Le jour où j’ai failli finir dans une “secte” après un cours de yoga : le “Bien-Être” à la dérive
La Miviludes met en garde contre des pratiques sectaires de plus en plus répandues dans le secteur en plein essor du Bien-Être.
Écrit par Alice Legrand le
Alors qu'il y a quelques mois, le gourou de 71 ans Gregorian Bivolaru était arrêté pour traite de personnes, séquestration en bande organisée et viol, la question se pose. Le Bien-Être, avec des pratiques comme le jeûne ou le yoga, laisse-t-il place à des dérives sectaires ?
À différents niveaux, les méthodes pour se purifier, se soigner et accéder à une meilleure version de soi-même peuvent poser soucis. Alors, pas de panique, pas question d'annuler votre cours de yoga de 18h. Non, il s'agit juste de mettre en garde contre ce type de pratique qui prend de plus en plus d'ampleur ces dernières années d'après la Miviludes, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
"J'ai failli finir dans une secte en essayant du yoga gratuit à Paris"
Il y a quelques années, en voulant m'initier au yoga et suivre des cours de manière régulière, je me renseigne sur les séances de yoga gratuit à Paris. Bingo, je trouve un créneau de yoga méditatif juste à côté de chez moi.
J'arrive dans une petite salle qui a pignon sur rue, et on me propose tout de suite une boisson chaude. Je m'installe dans un fauteuil, tout le monde discute de la pluie et du beau temps avant la séance. On se met en place, tous assis sur une dizaine de chaises qui forment un rond. Au centre, sur le mur, il y a une photo de Nirmala Srivastava, la fondatrice du Sahaja Yoga. Pendant une heure, le couple qui anime la séance explique la méthode pour les nouveaux (dont je fais partie). On nous parle du fonctionnement des chakras, on répète des phrases glorifiant la fondatrice... On allume même une bougie pour purifier nos chakras en la faisant tourner autour de nous. Je trouve ça un peu étrange, mais je me dis que ça ne peut que me faire du bien...
Bref, pas trop le style de yoga auquel je m'attendais, mais je ressors de la séance totalement détendue. Les gens sont tellement sympas et bienveillants ! On m'explique comment continuer la méditation chez moi, car il faut pratiquer la méthode au quotidien, pour plus d'effets. Je dis "à la semaine prochaine" au groupe, et je m'en vais. Sur le chemin du retour, je réfléchis déjà où je vais bien pouvoir me procurer des bougies comme on a utilisé pendant le cours. Et j'envoie un texto à ma mère pour lui expliquer ma dernière trouvaille Bien-Être. Mais dès lors qu'elle comprend où j'ai été, elle s'énerve, et me dit de ne plus jamais y retourner ! Elle qui adore les disciplines spirituelles et qui voulait absolument que je me mette au yoga, j'ai du mal à comprendre sa réaction catégorique.
Elle ne veut pas m'expliquer pourquoi, mais fini par m'envoyer le lien d'un article de presse. Le type de yoga auquel j'ai participé, bien qu'autorisé en France, s'apparente à une secte. Et elle m'explique qu'elle-même en a déjà fait les frais quelques années auparavant. Je comprends mieux sa réaction...
Si en 2012, le Sahaja Yoga était pratiqué dans plus de 95 pays, il est pensé à des degrés différents selon les groupes qui le pratiquent. Sans être sûre du degré de dangerosité de celui que j'avais rencontré, autant vous dire que je n'y suis plus jamais retournée.
Les dérives du Sahaja Yoga : comment fonctionne le système sectaire ?
Deux rapports de la Commissions d'enquête parlementaire sur les sectes incluent le Shaja Yoga, sans jamais l'interdire. En 1995 et en 2005, le mouvement est cité, notamment concernant un danger potentiel pour les enfants. Souvent les parents membres envoient leurs enfants étudier dans des écoles internationales (en Inde, en Italie et en République tchèque) dirigées par des représentants du Shaja Yoga, en faisant en sorte de les éloigner de leurs parents biologiques, pour qu'ils finissent par identifier Nirmala Srivastava, la fondatrice du mouvement, comme leur Mère Divine. Oui, c'est un peu glauque.
