Comment Tom Holland est devenu le fer de lance d’une toute nouvelle masculinité ?
Dans toute cette nouvelle vague d'idoles hollywoodienne nouvelle génération, il y a des hommes - comme Tom Holland - qui tirent leur épingle du jeu. Pourquoi ? Parce qu'ils questionnent la notion de masculinité et que ça fait un bien fou à l'humanité. On vous explique.
Écrit par Juliette Gour le
Difficile aujourd'hui de définir simplement la masculinité. Non seulement le mot encadre un concept très large mais surtout parce que chacun l'interprète à sa façon. Dans l'histoire, l'image de l'homme a changé de nombreuse fois en fonction des époques et des régions : l'image du Viking, du samouraï, du chasseur-cueilleur, le bad boy des années 90-2000... La masculinité est polymorphe et est en perpétuelle évolution. Mais depuis plusieurs années, sur la question de la masculinité, deux clans s'opposent. D'un côté, en retrouve l'image clichée de l'homme, plein de muscles et de poils, sans une once de féminité et de l'autre, le soft boy, le mec délicat, qui accepte sa part de féminité et qui questionne le cliché de la virilité.
Dans cette mouvance du soft boy, on retrouve plusieurs fers de lance : Timothée Chalamet, Harry Styles, les BTS ou encore Tom Holland. Ce dernier est peut-être celui qui divise le plus : acteur super-héroïque, difficile d'imaginer un homme qui peut à la fois jouer Spiderman (le héros préféré des jeunes garçons) et une masculinité qui sort du cadre. Tom Holland et ses pairs diffusent au quotidien une nouvelle image du sexy. Là où il y a quelques années, le mec gentil était le bon pote, celui qui ne finit jamais avec la belle fille, aujourd'hui ce sont ces hommes qui représentent un nouvel idéal. Gentil is the new sexy et une toute nouvelle génération d'acteurs diffusent cette idée qui fait du bien aux hommes.
Car si l'on a tendance à penser que le sexisme et le patriarcat n'imposent des choses qu'aux femmes, les hommes en sont en réalité aussi victimes : ne pas montrer ses émotions, ne pas avoir le droit de pleurer, ne pas parler de santé mentale... Autant de règles surannées qui empêchent parfois les hommes de s'assumer réellement, mais heureusement, les choses sont en train de changer.
Vers une nouvelle vision de la masculinité hétérosexuelle ?
L'apparition de ces nouveaux modèles de la masculinité est liée à nos sociétés et aux différents mouvements contestataires : de #MeToo aux accusations de violence (physique et sexuelle) à l'encontre d'acteurs connus, tous ces mouvements ont créé une méfiance envers l'homme en général. En 2019, post #MeToo, l'IFOP publiait une étude qui mettait en avant la dégradation des relations femmes/hommes. Pour 39% des sondés, cette affaire a permis de mettre en lumière une réalité trop longtemps occultée et ça a eu un impact direct sur nos relations.
C'est dans ce contexte un poil délicat qu'on a vu éclater la popularité du soft boy. Si le public connaissait déjà Tom Holland depuis 2017, c'est réellement dans cette période que sa carrière a explosée et pour cause : on le voit en couple avec sa co-star et son passage à l'émission Lip Sync Battle est inlassablement partagé sur les réseaux sociaux. En quelques années, Tom Holland est passé d'un gringalet un peu mainstream à un homme adulé par les médias et le public, le tout en restant fidèle à lui-même et en ne cachant jamais sa part de féminité.
Danseur, émotif, heureux en amour, tout semble sourire à Tom Holland
Plus que sa carrière, ce sont ses prises de position et sa vie privée qui ont réellement installé Tom Holland comme un modèle auprès du public. Aline Laurent-Mayard décrypte assez bien le phénomène dans son livre "Libérés de la masculinité". En prenant comme exemple Tom Holland, Timothée Chalamet ou encore Harry Styles, elle explique comment ses hommes sont devenus, malgré eux, des exemples pour une jeune génération en recherche de repères. Pour l'autrice, cela vient essentiellement par la déconstruction des clichés qui entourent la masculinité.
