Comment le #Notallmen invisibilise les violences faites aux femmes
Le hashtag #Notallmen refait surface sur les réseaux sociaux, et ça en dit long sur le mindset de certains mecs. Alors qu'on découvre l'affaire glaçante des agressions par l’abbé Pierre et le procès des viols de Mazan, certains hommes semblent plus préoccupés par leur image que par les victimes. Mais pourquoi tant de réactions défensives ?
Écrit par Camille Croizé le
C’est reparti. Le fameux hashtag #Notallmen refait parler de lui. Cette petite phrase qui, au premier abord, pourrait paraître inoffensive, cache en réalité un phénomène bien plus profond et révélateur de notre époque. Alors que des affaires graves, comme les révélations autour de l’abbé Pierre ou encore le procès des viols de Mazan, envahissent l'actualité, certains hommes préfèrent se dédouaner en rappelant que "ce n'est pas tous les hommes". Mais franchement, est-ce que c’est vraiment le moment ? Ce type de réponse, au lieu de soutenir les victimes, a tendance à détourner l'attention des vrais enjeux : les violences faites aux femmes.
Mais d'où vient ce réflexe de se défendre à tout prix ? Pourquoi certains se sentent obligés de rappeler qu’ils ne sont pas coupables ? Est-ce vraiment utile de le préciser ? Spoiler : pas vraiment. On plonge ensemble dans le mouvement #Notallmen pour comprendre ce qu'il cache et pourquoi il continue de créer autant de bruit sur les réseaux.
Le mouvement #Notallmen, c’est quoi ?
Le hashtag #Notallmen est né en réaction au mouvement féministe #YesAllWomen, qui dénonçait les violences sexistes subies par les femmes au quotidien. Face à cette vague de témoignages, de nombreux hommes ont ressenti le besoin de préciser qu’ils ne se reconnaissaient pas dans ces accusations, d'où le fameux "not all men". À première vue, c’est légitime : bien sûr que tous les hommes ne sont pas des agresseurs.
Women for Women France - l’association nationale de référence dédiée au soutien et à la défense des droits des personnes immigrées confrontées à des violences conjugales en France - rappelle que “les femmes n’ont pas besoin que vous leur rappeliez que tous les hommes ne sont pas des agresseurs, tout comme elles n’ont pas besoin qu’on leur rappelle que tous les hommes n’ont pas les yeux marron”.
Mais là où ça coince, c’est que ce type de réponse tend en réalité à invisibiliser les expériences des femmes, à minimiser leur souffrance en détournant le débat. Parce qu’au final, la question n'est pas de savoir si tous les hommes sont violents, mais plutôt de reconnaître que ces violences existent, et qu'elles sont perpétrées par certains hommes.
Un moyen pour les hommes de se dédouaner ?
Pour certains, dire #Notallmen est une manière de se protéger, de rappeler qu'ils ne sont pas responsables de ces violences. Mais en faisant cela, ils dévient la conversation du sujet principal : les victimes. On ne dit pas que tous les hommes sont des agresseurs, mais il y a une nécessité urgente de reconnaître que beaucoup le sont, et que les violences faites aux femmes sont un problème systémique.
L’association Women for Women France, explique dans un communiqué de presse que le fameux “Pas tous les hommes” est profondément enraciné dans un écosystème patriarcal qui exonère ceux qui ne sont pas directement coupables d’un sentiment de responsabilité vis-à-vis du système dans son ensemble”. En gros, en répondant par "pas moi", certains hommes évitent ainsi de remettre en question leurs comportements ou de réfléchir à la manière dont ils bénéficient d'une culture patriarcale qui excuse ces violences.
Sur les réseaux sociaux, le #Notallmen devient l'argument préféré des mecs
Sur TikTok, Twitter ou encore Instagram, #Notallmen est devenu une punchline, un argument clé que certains dégainent dès qu'une discussion sur les violences sexistes ou le consentement se lance. "Pas moi, donc stop de généraliser", entend-on régulièrement. Mais en fait, en disant cela, ils participent sans le vouloir à ce qu’on appelle le "tone policing", ou comment recentrer le débat sur les sentiments des hommes plutôt que sur les faits. C'est comme dire à quelqu'un qui se noie qu’il ne faut pas accuser tout l’océan.
Une invisibilisation des violences faites aux femmes
Le véritable danger de ce mouvement, c'est l'invisibilisation des violences. En focalisant la discussion sur les hommes qui ne sont pas coupables, on détourne l'attention des problèmes réels : les violences sexistes, qui touchent un nombre alarmant de femmes dans le monde.
Plutôt que de comprendre l'ampleur de ce phénomène et de s'engager à lutter contre, certains hommes choisissent de se poser en victimes d'une généralisation. Mais au lieu de cela, pourquoi ne pas utiliser cette énergie pour soutenir les victimes, écouter leurs récits et comprendre que ce n’est pas une attaque personnelle, mais une remise en question nécessaire de la société ?
Un mouvement à l'origine de polémiques sur les réseaux
Comme beaucoup de sujets polarisants, le #Notallmen divise. D’un côté, il y a ceux qui pensent que cette phrase est un simple rappel de la vérité, et de l’autre, ceux qui y voient un moyen de faire taire les femmes. La polémique enfle, notamment sur Twitter, où des débats passionnés opposent féministes et défenseurs du hashtag. "Pas tous les hommes mais suffisamment pour que chaque femme ait une histoire à raconter", "pas tous les hommes mais chaque femme à peur de marcher seule la nuit" ou encore "not all men but assez pour que les femmes doivent surveiller leur verre en soirée", autant vous dire que sur les réseaux les arguments des féministes sont nombreux.
Leur but ? Faire prendre conscience aux hommes que les violences faites aux femmes sont bien réelles et que les minimiser ne fera que les rendre complices de ces faits.
Au fond, ce hashtag est symptomatique d’un malaise profond : celui d’une société où certains préfèrent se défendre plutôt que de reconnaître un problème collectif. Et si, à la place de #Notallmen, on commençait à utiliser #YesAllWomen pour amplifier les voix de celles qui en ont le plus besoin ?
Vous l’aurez compris, le #Notallmen en dit long sur l’état d’esprit de certains mecs aujourd’hui : entre le besoin de se protéger et la difficulté à accepter une remise en question. Mais il est urgent de recentrer la discussion sur les vraies victimes : les femmes. Ce qu’il faut comprendre, l’association Women for Women France l'explique parfaitement, “nous avons besoin de vos voix dans ce combat, non pas pour clamer votre innocence, mais pour exiger un changement radical”.