Portrait de boss : Justine Triet, réalisatrice française aux nominations internationales

Avec une carrière déjà impressionnante à son actif, la réalisatrice française s'est affirmée comme l'une des voix les plus influentes et novatrices du cinéma contemporain à l'international. 4 longs métrages réalisés dont le dernier "Anatomie d'une chute" décroche la Palme d'or à Cannes et une nomination aux César et aux Oscars dans les catégories "meilleure réalisation" et "meilleur scénario original", Justine Triet est sur toutes les lèvres. 

Écrit par Téa Antonietti le

Depuis l'ascension fulgurante de son dernier opus "Anatomie d'une chute", la couverture médiatique de Justine Triet l'enveloppe de critiques positives et de portraits flatteurs. Dans chaque article qui parle de la réalisatrice, on constate un jeu de mots avec "Anatomie" se suivant non d'une chute mais plutôt d'une myriade d'adjectifs mélioratifs

Un succès mérité, et un engouement nettement partagé qui semble faire l'unanimité depuis que le phénomène Justine Triet est entré dans le cœur des Américains. Si dans sa France natale, ses films sont très appréciés, de l'autre côté du Pacifique, la cinéaste récolte les "amazing" à la pelle. Focus sur une réalisatrice sensationnelle à la success story de girlboss

Crédits : Libération

À l’origine des films de Justine Triet

Aujourd’hui maîtresse de l'exploration profonde de la psyché humaine dans une œuvre résolument moderne, la captivante Justine Triet a d'abord bifurqué d'un secteur artistique voisin pour s'imposer enfin sur la scène cinématographique. De ses débuts prometteurs à ses réalisations récentes saluées à l’international, Justine Triet a fait ses armes, du documentaire au court-métrage, jusqu’au chef-d’œuvre planétaire.

Un parcours destiné redessiné 

Avec un premier virage artistique aux Beaux-arts de Paris qui lui dessine un avenir dans la peinture, Justine Triet s'éloigne finalement de la toile pour le grand écran. Le cinéma n'est pas sa première voie, la jeune femme bifurque d'abord de l'art plastique pour le montage et la vidéo, et se lance dans le documentaire avec des premières images filmées lors de manifestations étudiantes comme en plein cœur d'un bidonville de São Paolo. Son premier court-métrage "Vilaine fille, mauvais garçon" fait instantanément son effet et emporte le prix EFA du meilleur film européen à la Berlinade

Entrée en scène au cinéma. Son premier film "La Bataille de Solférino" capture l'individu seul face à lui-même entre réalité et fiction, comme au sein d'une foule, avec des scènes filmées à la victoire présidentielle de François Hollande en 2012. C'est avec le suivant, "Victoria", que Justine Triet devient experte de son art : faire le portrait de femmes complexes. Une discipline qui lui colle à la peau, loin des pinceaux et palettes des Beaux-arts, au plus près de mises en scène contemporaines, sincères et essentielles. 

Crédits : Paris Match

Les thèmes récurrents dans sa filmographie 

Entre relations interpersonnelles tumultueuses et quêtes identitaires profondes à travers lesquelles beaucoup se perdent et se retrouvent, chaque récit est introspectif. Comme toute cinéaste au regard unique, Justine Triet inscrit dans sa filmographie des thèmes récurrents qui définissent son univers. À chaque film sa résonance et entre chacun sonne des concordances.  

Les humains : au plus près de l'individu

Ce qui interpelle et captive le plus ses spectateurs, ce sont les personnages complexes qui portent ses films. Avec justesse et fluidité, Justine Triet explore les nuances de la condition humaine. Double complexité : l'individu est une énigme à lui tout seul, tenter de la résoudre en étant elle-même individu en devient une ambiguïté.

Dans son premier court-métrage "Vilaine fille, mauvais garçon", Justine Triet fait le portrait de deux protagonistes, Laetitia et Thomas, traversant chaque situation entre drame et légèreté. Appuyant sur le rapport humain et la manière dont se tissent les liens, la cinéaste choisit un évènement violent pour provoquer la rencontre du duo, alors épris d'une étrange complicité.

