“Il faut passer d’une culture du viol à une culture du consentement”
Le procès des viols de Mazan, impliquant 51 accusés pour une seule victime, soulève des attentes profondes chez les féministes. Derrière ce jugement se cache une bataille pour un véritable changement dans la lutte contre les violences sexuelles, de la justice à la société.
Écrit par Camille Cortot le
Le procès des viols de Mazan est bien plus qu’un événement judiciaire. Il cristallise des attentes profondes et des espoirs de changement portés par les collectifs féministes, les associations de défense des droits des femmes, et, plus largement, par une société en quête de justice. Dans un contexte où les violences sexuelles restent massivement invisibilisées – bien qu’elles touchent des centaines de milliers de femmes chaque année en France – ce procès offre une opportunité unique de questionner nos institutions et nos mentalités.
Pour NousToutes, ce procès doit marquer un tournant. Il ne s'agit pas seulement d'obtenir un verdict exemplaire, mais aussi de poser des bases solides pour une transformation sociale durable. Démystifier l’image du "monstre", repenser la place du consentement dans la justice, renforcer la prévention et le soutien aux victimes : autant de revendications essentielles portées par des collectifs féministes. Ce procès, par son ampleur, peut ouvrir une brèche dans un système qui échoue à protéger les femmes et à punir les agresseurs. Dans ce contexte, une militante de l’association Noustoustes a partagé avec nous les attentes profondes des femmes suite à ce procès.
Mettre fin au mythe du "monstre"
“Ce procès est emblématique parce qu’il met en lumière une réalité que nous dénonçons depuis longtemps : les agresseurs ne sont pas des monstres isolés, ce sont des gens ordinaires – des collègues, des amis, parfois des membres de la famille." souligne une militante de l'association.
Pour les associations féministes, l’idée selon laquelle les violeurs sont des figures marginales, presque inhumaines, détourne l’attention de la réalité : les violences sexuelles sont banalisées et souvent perpétrées dans la sphère privée. Ce procès, par son ampleur, rappelle que les agresseurs ne sont pas l’exception, mais bien un reflet d’un problème systémique. “Nous espérons que ce procès permettra enfin une prise de conscience collective, que cette image du “monstre” laisse place à la réalité. Les violences sexuelles sont partout. Elles sont le résultat d’une société qui, depuis l’enfance, nous habitue à tolérer la culture du viol."
La culture du viol – cette banalisation des agressions sexuelles et cette tendance à culpabiliser les victimes – est omniprésente dans la société. Elle trouve racine dans les discours, les comportements et les systèmes éducatifs qui perpétuent l’inégalité entre les sexes. Le chiffre est alarmant : 210 000 viols ou tentatives de viol sont commis chaque année en France, soit un toutes les deux minutes trente. Pourtant, seulement 0,6 % des agresseurs sont condamnés.
"Ce procès doit provoquer un sursaut, non seulement dans les tribunaux, mais aussi dans la société. Nous ne pouvons plus détourner le regard."
Un appel à des actions concrètes
Pour NousToutes, il ne suffit pas seulement de parler de la nécessité d’un changement des mentalités. Il faut agir. Les associations féministes et notamment Noustoustes portent depuis des années des revendications claires, articulées autour de trois axes principaux :
De la prévention et de l'éducation
La prévention est le socle principal de la lutte contre les violences sexuelles.“ Depuis 2001, la loi prévoit trois heures d’éducation à la vie affective et sexuelle par an dans les écoles. Pourtant, dans la majorité des établissements, cette obligation n’est pas respectée." Cette éducation est essentielle pour inculquer dès l’enfance une culture du consentement et déconstruire les comportements sexistes. “ C’est le rôle des institutions de former les enseignants, de leur donner les moyens de mener ces séances. Aujourd’hui, beaucoup le font presque bénévolement, en plus de leur charge de travail. “
"Le consentement est fondamental dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles mais aussi dans le respect de l'autre et dans l'égalité entre tous les enfants, donc le volet préventif est indispensable”. La prévention ne doit pas s’arrêter aux établissements scolaires. Selon Noustoustes, elle doit s’inscrire dans un cadre bien plus large, avec une formation continue tout au long de la vie, dans tous les espaces : privés, professionnels, éducatifs, et même dans les milieux de santé.
Des réformes juridiques demandées
L’association Noustoustes, comme beaucoup d’autres associations féministes, demande l’introduction de la notion de consentement dans la définition du viol : " La définition actuelle du viol dans le droit français est insuffisante. Il faut un débat pour intégrer cette notion, fondamentale dans la lutte contre les violences sexuelles. "
Le procès Mazan met également en lumière les lacunes d’un système judiciaire souvent perçu comme hostile aux victimes.“Le parcours judiciaire est presque une double peine pour les victimes. Le procès de Gisèle Pelicot nous l’a bien montré, les femmes sont maltraitées, elles sont humiliées c'est long, c’est coûteux financièrement mais aussi psychologiquement en termes de santé mentale et ça peut véritablement créer des traumatismes et de l’isolement. “
Un soutien financier nécessaire
Les associations qui accompagnent les victimes de violences sexuelles dénoncent un manque cruel de financement. “Ces structures sont en burn-out militant. Nous demandons une augmentation significative des moyens pour qu’elles puissent continuer leur travail indispensable."
Une urgence collective
Le procès de Mazan n’est pas qu’une affaire individuelle. Il reflète un système défaillant qui, pour beaucoup de femmes, transforme leur vie en une succession de violences.“Nous ne pouvons plus accepter que des millions de femmes passent leur vie dans l’angoisse des agressions, depuis leur enfance jusqu’à l’Ehpad“, déplore la militante.
Cette réalité exige une mobilisation à tous les niveaux : gouvernement, institutions, médias et citoyens. “Nous voulons que ce procès ouvre la voie à une réflexion collective. Il faut passer d’une culture du viol à une culture du consentement.”
Des attentes importantes
Les attentes autour du procès de Mazan sont immenses. Au-delà du verdict, ce sont des vies entières qui sont en jeu, des parcours brisés qui méritent réparation, et une société tout entière qui doit évoluer. "Nous voulons que ce procès ne soit pas seulement un exemple de ce qui ne va pas, mais aussi un point de départ pour ce qui pourrait être. Les revendications sont là, les solutions sont connues. Maintenant il faut qu'il y ait une volonté politique et qui est d'argent qui soit mis sur la table.“