Quand l’IA devient la nouvelle arme des hommes pour contrôler les femmes
Avec l’essor de l’IA, le corps des femmes devient un jouet virtuel à manipuler. Une simple image volée suffit pour les déshabiller numériquement. Derrière ces dérives, on retrouve, encore et toujours, le contrôle et les profits d’hommes. On décrypte.
Écrit par Erine Viallard le
L’intelligence artificielle, alors qu’elle facilite la vie, a un côté sombre qui fait déjà des ravages. Et comme souvent, les premières victimes sont les femmes. Leur image, leur corps, leur liberté, tout devient terrain de jeu pour des entrepreneurs en quête de buzz ou en mal de contrôle. Entre deepfakes pornographiques et IA moralisatrices, une question s’impose : jusqu’où iront-ils pour salir les femmes ?
L’IA pornographique
Des photos Instagram détournées pour créer des images pornographiques afin de les vendre sur des plateformes privées. Cela peut sembler digne d’un cauchemar, mais c’est une réalité. Ce sont les deepfakes version business.
Dans ce système, des entrepreneurs - souvent issus de l’écosystème OnlyFans - se passent des vrais modèles. Pourquoi convaincre quand il suffit de voler ? Ils utilisent des outils d’IA pour transformer des photos publiques en avatars hypersexualisés. Aux dépens de femmes, anonymes comme reconnaissables, dont les images sont usurpées. De faux profils, des vidéos aguicheuses, et des contenus monétisés sont alors sur des plateformes payantes.
Louana, 23 ans, une des victimes de ce qu’on appelle l’OFM IA (OnlyFans Management IA), a vu ses photos transformées sans son consentement pour alimenter un business lucratif.“Donc là, il y a un mec qui prend mes photos Instagram et mes vidéos TikTok et qui, avec l’IA, les met sur des plateformes privées pour vendre mon image”, explique-t-elle dans une vidéo publiée le 20 novembre - visionnée plus de 200 000 fois. Face caméra, la jeune femme décrit comment des contenus qu’elle a partagés sur les réseaux sociaux ont été volés, modifiés via des technologies de deepfake, et commercialisés comme s’il s’agissait de son propre travail sur des plateformes pour adultes.
@louanadlg on souffle🥱🥱
♬ son original - Louana🪩🩷
Des entrepreneurs encouragent ces affaires et vont jusqu’à partager ouvertement leurs méthodes. Parmi eux, certains publient même des tutoriels sur YouTube : “OFM IA : Comment créer un modèle IA de A à Z”, détaille Hugo Matias - dans une vidéo vue plus de 350 000 fois. Ces vidéos ne s’arrêtent pas là, elles servent d’appât pour vendre des formations payantes.
@viktor.vidall GROS TUTO OFM IA 🤖😳 #tutoriel#explication#business♬ son original - Viktor VIDAL
Mais se cache là, un discours masculiniste. Il s’agirait d’une opportunité “innovante” pour générer du profit. Une “stratégie marketing” qui n’est autre qu’une forme de violence numérique, réduisant une fois encore les femmes à des objets manipulables et monétisables.
DignifAI dicte ce qu’est une femme “bien”
À l’opposé, une autre tendance émerge : rhabiller les femmes pour les “rendre dignes”. Une pratique qui se veut moralisatrice, mais qui pue le contrôle et le patriarcat.
L’IA porte le nom de Dignif AI, un jeu de mots évocateur : en anglais, "dignify" signifie "rendre digne", reflétant parfaitement l’esprit de la démarche. Elle modifie donc des photos de femmes, pour effacer tout ce qui pourrait choquer les traditionalistes : tatouages, décolletés, coiffures audacieuses. Même Kristen Stewart n’y a pas échappé : sa couverture audacieuse pour Rolling Stone a été transformée en version “épouse parfaite des années 50”, foulard inclus.
Ce type de contenus circule sur des forums comme 4chan, accompagné de slogans inquiétants : “ Avec l’IA, nous purifions les femmes.” - on se croirait dans une secte. Ces hommes ne se contentent pas d’objectiver les corps, ils les transforment en outils d’un fantasme moraliste où les femmes doivent obéir aux codes qu’ils imposent.
Déshabiller, rhabiller, manipuler : peu importe le procédé, le résultat est le même. Ces IA ne font que reproduire une volonté ancestrale qui est de contrôler le corps des femmes.