "avant/après" de @amyinhalf qui font chacun au bas mot 3 millions de vues sur TikTok, ou encore ceux de @chanelica.r - qui après avoir perdu plusieurs kilos explique que "L’ozempic me fait paraître 10 ans plus jeune" (sa vidéo à fait plus de 4 millions de vues, une belle stat), autant vous dire que les promesses de ce médicament font…rêver.
Pourtant, cet engouement autour de ce produit "miracle" est carrément inquiétant. Après les huiles amincissantes, les rouleaux anti-cellulite, le Morosil - une pilule minceur - ou encore les compléments alimentaire, cette nouvelle méthode - dernière d’une longue liste - nous prouve ô combien les cultes de la beauté, de la minceur - et finalement même de la jeunesse - sont encore de rigueur (hello le patriarcat).
@chanelica.r#fypp♬ Mirrors by bbywhz - 𝔨.
Alors que la quête du corps parfait s’intensifie, la question se pose : pourquoi la minceur reste-t-elle encore la norme ? C’est un peu comme si on était pris dans un tourbillon : après avoir dit "non" au régime, on nous refait le coup du "oui, mais quand même… "
Ce culte de la minceur se glisse partout, jusque dans nos draps. Et oui, le sexe, ce domaine soi-disant "libéré", n’échappe pas à cette norme. Le lien entre image corporelle et désir est plus fort que jamais, et il ne se limite pas à une question d’apparence. Le culte de la maigreur affecte bien plus que notre manière de nous regarder dans le miroir : il influe sur notre rapport au plaisir et à l’intimité.
Sexe et anxiété : un duo infernal
D’après une enquête de Cosmo, près de 44% des personnes interrogées admettent que leur rapport à leur corps est un frein majeur à une vie sexuelle épanouie. Dans ce contexte où la norme est de se sentir "parfaitement " à l’aise dans sa peau, difficile de s’abandonner totalement dans les bras de quelqu’un. Un peu comme si on jouait à cache-cache avec son propre corps pendant l’acte. Pas vraiment le meilleur moyen de se laisser aller au plaisir, non ?
D’autant plus quand la question de la silhouette (souvent une obsession) devient facilement centrale. Et là, vous pouvez oublier l’extase : il devient bien plus difficile de se concentrer sur le plaisir que sur la question fatidique : "Est-ce que je suis assez mince pour être désirable ?".
Dans l’un de ses articles, le Cosmo UK a mit en avant Jasmine, 31 ans, qui a témoigné :"Je pense à tout ce que je déteste chez moi, et je n’arrive pas à profiter du moment." Parce qu’au lieu de se concentrer sur la sensualité de l’instant, elle se retrouve à calculer les angles de son corps comme une chef d’œuvre d’Instagram. Bref, impossible de vraiment être dans l’instant, quand on a l’impression que chaque centimètre de peau doit répondre à des critères de perfection.
La minceur, un critère plus sexuel qu’on ne l’imagine
En 2024, après l’Ozempic, la mode des bras fins (vous savez, ce hashtag"slim arm summer"qui fait rage sur les réseaux), et une ribambelle d’influenceurs qui vendent des régimes à la pelle, difficile de ne pas sentir que la pression monte. Car il ne s’agit pas seulement d’une quête esthétique, mais d’une vraie transformation de la manière dont on vit notre sexualité. Le culte de la minceur, c’est un peu comme un rôle à jouer : on devient le personnage d’un film, avec des exigences bien précises à remplir.
Ce qui était autrefois un simple problème d’image corporelle se transforme aujourd’hui en un problème de performance sexuelle. Une femme qui doute de son corps se sentira moins désirable, et par extension, moins capable de se donner pleinement à l’autre. Vous connaissez cette idée qu’il faut "être prêt" pour l’acte ? Eh bien, ça prend tout son sens ici. Être "prêt" à avoir des relations sexuelles ne signifie plus seulement se sentir désiré par l’autre, mais aussi se sentir "acceptable" par soi-même.
Comme si, avant de jouir de l’instant, il fallait d’abord s’assurer que notre corps soit parfait – ou du moins, le plus proche possible de l’idéal véhiculé par les réseaux sociaux.
Et si on changeait la donne ?
Ce culte de la minceur ne va pas disparaître du jour au lendemain, c’est certain. Mais peut-être qu’on peut lui dire "non" - ou mieux encore, carrément lui dire "f*ck" - de manière plus subtile et redéfinir ce qui nous rend sexy, et pas juste mince. Parce qu’au fond, le sexe, c’est avant tout une question de lâcher-prise et d’acceptation. Oui, c’est un combat mental, et non, ce n’est pas facile de se défaire de l’image de la perfection.
Mais si l’on veut réellement revendiquer notre sexualité et nos plaisirs, il est grand temps de se détacher de cette idée qu’il faille être parfaite pour être désirable. Et si le sexe était, tout simplement, un terrain de jeu où l’on se sent bien dans notre peau – peu importe sa taille ?