Sommes-nous en train de devenir accros à la voyance ?

Tarot, oracle, tirage de carte sur Tiktok, consultation de voyance en visio ou directement sur Instagram... Qu'est-ce qui se passe dans le monde en ce moment ? Une chose est sûre, la voyance a la cote, si bien qu'elle commence à nous faire tourner la tête (mais pas vraiment vers le futur ni les étoiles).

Écrit par Juliette Gour le

Si la voyance a toujours existé et qu'il y a toujours eu des gens pour consulter, il semblerait que depuis quelques années, l'attrait vers les arts divinatoires ait la cote. Rien à voir avec l'avènement des sorcières, elles, elles parlent de féminisme. Ici, on parle de voyance type Madame Irma. Sauf que les boules de cristal sont maintenant démodées et ce sont les réseaux sociaux qui ont le vent en poupe. Même les consultations téléphoniques sont en passe d'être relayées au placard. Car, si l'ancienne génération continue à consulter IRL ou en un coup de fil, les nouveaux accros de la divination (qui ont sûrement été biberonnés à Harry Potter et se sont pris de passion pour le professeur Trelawney) préfèrent Instagram, Tiktok ou même YouTube pour connaître son avenir et y voir plus clair sur le chemin de son destin. 

Est-ce qu'on peut juger les personnes qui y croient ? Pas vraiment. En revanche, est-ce qu'on peut penser qu'il y a énormément de charlatans dans le milieu ? C'est plus que sûr. 

Près de 100 000 personnes pratiquent aujourd'hui une activité de voyance sur le territoire et environ 3 millions de Français admettent consulter de façon plus ou moins régulière les astres pour connaître leur avenir.

Mais, dans le fond, est-ce vraiment grave que nous soyons (tous ou presque) intriguées par les arts divinatoires

Enjoy,

Les Éclaireuses

Avant toute chose, il faut comprendre ce qu'est l'effet Barnum

Si on ne peut pas remettre en question la plausibilité (ou non) qu'il y a potentiellement des gens qui peuvent voir l'avenir car, dans l'absolu rien ne prouve que c'est possible comme le fait que ce soit impossible (un peu comme pour les divinités) il est important d'avoir conscience, au préalable de l'existence de l'effet Barnum et des spécificités de ce type de discours

L'effet Barnum tient son nom de Phineas Taylor Barnum (oui, le type interprété par Hugh Jackman dans The Greatest Showman). Il est nommé en ce sens car l'homme de cirque promettait que chaque spectateur trouverait ce qu'il cherche dans ces spectacles. C'est d'ailleurs le principe même du discours de l'effet Barnum, utiliser des outils sémantiques et des tournures de phrases qui permettent à un large panel de personnes de s'identifier à la situation énoncée. C'est une forme de discours qui est très utilisée dans les horoscopes. Par exemple : "Vous avez besoin d'être aimé et admiré" dans l'absolu, tout le monde veut ça, personne n'a jamais souhaité être piétiné et roulé dans la boue.

Ainsi, il est important de garder en tête cette spécificité discursive pour garder un œil avisé sur la situation. Oui, ce bonimenteur va vous promettre l'amour, la santé et la richesse. Mais, dans l'absolu, n'est-ce pas ce dont tout le monde rêve ? De l'argent, être aimé et en bonne santé ? 

Voir des voyants pour se rassurer, une pratique qui ne date pas d'hier

Déjà en Grèce antique, on allait voir des oracles pour savoir ce que les Dieux nous réservaient. Certains, comme la Pythie, étaient de véritables stars et les gens se pressaient de toute la Grèce pour la consulter. Ce n'est donc pas une lubie moderne que de consulter des personnes considérées comme mystiques pour avoir une idée de ce que l'avenir nous réserve

Depuis que l'homme est homme, ou presque, nous avons donc besoin d'une certaine approbation "magique" pour nous persuader que nous sommes en train de prendre les bonnes décisions ou que nous devons amorcer un changement. Dans l'histoire, de nombreuses personnalités ont été plus ou moins influencées par des voyants ou des profils similaires : Catherine de Médicis était une mordue d'astrologie ou encore la famille impériale de Russie s'en était totalement remise à Raspoutine (ce qui causera sa perte). D'autres personnalités de la pop culture s'en s'ont entièrement remises aux astres. Sans la prédiction de sa voyante, Christian Dior n'aurait jamais créé sa maison de couture ou avec un peu moins de superstition, Madonna aurait fait un feat avec David Guetta (elle ne l'a pas fait car l'homme est Scorpion). 

Ça ne date donc pas d'hier notre lubie de vouloir jeter un œil à notre futur ou certaines superstitions basées sur des signes considérés comme significatifs. Et même si cela peut paraître ridicule aux yeux de certains, avons-nous réellement le droit de juger la façon dont les gens se rassurent ou cloisonnent leur vie pour se sentir guidés ? Si on ne peut pas affirmer que la voyance et l'astrologie ont un réel fondement (tout comme on ne peut pas affirmer l'inverse), il n'y a rien de mal à considérer les prédictions comme des coups de pouce.