Tom Holland, heureux en amour, ne semble, par exemple, pas déstabilisé que sa compagne Zendaya soit plus grande que lui. Ce qui est un "no go" pour de nombreux hommes ne pose aucuns problèmes pour Holland : sa compagne fait 5cm de plus que lui et il le vit parfaitement.bien.. L'acteur est d'ailleurs à l'origine d'une trend - malgré lui - sur les réseaux sociaux : celle des short king, qui félicite les hommes en couple qui leur mange sur la tête.
En se libérant de cette idée selon laquelle un homme doit être plus grand que sa partenaire, il remet également en question la conception de l'homme dans la société. Les grands mecs poilus ne sont plus la norme et il y a aujourd'hui de la place pour les hommes moins grands, mais tout aussi charmants.
Ne jamais se prendre au sérieux et oser se mettre en scène
L'autre grand coup d'éclat de l'acteur est sans aucun doute son passage à Lip Sync Battle. Depuis 2017, la vidéo tourne sur les réseaux et on comprend parfaitement pourquoi. Dedans, on y voit Holland, en perruque et collant résille, en train de faire une cover du clip Umbrella de Rihanna. La vidéo, aujourd'hui devenue culte, dit beaucoup de l'acteur : non seulement il a gardé de très bons restes de ses années de pratique de la danse mais c'est surtout un homme qui n'a pas peur de s'approprier les codes féminins pour faire le show, le tout les yeux de sa compagne (qui ne l'était officiellement pas encore à l'époque). Si d'autres, comme Channing Tatum ont également relevé le défi, c'est le passage de Tom Holland dont tout le monde se souvient, parce qu'il a su aller là où on ne l'attend pas, tout en exploitant avec brio sa part de féminité - totalement assumé.
La santé mentale, un sujet qui n'est plus exclusivement masculin
D'usage, on a tendance à croire que tout ce qui est lié à la santé mentale est l'apanage des femmes. La réalité est évidemment toute autre et il est plus qu'important d'avoir aujourd'hui des modèles masculins qui parlent ouvertement de santé mentale, pour déculpabiliser sur le sujet mais surtout pour servir de modèle à toute une génération. Une fois de plus Tom Holland et tous ses copains "soft" permettent de changer la vision que l'on peut avoir autour de la santé mentale des hommes. À plusieurs reprises, l'interprète de Spiderman s'est exprimé sur ses problèmes d'addiction, sur son besoin de quitter les réseaux sociaux pour protéger sa santé mentale, sur son alcoolisme...
En s'exprimant sans filtre sur ces questions - encore très tabous - il a non seulement détruit l'idée selon laquelle un "vrai" homme est forcément un homme fort, mais il est par la même occasion devenu un modèle positif pour les jeunes (et moins jeunes), parce que, dans le fond, si Spiderman n'éprouve aucun mal pour parler de sa santé mentale, ça doit être la même chose pour tout le monde non ?
Tom Holland, un modèle malgré lui ?
Comme le rappelle l'autrice Aline Laurent-Mayard dans le podcast "Maisplaining" de Slate.fr, si Tom Holland et tous les autres sont devenus des modèles à suivre et déconstruisent à leur façon l'image de la masculinité, ce n'est pas de leur propre volonté. Ils sont devenus des exemples à suivre un peu malgré eux. L'époque y est pour beaucoup : dans les années 90, personne n'aurait mis un Tom ou un Tim en tête d'affiche, parce qu'ils ne collaient tout simplement pas à l'idée qu'on se faisait des hommes à l'époque. Ce n'est pas de leur propre volonté qu'ils sont devenus des symboles, mais plus par un heureux hasard et s'il n'y a sûrement rien de calculé, ils restent cependant des exemples positifs à suivre, parce qu'ils font bouger les lignes mais - surtout - parce qu'ils dérangent les plus conservateurs. Il faut également garder à l'esprit qu'il ne représente qu'une toute petite partie de la masculinité, celle qui est blanche, cisgenre et hétérosexuelle, mais cela n'enlève rien à l'importance qu'ils ont dans la représentation du "mâle".
En bonus, on apprécie encore plus le fait que Tom (et les autres) soient des hommes engagés dans les causes féministes et LGBT. Eux non plus ne sont pas épargnés par les attaques, mais n'hésitent pas à se positionner en allier, parce que c'est finalement ça le futur : se serrer les coudes et ne pas écouter les attaques homophobes des plus réacs'.