Pour de plus en plus de femmes, l’abstinence est en train de devenir la norme
L'abstinence is the ne sexy ? Pour beaucoup de femmes, elle est en train de devenir tout à fait normale, par conviction ou besoin de guérison. On vous explique.
Écrit par Juliette Gour le
À l'heure où l'on se fait livrer un plan cul plus rapidement qu'une barquette de sushi, difficile de se dire que certains ont fait le choix de ne plus passer des nuits à faire la bête à deux dos. Le gros paradoxe de nos vies, c'est que le sexe est partout sauf dans notre lit, mais par pas dépit, plus par choix. Les équipes marketing de Bumble l'ont d'ailleurs découvert à leurs dépens. Si l'application avait misé sur le slogan "Vous savez très bien que l'abstinence n'est pas la solution" pour leur nouveau départ, les équipes ont très rapidement compris qu'ils s'étaient complètement plantés. Les réactions - négatives - ne se sont pas fait attendre. Cette phrase, qualifiée à jute titre de sexiste, a provoqué un malaise général sur les réseaux sociaux et pour cause, l'abstinence est une solution, un choix fait par de plus en plus de femmes.
Loin d'être une simple lubie, la question de l'abstinence est discutée depuis plusieurs années. À la sortie des confinements, des études titraient"les Français font de moins en moins l'amour", avec une légère panique en toile de fond. Qu'est-ce qui peut expliquer cette envie de rester tranquille sous la couette ? Plein de choses : le #MeToo, la question du consentement, le fait que les femmes en aient assez d'être prises pour des poires, le manque d'éducation de certains hommes sur les questions de société... La liste est sans fin et les théories sont nombreuses. Les plus concernés par cette baisse sont les 18-24 ans selon une étude IFOP. En 2023, ils étaient 25% a n'avoir eu aucun rapport sexuel dans les 12 derniers mois, un record, qui traduit une triste lassitude vis-à-vis des relations.
"Deux ans et demi d'abstinence et, honnêtement, je n'ai jamais été aussi bien"
Ce mouvement d'abstinence ne touche pas que "les djeun's", mais va bien au-delà. Par exemple, on n'imaginait pas que Julia Fox, prêtresse rêvée d'un donjon des plaisirs, était abstinente et fière de l'être. Derrière ce manque d'envie, se cache une volonté de reprendre le contrôle sur son corps et ses droits. Pour elle, c'est son expression du féminisme.
La journaliste Sophie Fontanel a même dédié un livre à cette abstinence, à ce break volontaire, qui lui a permis de se reconnecter avec son désir. Parce qu'à force d'être ballottée de bras en bras et d'être secouée dans tous les sens par des hommes qui n'ont jamais vraiment compris où était le clitoris, on se lasse.
Il semblerait également que les applications de rencontres soient responsables de cette lassitude. On marche vite, on se rencontre vite, on baise vite et pour finalement ne jamais se rappeler (et ne jamais s'engager). Pour beaucoup de jeunes femmes, les applications de rencontres ne sont plus la solution, le jugement sur le physique est so 2018, les conversations sont toujours les mêmes et les profils manquent cruellement d'originalité (à croire que tous les hommes font du bâteau l'été et adorent les festivals). Selon une étude publiée en mars dernier par le Forbes Health, 80% des femmes ayant utilisé des applications de rencontre pendant une longue période se disent fatiguées et lassées de ce jeu qui ne mène souvent à rien.
Une peur de l'engagement motivée par l'envie de trouver toujours mieux ?
Outre la lassitude, de nombreuses femmes mettent également en cause le comportement des hommes, qui ont tendance à ne jamais vouloir aller plus loin qu'une nuit où deux. À des âges "charnière", les hommes en recherche d'engagement se font de plus en plus rares, la faute aux applications : ces dernières nous poussent à toujours espérer mieux.
L'excitation du swipe a créé une indécision quasi générale, qui semble surtout toucher la gente masculine. Pour Mel, 30 ans, ce syndrome a tendance à se généraliser : "Pour beaucoup d'hommes de ma génération, il est presque devenu normal de garder quelqu'un sous le coude - quitte à le faire souffrir - en attendant de trouver mieux. On dirait qu'ils ont peur de rater quelque chose s'ils se mettent en couple."
La peur, elle est aussi du côté des femmes, mais elle ne concerne pas forcément l'engagement. Il y a quelques semaines, la trend "Préférez-vous être face à un ours ou face à un homme" a ébranlé les réseaux sociaux, notamment parce qu'elle met en avant le fait que de nombreuses femmes ne sont pas à l'aise de se retrouver seule face à un homme qu'elles ne connaissent pas. Les griffes d'un grizzli sont moins effrayantes qu'un mec et c'est là tout le problème : les femmes ne se sentent tellement plus en sécurité, qu'aller à une date avec quelqu'un qu'on ne connaît pas est déjà une prise de risque.
Si le raccourci peut faire sourire, il traduit cependant une réalité de la société : ce sont les hommes qui font du mal aux femmes. Certains ironisent même avec cette tendance, en répondant "un ours ne l'aurait pas fait" à chaque fois qu'une nouvelle femme témoigne avoir été victime d'une agression ou d'un viol.
L'abstinence pour guérir
Dernier point non négligeable, pour certaines femmes, l'abstinence est parfois nécessaire pour guérir d'un viol ou d'une agression sexuelle. Pour Rose, 28 ans, les hommes étaient devenus une telle menace qu'elle ne pouvait plus relationner avec eux : "J'ai compris que j'avais été violée par un ami d'enfance 10 ans après, en thérapie. J'ai eu besoin de couper les ponts avec eux pour me réparer. Les hommes représentaient une menace pour moi et je devais m'en protéger."
Ce témoignage est loin d'être unique. De nombreuses femmes - célèbres ou non - ont déjà évoqué ce besoin de faire une pause pour reprendre possession de son corps. L'humoriste Hope Woodard a même inventé le terme "Boysober" pour parler de sobriété masculine. Cette dernière avait également confessé au New York Times son besoin de faire un break loin des mecs pour reprendre possession de son corps.
L'abstinence est finalement en train de se positionner comme l'arme ultime des femmes. À la fois cruellement féministe et nécessaire, elle vient petit à petit bousculer nos habitudes en matière de relation... Une tendance qui inquiète 58% des hommes qui, selon une étude IFOP menée par LeLo, ne pourraient pas vivre dans une relation purement platonique.