Les hommes et le consentement : Pourquoi ça semble si compliqué ?

Quid du consentement en France ? Un récent sondage fait un état des lieux et c'est plutôt inquiétant.

Écrit par Juliette Gour le

Comme un cauchemar récurrent, les actualités qui entourent l'affaire Mazan viennent hanter notre quotidien. En cette première semaine d'octobre, les auditions des 50 accusés ont commencé et on en apprend un peu plus sur ces profils de "monsieur tout le monde", trouvés à moins de 20km du domicile de Gisèle Pelicot.

Outre la culture du viol, ce que met en évidence cette affaire, c'est la relation que nous entretenons avec le consentement. Si les jeunes filles sont éduquées - très tôt - à dire non à tout (surtout au loup qui rôde dans les bois), qu'en est-il des petits garçons ? D'ailleurs, il est devenu quoi ce camarade "farceur" qui soulevait la jupe des filles ? A-t-il continué à le faire une fois adulte ?

Toutes ces questions sont légitimes, parce qu'elles sont liées à notre rapport au consentement. Personne ne s'était jamais penché sur le sujet jusqu'à ce que le Elle - en collaboration avec OpinionWay - mène une vaste étude sur le consentement. Et sans surprise, le mot n'a pas les mêmes limites chez les hommes.

Ne rien dire, c'est dire oui, non ?

Dans les différentes questions posées aux sondés, on se rend rapidement compte que la question du "non" est assez centrale dans le consentement. 48% des hommes estiment qu'une femme dit toujours non en premier et 58% estiment qu'une partenaire peut changer d'avis si on insiste. Pire, pour plus d'un homme sur deux, une absence de non est un feu vert à la relation sexuelle.

Mais les dés sont pipés, car 48% des hommes estiment qu'un non n'en est pas vraiment un... En bref, c'est un peu quand ça les arrange et en fonction de la situation à en croire le sondage.

Pour beaucoup (67%), la solution parfaite serait d'inscrire la notion de consentement dans la loi, mais pour beaucoup de féministes, c'est une solution superficielle. Anne Cécile Mailfert, militante et présidente de la Fondation des femmes est formelle : inscrire le consentement dans la loi, c'est retourner la responsabilité du viol sur les victimes. Mettre le consentement (ou non) dans la considération du viol, c'est oublier toutes les victimes forcées à dire oui ou contraintes d'accepter le rapport sexuel.

Pire, quand on sait que le non n'est pas réellement considéré par les hommes (ils l'avouent eux-mêmes), comment s'assurer que le consentement n'a pas été volé ?

#MeToo, le grand méchant de l'histoire ?

Dans le flot de chiffres recueillis par le Elle, il y en a un qui fait plus écho que les autres : en 2024, 76% des hommes pensent qu'il est difficile de savoir comment se comporter avec les femmes depuis #MeToo. L'ironie nous pousserait presque à leur répondre "ne pas les violer, les agresser ou les tuer", mais c'est en réalité plus complexe que ça.

Ce qui arrive à ces hommes, c'est que tous les repères qui ont rythmé la société sont en train de changer. Les générations d'Amazones s'enchaînent avec la ferme intention de clouer le bec au patriarcat. Mais dans un monde où les femmes sont plus éduquées sur les questions de sexisme (selon le Haut Conseil à l'Égalité), il est normal que les 49% de la population privilégiée soie perdue dès qu'on touche à leurs repères.

Ce n'est pour autant pas une excuse. Il y a aujourd'hui une nécessité d'insister sur l'éducation des jeunes garçons pour espérer apporter un équilibre à la société dans le futur.

Le travail de déconstruction reste long. Tant que 15% des hommes interpréteront un sourire comme une invitation ou qu'une tenue sexy est une forme de consentement (pour 21%), les habitudes auront la vie dure.

L'affaire Mazan, l'affaire du changement ?

Quid de l'affaire Pelicot, qui devrait occuper l'actualité pendant au moins 4 mois (durée des procès). 91% des hommes en ont évidemment entendu parler, mais est-ce que ce cas affreusement unique peut faire évoluer les choses dans le bon sens ? Pour 71% des hommes de moins de 35 ans, le procès pourrait conduire les hommes à reconsidérer leur rapport au consentement et à la sexualité. Une petite victoire donc, qui est contrebalancée par 40% des hommes pensent qu'il ne faut pas faire de généralité (le fameux "Not all men") et c'est une croyance particulièrement ancrée chez les 50 ans et plus. C'est à se demander si le consentement n'est finalement pas une affaire de générations.

Ce que ce sondage montre, c'est qu'il reste un long chemin à parcourir pour arriver à une société où les femmes n'auraient plus peur d'être agressées et où un non serait réellement considéré. En attendant, on continuera de marcher dans les rues tout en fantasmant sur Tanaland, le pays sans hommes.

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