Le travail invisible, ça existe aussi au bureau !

Organiser le petit-déj d’intégration des nouveaux alternants, passer une commande de café ou prendre le temps d’expliquer comment fonctionne le logiciel de facturation à la nouvelle de la comptabilité, ce sont souvent des tâches qui incombent aux femmes dans le monde du travail. C’est une charge mentale et un travail émotionnel qui est imposé aux femmes le plus souvent et qui impacte l’avancement de nos carrières. Même quand on est débordées, on a du mal à dire non à l’organisation de l’anniversaire de Julie, parce qu’elle est sympa et surtout, qu’on n’a pas envie de passer pour la meuf égoïste. Oui, mais résultat, en plus d’être débordée par un gros projet, on se retrouve à commander un gâteau à la boulangerie du coin et à organiser une cagnotte. Alors, comment on fait pour ne pas se retrouver à devenir la maman du bureau ? 

C'est quoi, le travail invisible ?

Le travail invisible est défini par la sociologue Arlene Kaplan Daniels en 1987 - oui, ce n'est pas nouveau - comme l’ensemble des tâches essentielles au bon fonctionnement d'une organisation mais qui ne sont ni reconnues ni rémunérées. Le travail invisible, ce sont toutes ces tâches qui ont une immense valeur ajoutée pour la cohésion d’une équipe ou d'une entreprise, telles que l’organisation des pots de départs, l'organisation des bureaux ou le mentoring du dernier arrivé dans l’entreprise. Qu'on soit manager ou stagiaire, ces tâches incombent plus souvent aux femmes qu'aux hommes aux mêmes postes. Les chercheurs caractérisent ces tâches comme “non promouvables”, car ce travail n’est ni reconnu, ni rémunéré. Certaines estimations considèrent que les femmes consacrent en moyenne 20% de leur temps de travail aux tâches non promouvables.

La réalité du travail invisible : des tâches attribuées plus souvent aux femmes qu'aux hommes

Les recherches montrent que les femmes assument une part disproportionnée du travail invisible au bureau. Une étude a révélé que les femmes reçoivent 44% de demandes supplémentaires pour des tâches non promouvables par rapport aux hommes, et elles sont également plus enclines à les accepter. Les femmes acceptent de prendre en charge ces fonctions dans 76% des cas, contre 51% pour les hommes. Cette répartition inégale du travail invisible contribue à perpétuer les inégalités de genre au sein des entreprises, car elle limite les opportunités de promotion et d'avancement pour les femmes.

Les conséquences du travail invisible sur la vie professionnelle des femmes

L'impact du travail invisible sur la vie professionnelle des femmes est multiple. D'abord parce qu'il prend du temps qui pourrait être utilisé pour des actions plus stratégiques pour faire avancer sa carrière. Personne n'a jamais été promu parce qu'il ou elle organise des bons pots de départ. Pire, ces tâches peuvent donner une réputation de fêtarde ou créer des attentes de la part des managers ou même des collègues pour être responsable de l'ambiance au bureau, loin de l'image de leader qu'on voudrait projeter. Ces tâches supplémentaires augmentent la charge de travail des femmes disproportionnellement à celui des hommes, et entraînent une fatigue supplémentaire et un risque de burn-out plus élevé.

Les études ont également révélé que les femmes salariées qui refusent de prendre en charge ces tâches invisibles peuvent être confrontées à des conséquences négatives. On considère qu’elles sont moins engagées et moins impliquées dans l’entreprise si elles refusent de prendre en charge ces missions, alors même que l’on n'attend pas la même implication de la part de leurs homologues masculins. Cette pression sociale pour s'acquitter de ces tâches invisibles, combinée au manque de reconnaissance, crée un cercle vicieux qui entrave la progression professionnelle des femmes. Et qui pousse 40% des femmes à dire que leurs entreprises ne les accompagnent pas dans le développement de leurs carrières. Finalement, le travail invisible, c'est l'ennemi de la promotion des femmes.

Comment se rendre visible au travail, même dans des tâches invisibles ?

Réduire le travail invisible, ça paraît impossible. Et en partie, c'est vrai. Ces tâches sont essentielles à la cohésion d'une équipe et d'une entreprise, donc vous pouvez difficilement vous en passer. Dans les meilleurs cas, l'embauche d'un Hapiness manager ou Office manager résout ces problèmes. Mais si une embauche comme celle-ci est inimaginable pour vos boss, et c'est la réalité dans beaucoup d'entreprises, voici quelques stratégies pour être plus visibles, même lorsque vous prenez en charge du travail invisble. 

Identifier et nommer le travail invisible : Le premier pas, c'est de reconnaître qu'il y a un problème. La prochaine fois que votre collègue Matéo vous fera remarquer qu'il n'y a plus de café, ne vous précipitez pas pour en recommander (même si le café est très nécessaire pour votre santé au travail) et à l'inverse, proposez-lui de le commander lui-même. Plus sérieusement, créer une conversation autour des tâches invisibles dans votre entreprise vous permettra de mieux les répartir au sein des salariés. La prochaine fois qu'il faudra organiser un pot de départ, posez la question "qui peut s'en occuper ?" plutôt que de vous en charger directement sans en parler.

Oser dire non : Alors, ok, on vous a dit que refuser ce type de tâches peut avoir des conséquences négatives sur sa réputation dans l'entreprise. Mais, cela vous permettra également de passer plus de temps à des tâches qui sont effectivement promouvables. Ce n'est pas très agréable au début, mais votre futur vous vous remerciera.

Déléguer les tâches parasites : Identifier les tâches invisibles qui peuvent être déléguées à d'autres membres de l'équipe permet de réduire la charge de travail des femmes. Assister à la réunion d'intégration de la prochaine promo de stagiaire et d'alternant, c'est oui si vous êtes directement impactée. Sinon, laissez d'autres membres de votre équipe y aller.

L'égalité dans le travail passe aussi par la réduction du travail invisible pour les femmes et une meilleure répartition de ces tâches auprès de tous les salariés, on est bien d'accord. Voire, l'embauche d'une personne dédiée, ce qui rend visible ce travail. Mais la réalité et les contraintes de budget des entreprises viennent souvent limiter ces embauches. Donc la clé, c'est que vous preniez les devants et que vous limitiez de vous-mêmes le temps que vous passez sur ces tâches. On est avec vous !

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