Le Centre d'information et d'avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN) a également dénoncé en 2005 plusieurs aspects dits sectaires de cette organisation, mais certains affirment que ces allégations seraient infondées. Alors, info ou intox ?
Contrairement à une vraie secte, il n'y a pas d'adhésion ni de liste de membres permanents. Mais certains groupes de Sahaja Yoga seraient plus radicaux que d'autres. Mieux vaut prévenir que guérir, alorsje ne suis plus jamais retournée à un seul cours de yoga gratuit.
Le Bien-Être laisse-t'il place à des dérives sectaires ?
La Miviludes observe une nouvelle évolution dans le paysage des sectes. Désormais, sous couvert de "Bien-Être", des pratiques anodines comme le jeûne, le yoga ou le crudivorisme sont présentées comme des remèdes miraculeux à de nombreux maux. Le problème ? Cela serait la porte d'entrée vers certains groupes sectaires.
"Devenir la meilleure version de soi-même", "nettoyer son corps", "se connecter avec l'énergie divine absolue" ou encore "exploiter son plein potentiel", telles sont les promesses qui prêtent à confusion. La Miviludes alerte, en expliquant que "cet idéal ne serait accessible qu’au travers de l’enseignement d’un 'guide', détenteur d’une méthode miracle pour s’affranchir de ses défauts, de ses regrets, de ses contraintes, etc."... Sur le modèle donc, d'une secte.
Internet n'a fait qu'empirer le phénomène. Maintenant, ces groupes rallient beaucoup plus facilement des adeptes, grâce à des groupes Facebook et autres propagandes sur les réseaux sociaux.
Gregorian bivolaru, gourou du yoga Atman, arrêté : il était amateur de yoga tantrique
L'homme de 71 ans est accusé d'avoir endoctriné et exploité sexuellement des femmes, par l'intermédiaire de sa secte de yoga Mouvement pour l'intégration spirituelle vers l'absolu (Misa), aussi appelée Fédération de yoga Atman. Au moment de son arrestation, une vingtaine de victimes se trouvaient à son domicile, toutes venues à la base pour des "initiations sexuelles de yoga tantrique". Il a financé son mouvement en prostituant certaines de ses fidèles, tandis que d'autres lui donnaient une partie de leurs revenus.
Passionné de yoga et de porno, il liait ses deux passions. Les victimes sont nombreuses à avoir témoigné : "On m’a proposé de faire l’amour sur des tombes... On m’a dit que je me rapprocherais ainsi de la déesse Kali, connue comme la déesse des morts, ce que j’ai refusé". Ou encore, lors d'une "retraite spirituelle" : "Bivolaru est venu dans ma chambre en peignoir, m’a pris la main et m’a emmené dans l’autre pièce, où il y avait un très grand lit. Là, il a retiré son peignoir et m’a dit d’enlever mes vêtements. Je me suis déshabillé, et il m’a touché, mais il ne m’a pas agressé ni poussé, et malgré tout ça, je n’ai rien pu faire, je me suis enfermé, j’ai eu un blocage".
Sa secte, créée dans les années 90, réunit plus de 35 000 personnes en Europe et en Amérique du Sud.
Quel est le but d'un gourou ? Comment signaler un gourou ?
Si vous observez un comportement étrange, alors il est important de s'en éloigner, et si besoin, de le signaler à la police ou gendarmerie. Le schéma d'emprise est parfois difficile à discerner quand on est pris dedans, mais d'après Sophia Ducceschila, psychothérapeute spécialiste des dérives sectaires, certains signaux non facilement reconnaissables.
Elle explique à BFMTV : "Par exemple, si la personne qui anime l'activité demande des choses très personnelles aux gens sur leurs habitudes, leur famille, ça peut être un premier point. L'emprise, ça s'installe très insidieusement, pas en un stage de trois jours mais avec des graines qui font que la personne va revenir". Des précautions sont aussi à prendre siles frais de cotisation deviennent de plus en plus élevés. Faites attention à vous !