Qu’est-ce que les daddy issues ?
Daddy Issues. Pour sûr, ce terme ne vous est pas inconnu. Vous l'avez peut-être entendu sur Spotify quand vous êtes tombé, par hasard, sur un flow qui intégrait Demi Lovato ou alors votre copine Sixtine en a rapidement parlé (des étoiles plein les yeux) lors de votre dernier verre. Pourtant, il n'y a rien de glamour derrière ce terme... Bien au contraire.
Écrit par Juliette Gour le
C'est un terme que l'on voit de plus en plus sur les réseaux sociaux, de Twitter à TikTok en passant par Instagram. On l'utilise un peu à tout va, sans réellement savoir ce que cela englobe et même ce que cela signifie réellement.
Selon l'urban dictionary, les Daddy Issues sont définis de la façon suivante : "c'est lorsqu'une fille a une relation chaotique avec son père et, à cause de ça, c'est une vraie peau de vache. Cette relation a un impact sur le choix de ses partenaires : elle favorisera les relations avec des hommes plus vieux ou avec certains traits toxiques (qu'elle apparente comme appartenant à son père)".
Dans les faits donc, les 'Daddy Issues' sont ni plus ni moins que la version féminine du complexe d'Œudipe. Là où un homme va constamment chercher sa mère dans ses relations amoureuses, une femme cherchera son père.
Cependant, cette qualification est de plus en plus considérée comme problématique, car elle a tendance à glamouriser les relations violentes, toxiques et, surtout, à enfermer les femmes dans un schéma qui les pousse à être infantilisées ou à accepter d'être à la merci d'un homme. Si les relations de dominant/dominé sont souvent monnaie courante sous la couette (et totalement acceptées tant qu'il y a du consentement), les "Daddy Issues" ont tendance, sous couvert d'érotisme, à normaliser des choses qui ne devraient pas l'être. Pire encore, l'expression pousse à légitimer les relations toxiques sous couvert d'un pseudo kink freudienne complètement surannée.
Les Daddy Issues, une théorie signée Sigmud Freud
S'il est vrai que le père de la psychanalyse moderne a eu un réel impact (positif) sur son domaine d'étude et sur la prise en charge des maladies psychiques, il y a certains points sur lesquels le vieux monsieur s'est complètement trompé. On lui doit notamment le mythe de l'orgasme vaginal (qu'il qualifiait comme orgasme adulte) ou encore le fait que la masturbation puisse soigner l'hystérie féminine.
Pour ce qui est des Daddy Issues, notre cher Sigmud a analysé et théorisé l'image du paternel dans l'esprit d'une femme. Pour lui, le père représente le protecteur et celui qui détient la sagesse et la connaissance. C'est également une figure d'amour, un point essentiel dans la théorisation des Daddy Issues. Ainsi, la manifestation de cet attrait pour leur père passe par une jalousie inconsciente de leur mère d'être au centre de l'attention du père. Une fille qui aurait des Daddy Issues chercherait donc, toute sa vie, à devenir le centre d'intérêt de son père et, si elle ne le trouve pas chez son père biologique, elle le cherchera dans un père de substitution qui prendra la forme d'un amant. Avec cet amant, elle aura la "permission" de sauter l'étape de la tendresse érotique, chose qui est interdite entre un père et une fille.
La question de la violence et de la négligence de la part du père entrerait également dans la construction de ce schéma d'appréciation. Lorsqu'un père s'est montré distant, violent ou toxique pour sa fille, elle aura (dans la plus grande logique) tendance à chercher un homme macho et qui la rabaisse sans arrêt, le but étant de retrouver les sensations qu'elle a connu enfant et qui lui rappelle sa figure paternelle.
Ainsi donc, la définition même des Daddy Issues peint le portrait d'une femme soumise et qui doit nécessairement trouver l'homme qui lui apportera la lumière à son quotidien. Rien de très glorieux donc et pas franchement dans l'air du temps. Pourtant, ce terme est de plus en plus glamourisé et c'est là que les dents commencent à grincer.
Une glamourisation qui dérange
Que ce soit sur TikTok, Twitter ou, à l'ancienne, sur Tumblr, les contenus qui glamourisent les Daddy Issue ne manquent pas et c'est un gros problème, car ce qui est glamourisé, c'est la toxicité des relations et la présence de violence dans les relations. Si cela n'est pas un crime en soi, par exemple dans les jeux BDSM, il n'est pas rare de se retrouver dans des schémas de dominant/dominé qui, à coup de fessées et autres jeux de rôle, arrivent à installer une tension appréciable par les partenaires (consentants).
Ce qui dérange dans cette glamourisation, c'est que ce sont souvent des discussions et des contenus partagés par de jeunes filles (parfois très jeunes) qui n'ont peut-être jamais goûté aux plaisirs de la chair et qui s'imaginent déjà un schéma complètement erroné (et abusif) des relations amoureuses. Pire, ça les pousse à apprécier des idées directement induites par le patriarcat et les encourage à être la bonne petite docile à la merci d'un homme qui a tout pouvoir sur elle.
Une pop culture qui pousse les femmes à toujours se sentir plus vulnérables
Le problème derrière tout ce phénomène, c'est la normalisation des relations toxiques et le fait de pousser les femmes à être toujours plus vulnérables pour trouver 'le Daddy de leur vie'. Pire, cette classification des relations et des préférences sous le terme de Daddy Issues donne le champ libre aux hommes de faire ce qu'ils veulent en justifiant tout ça par un "Mais de toute façon, tu aimes ça, non ?".
Ce terme qui, à la base, aurait dû rester dans le domaine de la psychanalyse ou, au pire, de l'érotisme pour pimenter une vie sexuelle un peu bedonnante est en train de devenir un véritable sujet de société qui, sous couvert d'attirances physiques pardonne une certaine forme de sexisme, machisme et, dans les cas les plus extrêmes, de sadisme (non consenti).
Parce que, finalement, dans l'absolu, aucun parent n'est parfait et il y aura toujours une ombre au tableau. Pourtant, malgré l'impact que peuvent avoir les différents évènements survenus dans le cadre familial, ils ne doivent pas excuser ou légitimer des comportements extrêmes. Justifier les préférences des femmes en fonction de leur relation avec leur père pousse, une fois de plus, à penser que ce que les femmes aiment est toujours influencé par un homme (et in extenso, cela reste du sexisme normalisé).
C'est encore plus grave d'habituer les jeunes filles à cette idée de la nécessité d'être docile et à la merci d'un homme dans une relation. En réalité, ce terme aurait dû rester dans la chambre à coucher. Car s'il n'y a rien de mal à appeler son partenaire "Daddy" pendant l'acte, pousser les femmes à apprécier les hommes plus âgés et qui ont l'ascendant sur elle est une forme de pérennisation de l'héritage patriarcal.
Il est temps d'arrêter de faire croire que les rapports violents, la toxicité et la nécessité de docilité sont normaux dans les relations hétéronormées.