Selon le dernier rapport du Haut Conseil de l’égalité, la France est un pays de plus en plus sexiste

Malgré la mise en place de nombreuses luttes contre le sexisme institutionnel par les féministes et alliés, les vieilles idées semblent avoir encore de beaux jours devant elles. La preuve : selon le dernier rapport du Haut Conseil de l'égalité, les choses prennent une tournure inquiétante en France.

Écrit par Juliette Gour le

Dur dur d'être une femme en France en ce début d'année 2024. Entre la nécessité du réarmement démographique évoqué par le président Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse, les groupes anti-IVG qui gagnent de plus en plus de terrain sur les réseaux sociaux et la potentielle mise en place d'un test de fertilité obligatoire à 25 ans, c'est à croire que les femmes sont l'ennemi public numéro 1 de la France.

Pour couronner le tout, le Haut Conseil de l'égalité vient de publier un rapport sur l'état du sexisme en France et il n'y a pas de quoi sauter au plafond. Plus que jamais, les stéréotypes sexistes semblent profondément ancrés et le pays a du mal à se détacher des stéréotypes de genre. 

Par exemple, 78% des femmes sont persuadées qu'elles doivent correspondre à une certaine idée de la féminité pour être considérées par la société : être discrètes, douces, vouloir des enfants... Autant de clichés que l'on pensait dépassés en 2024, mais qui semblent encore bien installés dans nos esprits

Outre les chiffres - effrayants - évoqués par le rapport, ce qui inquiète le plus, c'est le fait que certains clichés de genre aient gagné en "popularité" tout au long de l'année 2023. Ainsi, 42% des hommes pensent qu'il est difficile pour eux de pleurer et 26% d'entre eux estiment toujours que le barbecue est une affaire d'homme. En vrac, on apprend également que 26% des hommes pensent que la contraception est une affaire de femmes - mais certains ont tout de même leur mot à dire sur l'IVG - et 34% des femmes pensent qu'il est normal d'arrêter de travailler pour s'occuper de ses enfants

Outre le fait que les féministes de la grande époque doivent se retourner dans leur tombe, ces chiffres sont la preuve par l'exemple d'une certaine régression des mœurs dans notre société.

Si l'on positionne généralement l'annulation de l'arrêt Roe V Wade aux USA (en juin 2022) comme le point de départ d'une régression en ce qui concerne la considération des femmes dans la société, pour les experts ayant établi le rapport, les causes sont en réalité polymorphes et bien plus insidieuses qu'on ne l'imagine. 

La famille, l'école et les réseaux sociaux, tous fautifs de l'augmentation du sexisme en France ?

Dans une France où les femmes sont de plus en plus soumises et les hommes de plus en plus masculinistes, nous sommes en droit de nous demander pourquoi, après près de 150 ans de lutte féministe, on en reste toujours au même point. Selon le rapport du Haut Conseil de l'égalité, outre le patriarcat, de nombreux leviers tendraient à intensifier cette tendance

Le premier est le cadre familial. 70% des femmes estiment avoir reçu une différence de traitement dans leur cercle familial - et c'est encore plus marqué lorsque les femmes ont grandi avec un ou plusieurs frères. Le plus grand marqueur de différence reste néanmoins les jouets. 72% des femmes estiment que leur genre a influencé le choix des jouets mis à leur disposition : cuisines miniatures, aspirateurs, poupons... Autant de jouets qui sont encore commercialisés pour les petites filles et qui continuent à véhiculer des stéréotypes sexistes. 

Le second bastion du sexisme en France serait l'école, car c'est dans les salles de classe que s'installent les premiers stéréotypes et les mauvaises habitudes. On estime par exemple que dans la cour de récréation, 90% de l'espace central est occupé par les garçons, laissant les filles dans les coins, les poussant à adopter les stratégies d'évitement dès le plus jeune âge. Le corps enseignant serait également un acteur responsable de l'installation des stéréotypes sexistes : 49% des 25-34 ans estiment qu'ils ont déjà reçu une différence de traitement en fonction de leur genre et 51% des sondés soulignent le fait que de nombreux professeurs ne condamnent pas les situations sexistes. 

Dernier responsable - et non des moindres - les réseaux sociaux. Outre les tendances des Tradwives ou des #StayHomeGirlfriend, il y a une réelle misogynie institutionnelle sur les réseaux sociaux et personne ne semble s'en préoccuper. Sur YouTube, 88% des vidéos comprennent au moins un stéréotype masculin et 42,5% des vidéos sur TikTok présentent une représentation dégradante des femmes. Mais ce qui est peut-être le plus alarmant, c'est que 92% des contenus destinés aux enfants contiennent des éléments stéréotypés. Dès le plus jeune âge, les enfants sont conditionnés à une certaine idée de la masculinité et/ou de la féminité, ce qui n'arrange rien au problème, bien au contraire. 

Quelles sont les solutions pour inverser la tendance ?

Si la liste des situations aggravantes est - presque - sans fin, qu'en est-il des solutions ? Le rapport apporte également quelques recommandations qu'il serait nécessaire d'appliquer aussi rapidement que possible. On retrouve par exemple la création d'un programme d'éducation à l'égalité, qui permettrait de mettre en place des mesures concrètes pour lutter contre le sexisme institutionnalisé (de préférence dès le plus jeune âge). La question de la régulation des contenus et des représentations des femmes dans les vidéos ou au cinéma est également une piste, imposant un quota de représentation pour lutter contre les disparités. 

Le dernier axe est celui de la sanction en créant un "délit du sexisme" qui permettrait de réellement condamner la discrimination subie par les femmes au quotidien

De grands projets donc, qu'il paraît important de mettre en place pour ne pas continuer à installer plus durablement le sexisme dans la société française et inverser la tendance dans les années à venir. 

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