D’où nous vient cette passion pour les histoires violentes ?
Tous les ans, à l'approche d'Halloween, notre amour pour les histoires macabres s'embrase. Mais d'où provient cette étrange passion ?
Écrit par Marie Ordioni le
On est nées au beau milieu de faits divers tous plus angoissants les uns des autres. On a évolué dans un monde où le film d'horreur est un culte, et la série d'épouvante, une religion. On vit avec des contenus tous plus gores les uns des autres, mots comme vidéos...
Et, bizarrement, on aime ça.
Pourquoi cet incontrôlable attrait pour les histoires violentes ? Qu'est-ce qui nous pousse à nous intéresser - si ce n'est qu'elle nous fascine - à elles ? Que recherchons-nous en elles ?
On s'est posé toutes ces questions.
Enjoy,
Les Éclaireuses
Histoires violentes : étrange fascination
Nous sommes étrangement et irrévocablement attirées par les histoires qui se terminent mal. C'est un fait. Des plus grands et plus vieux films d'horreur à la Création Originale Netflix en vogue, en passant par les articles et livres de faits divers, tout ce qui touche à la violence semble, pour la plupart d'entre nous, nous faire vibrer. "Je suis une grande amatrice de faits divers mais aussi de romans policiers. Ces passions ne sont finalement pas si différentes : dans les deux cas, il s’agit d’émettre des hypothèses, d’échafauder des solutions, de comprendre le pourquoi du comment. Même si, bien sûr, face aux faits divers, je n’oublie jamais la dimension tragique de la réalité", témoigne Marie-Thérèse à Notre Temps.
Les programmes proposés sur les différentes plateformes de streaming sont, eux aussi, représentatifs de notre attrait pour le sujet. Extremely Wicked, Squid Game, The Serpent ou encore, Monstre - L'histoire de Jeffrey Dahmer, tous appartiennent à la catégorie drame, biopics comme fictions. Et tous ont battu des records historiques d'audience en l'espace de quelques semaines.
En parlant de fiction, cet amour va parfois au-delà. Depuis la nuit des temps, les tueurs en série fascinent. De Charles Manson à Ted Bundy, tous ont suscité l'important intérêt de nombreuses femmes. Simple curiosité tordue ou attirance inquiétante ? Les cas divergent. Le fait est que, quoi qu'on en dise, ces meurtriers nous font nous retourner.
De multiples explications
Les psychologues apportent de nombreuses explications à ce troublant phénomène. La première étant que nous sommes curieuses et automatiquement aspirées par le fait que ce milieu nous est totalement inconnu. Il nous extirpe de notre quotidien, et nous fait nous poser des questions auxquelles, avant de découvrir cette histoire, nous n'aurions jamais songé. On s'improvise enquêtrices, et ça nous excite. "(...) Nous sommes fascinés par des univers ou des comportements qui nous sont étrangers. Par exemple, ma série préférée de tous les temps, c'est Les Soprano. La mafia n’est pas mon quotidien et je ne m’y retrouve pas du tout. Il y a un côté dépaysant par rapport à ma vie personnelle", relate le philosophe Gilles Vervisch à l'Éclaireur Fnac.
On nous parle également, aussi glauque et malaisant que cela puisse être, de fascination. Une intense attirance pour le macabre, qu'on ne peut ni expliquer ni contrôler. "Il suffit de regarder, sur la route, les bouchons de curiosité. C’est un concept étrange… La plupart des automobilistes ralentissent sur la route quand ils voient une voiture sur le côté et des gyrophares de police. Freud appelait ça l’instinct de mort : il y a un plaisir pris à la destruction et au spectacle de la destruction. Cet engouement révèle sans doute des pulsions de mort chez chacun d’entre nous", continue-t-il. Tandis que pour Sébastien Bohler, docteur en neurosciences, il s'agit d'un "désir d'expérimenter la souffrance de quelqu'un d'autre", comme il l'expose à Madmoizelle. Autant d'hypothèses nous amenant à nous questionner plus en profondeur, sur notre état mental. Et bien que cette passion ne soit pas forcément synonyme de défaillance, elle peut tout de même, dans certains cas, révéler quelques facettes jusqu'ici insoupçonnées de notre personnalité.
Pour ce qui est des groupies des serial killers, on nous parle à la fois d'empathie, d'un profond besoin d'aider son prochain - qui plus est, lorsque ce "prochain" est l'incarnation même du mal -, de faire changer quelqu'un, le pousser sur la voie de la rédemption. Mais aussi, encore et toujours, d'une "volonté de se faire peur, et souvent un besoin de se rebeller que l’on retrouve particulièrement chez des jeunes filles de bonne famille", explique Isabelle Horlans, journaliste spécialisée dans les faits divers et autrice de L'amour (fou) pour un criminel, à BibliObs.
L'être humain est en constante recherche de challenges, de personnes qui le feront s'interroger, réfléchir, se dépasser. Et c'est finalement un petit peu ce qu'il se passe avec les meurtriers. Ils sont ce que nous ne sommes pas. "Ce fantasme est peu compréhensible mais un héros, même négatif, reste un héros qui peut séduire, à l’instar de Guy Georges", explique Roland Coutanceau, psychiatre expert en criminologie, à BFMTV.
Attention à la glorification
Le risque avec cette idylle, c'est de passer du stade de la curiosité et de l'interrogation à la glorification. Une histoire, selon la manière dont elle est racontée, peut servir ou desservir le héros. Le problème étant que ces dernières années, et de plus en plus, les programmes mettant en scène une certaine violence semblent en faire leur éloge. Plus particulièrement lorsqu'il s'agit de faits réels. Prenons "Narcos", la célèbre série biopic de Pablo Escobar. Avant même de s'y abandonner, on sait. On est conscientes de qui il est, ce qu'il a fait, le mal qu'il a pu causer. Pourtant, dès les premières minutes du premier épisode, tout nous pousse à adorer et nous ranger du côté de ce personnage.
Comme le dit très clairement l'auteur Stephane Bourgoin à 20 minutes, "L’image véhiculée par les fictions est souvent déformée : le tueur devient un héros, souvent très intelligent. Cela ne reflète pas la réalité de personnes plutôt banales et médiocres, avec peu d’intérêt finalement". Attention alors à ne pas s'y perdre. On pense notamment aux plus jeunes, souvent livrés à ces contenus sans aucune prévention. La fascination est récréative tant qu'elle n'est pas obsession...