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Une activité qui sait vivre avec son temps

Elle est loin l'époque où on tapait le fameux 3615 Irma sur un Minitel. Les roulottes ? Démodées aussi. Aujourd'hui, la voyance s'est digitalisée. Si les vieux consommateurs continuent à appeler des numéros surtaxés pour un entretien de 15 minutes avec leur professionnel fétiche, la génération internet a encore une fois abattu les cartes de nos habitudes et a digitalisé le business de la voyance

Il suffit de taper les hashtags voyance ou tarot sur les réseaux sociaux pour ouvrir la porte de Pandore. Tiktok, Instagram et même YouTube pullulent de contenus qui vous décryptent votre futur. Il existe plusieurs types de contenus : des vidéos longues, qui décryptent votre avenir selon la carte que vous avez choisie en amont, des vidéos courtes qui vont faire un tirage rapide, des analyses des cycles lunaires avec leurs influences sur votre quotidien et, pour finir, des voyantes 2.0 qui proposent des consultations via Instagram. 

Ici encore, impossible de démêler le vrai du faux. Certaines vidéos vont être très parlantes pour certains alors que d'autres n'auront aucune résonance. Les vidéos qui POP dans les "Pour Toi" de Tiktok répondent évidemment à un certain algorithme et vous proposera un contenu qui vous est satisfaisant. Pour les consultations via Instagram, il reste très difficile de faire un avis global. S'il est évident qu'aujourd'hui, une grande partie de notre vie s'étale sur les réseaux sociaux (ce qui est du pain béni pour les personnes souhaitant profiter du juteux business de la voyance), on est jamais à l’abri de tomber sur une surprise et d'entendre (ou lire) des choses qui auront une réelle résonance pour vous. Finalement, si ce que l'on vous prédit vous aide à avancer et à aller de l'avant, quel mal y a-t-il à ça ?

Mais attention, il n'y a aucun contrôle ni encadrement de la profession

On l'aura compris, dans l'absolu, tout le monde peut s'improviser voyant et rien ne vous empêchera de débuter votre activité. C'est d'ailleurs le majeur problème dans la profession, il n'y a aucun contrôle. Considérée comme un délit jusqu'en 1994 par la loi française, l'activité est aujourd'hui dépénalisée mais n'est absolument pas encadrée. L'appât du gain et la potentielle vulnérabilité des clients peuvent attirer les personnes malhonnêtes, prêtes à escroquer les personnes qui se présentent à elle. C'est d'ailleurs arrivé. De nombreuses personnes se sont fait escroquer par des personnes se présentant comme voyant. Les démarches pour prouver l'escroquerie sont ardues et il est souvent très compliqué de prouver que l'escroc vous a promis mont et merveilles contre une certaine somme d'argent.

C'est pour éviter ces dérives que les "professionnels du secteur" - comprenez les personnes qui se présentent comme ayant un véritable don - militent depuis quelques années pour la création d'une carte professionnelle, attestant au passage de leur intégrité et de leurs "capacités". Mais, encore une fois, ces dons sont si difficiles à prouver qu'il est compliqué d'établir un cahier des charges à respecter pour l'obtention de la carte professionnelle.

Cela dit, il n'y a aucun mal à se tirer les cartes pour se donner du courage

Même si, le sujet de la voyance attise la curiosité et les critiques, on ne peut nier l'attrait grandissant pour les pratiques divinatoires en Occident. Car, si de notre côté du globe on reste très méfiant et on ne crie pas sur tous les toits que l'on a cédé à la tentation de la voyance, en Asie, il est toujours très commun de consulter des vieux sages qui voient l'avenir : avant la naissance d'un enfant, avant un mariage ou n'importe quel autre évènement important. Les sociétés asiatiques sont restées très attachées à ce type de croyances et elles ont su évoluer avec le temps en s'incluant parfaitement avec la vie quotidienne. 

En France, on connaît un véritable boom de la tarologie. Les évènements mondains proposent des consultations de voyance gratuites, des livres sortent chaque semaine en librairie pour s'initier à l'art du tarot et les oracles sont devenus un véritable support de développement personnel. Et finalement, quel mal y a-t-il à ça dans le fond ? Si rien n'est prouvé sur la véracité des prédictions, il en va de même pour les grigris et les porte-bonheur. Si, finalement, le fait de se faire tirer les cartes ou d'aller voir une voyante peut vous aider à vous sortir d'une mauvaise passe ou à vous rassurer, même un peu, sur la tournure de votre vie, pourquoi s'en priver ? 

L'important est de rester attentifs aux personnes que l'on consulte pour éviter l'escroquerie, mais pour le reste, rien ne vous empêche de tenter l'aventure. Qui sait, on pourrait bien vous prédire la date de votre mariage ou la rencontre avec votre âme sœur...

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société

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