5 raisons d’aller voir Le Règne animal au cinéma
En salles depuis le 4 octobre 2023, le tout nouveau chef-d’œuvre de Thomas Cailley fait frissonner notre humanité. Un film important pour le cinéma français, débordant d'émotions fantastiques faites pour nous embarquer !
Écrit par Téa Antonietti le
Début octobre, le réalisateur Thomas Cailley a fait retentir un hurlement visionnaire dans l'histoire du cinéma français, qui s'est empressé à son tour de s'incliner devant son œuvre, "Le Règne animal". Neuf ans après la sortie de son premier film "Les Combattants" qui lui vaut un César, Thomas Cailley plonge une nouvelle fois ses spectateurs dans ce même esprit à part resté intact, retranscrit dans des salles sombres très vite éclairées par la beauté de son cinéma : l'audace d'avoir le choix.
"Le Règne animal" est un film inqualifiable, qui défie le cinéma de genre autant qu'il attendrit le fantastique. Loin d'un blockbuster, un peu plus près d'un film d'auteur, Thomas Cailley a choisi de renoncer à se faire classer et préfère jouer entre le spectaculaire et l'intelligent. Les deux font la paire. De ce point de départ naît une dualité incessante qui fait vibrer le film. D'un duo paternel à couper le souffle entre Romain Duris et Paul Kircher, à un parallèle entre une mutation terrifiante et la puberté à l'adolescence, en passant par un monde scié en deux, opposant incompris et ignorants.
En 2023, Thomas Cailley revient avec un film qui transforme les humains de spectateurs en êtres vivants d'ailleurs…
"Le Règne animal" raconte la quête tant physique que spirituelle d'un père et son fils, face à la disparition de la mère de famille. Dans un contexte de peur de l'autre comme de soi, d'incertitude comme d'évidence, François et son fils Émile sont à la recherche de Lana. Alors en pleine investigation dans la forêt, François appelle sa femme de la plus tendre des manières : la musique.
Un morceau de Pierre Bachelet (jugé ringard) témoigne de leur amour et voit son titre "Elle est d'ailleurs" faire écho à cette situation extraordinaire. Qui aurait cru que les mots de Pierre Bachelet exprimeraient parfaitement cette intrigue si particulière ? S'annonce alors une énigme vitale à laquelle nous autres, spectatrices, semblons indifférentes, avant d'être naturellement bousculées par son essence élémentaire qui ne tarde pas à éveiller nos sens les plus enfouis...
1. Un duo père & fils Romain Duris & Paul Kircher plus vrai que nature
Le film nous dévoile François, un père qui chavire face au monde à la dérive, au beau milieu duquel il a perdu celle qui était son pilier. Son interprète Romain Duris est plus que jamais émouvant et son humanité transperce l'écran. À ses côtés, le jeune Paul Kircher se révèle et brille au milieu d’une intrigue à laquelle il s’adonne tant qu’elle lui appartient, finalement. Dans la peau d’Émile, on assiste à une métamorphose qui nous transcende et construit entre lui et son père une parfaite osmose.
2. Un portrait du monde aussi évident que surréaliste
Ce qui est à la frontière entre le déroutant et le fascinant, c’est le portrait honnête de notre réalité. Alors transposées dans des circonstances qui semblent fatales, celles-ci n’en sont pas moins vitales. Partagé entre ceux qui qualifient les mutants de victimes et les autres qui crient aux « bestioles », le monde s’adonne à sa plus ancienne bataille : l’humanité face à sa destinée.
Aussi impensable que cela puisse paraître, Thomas Cailley a l’intelligence de peindre ce phénomène à l’apparence dystopique dans une réalité que tout le monde connaît. On peut être coincé en voiture dans les bouchons parisiens et voir s’échapper d’une ambulance un homme-oiseau incontrôlable, ou bien assister à l’évasion de ses semblables hybrides à deux pas de sa résidence vacances… Comme la mutation le démontre, le monde est imprévisible et le préserver n’a jamais semblé aussi nécessaire.
3. Une ode à la métamorphose sous toutes ses formes
En jouant avec les limites de l’imaginaire collectif, Thomas Cailley bouscule le champ des possibles pour y introduire une rencontre inattendue entre naturel et surnaturel. A lieu une fusion entre Homme et animal... Une métamorphose inédite nous prend de court, semant la panique et la terreur face à cette force inconnue non maîtrisée. Sommes-nous disposées à tenter une vie commune, ou à renoncer par peur de l’étranger, et ainsi chasser la différence par la violence ?
Une réponse teintée d'espoir se clarifie au long du film, lorsque notre sensibilité aspire à la beauté de ces mutations. Notamment à travers le touchant personnage de Fix, dont on suit l'évolution stupéfiante (aidée par la prouesse des effets spéciaux). Sa métamorphose fascine tant par son empathie humaine qui fait battre nos cœurs, que par son instinct animal qui le fait battre des ailes. Une quête identitaire est lancée et Émile, adolescent transcendé entre son confort humain et l'appel criant à la nature, ne tarde pas à abandonner tout ce qu'il sait pour mieux se transformer.
4. Un témoignage de l'amour qui triomphe toujours
À l'aube d'une guerre mondiale, lorsque des familles et des populations entières sont séparées par faute d'intolérance, on apprend qu'une fois encore, la seule force réparatrice, c'est l'amour. Il est d'abord parental, entre François et son fils Émile, plus soudés que jamais. Puis, celui de sa mère qui, portée disparue, donne une force infatigable aux hommes de sa vie, déterminés à la retrouver.
C'est quand le chaos est à son paroxysme que le cœur bat plus fort, et que les sentiments forment des balustrades protectrices. Dans l'adversité, les liens se renforcent et l'amour semble insurmontable. Loin de la différence, si Émile affirme que sa mère est morte à ses camarades de classe, il ne tarde pas à hurler "Maman !" à pleins poumons lorsque son père et lui partent à sa recherche, guidés par l'émotion.
5. Une nature magistrale qui reprend ses droits
Une végétation omniprésente, que l’humain a apprivoisée puis exploitée, semble imposer sa loi à nouveau et riposte en gagnant du terrain sur l’espèce humaine, littéralement. Alors que les victimes du virus s'échappent du système, elles se métamorphosent et se réfugient dans la forêt, point de départ pour une nouvelle espèce chassée par ses aînés.
La nature les recueille et les élève vers une vie nouvelle qu'on ne tarde pas à découvrir. On apprend comment des mutations non désirées sont reçues face à un monde inquiété. Impossible à circonscrire avec notre humanité, ce phénomène finit par se retirer dans l'ombre d'une nature bienfaitrice, qui apparaît comme le foyer où toutes les espèces refoulées viennent cohabiter...
"Le Règne animal" est un tournant important pour le cinéma français, qui, avec comme parti pris celui de ne pas faire de choix, embrasse les plus essentiels sujets de notre société avec justesse et subtilité.