Crédits : "Sybil"

Dans "La Bataille de Solférino", on assiste à une approche innovante du film politique et sa réalisatrice explore les réactions de l'Homme, entre audace et authenticité. À travers sa vision, l'humain reste profondément nuancé, au sommet de sa gloire, avec l'étoile montante Margot (Adèle Exarchopoulos) dans "Sybil" qui se met dans la tourmente comme au pied du mur, avec Sandra dans "Anatomie d'une chute" qui ne cherche qu'à en sortir. 

Le féminisme : la nouvelle génération de femmes réalisatrices

Justine Triet s'inscrit dans une nouvelle lignée d'artistes féminines. Aux côtés de Céline Sciamma, prix du scénario à Cannes pour l'hymne féministe "Portrait de la jeune fille en feu", et de Julia Ducournau, Palme d'Or pour le drame d'horreur passionnel "Titane", mais aussi de Greta Gerwig et son blockbuster engagé "Barbie", Justine Triet fait partie de la génération de femmes réalisatrices de l'époque post-MeToo. Troisième réalisatrice femme à remporter la Plame d'Or au Festival de Cannes et première cinéaste française nommée à l'Oscar de la meilleure réalisation, Justine Triet marque l'histoire du cinéma.

Dans ses films, ce sont les femmes qui portent l'intrigue. Virginie Efira joue une avocate en pleine crise existentielle dans "Victoria", puis une psychanalyste dépassée par ses propres démons dans "Sybil". Sandra Hüller incarne une romancière inculpée du meurtre de son mari et doit faire face à sa propre existence ainsi qu'à son rôle de mère devant la justice dans "Anatomie d'une chute". Les femmes occupent une place centrale, sont complexes, tant fortes et audacieuses que vulnérables et imparfaites, soit résolument humaines.

Les muses : de "Victoria" à "Anatomie d'une chute" en passant par "Sibyl"

Si Justine Triet a réalisé 4 longs-métrages, elle met en scène des actrices emblématiques pour incarner ses personnages féminins forts, faisant ainsi de ces interprètes ses muses. À commencer par Virginie Efira, avec qui Justine Triet collabore sur "Victoria" qui la révèle, et "Sibyl" qui la confirme. A lieu une double révélation pour la réalisatrice et son actrice. Justine Triet offre à Virginie Efira un de ses premiers rôles dramatiques complexes et l'actrice lui livre en retour une performance émouvante, aussi forte que fragile. Elle en devient une muse idéale pour les explorations de la cinéaste. 

Crédits : "Victoria"

Rencontre miroir avec l'actrice allemande Sandra Hüller. Dans "Sybil", une première rencontre avec la caméra de Justine Triet, l'actrice livre une performance maîtrisée d'une réalisatrice qui jongle entre le bon déroulé de son tournage et les défis dans son mariage. Si son jeu prouve une polyvalence pour incarner des personnages authentiques mémorables, c'est pour "Anatomie d'une chute" que Justine Triet fait à nouveau appel à Sandra Hüller, cette fois dans le rôle principal qu'elle nomme à son nom. Gros plans sur une femme qui, bien que la vie bascule du jour au lendemain, tente de toutes ses forces de rester impassible face au scandale et malgré tout, une mère pour son fils. Prouesse bouleversante, la collaboration des deux femmes les propulse au Festival de Cannes et désormais, l'international leur ouvre les portes...

Crédits : "Anatomie d'une chute"

Palme d'Or en France, Oscars direction l'international 

Après une validation cannoise la plus prestigieuse qui soit, et une nomination aux César 2024 pour la meilleure réalisation, Justine Triet entre dans le grand bain. Nominations au Golden Globes puis obtention aux Golden Globes du meilleur scénario - élaboré par la réalisatrice et son compagnon Arthur Harari - et le meilleur film en langue étrangère, la cinéaste Justine Triet est en direction des Oscars.

Crédits : Getty

Elle ne parle plus récompenses mais "awards"

"Anatomie d'une chute" connaît un succès fulgurant, ou peut-être devrait-on dire "Anatomy of a fall". Le film réalisé par Justine Triet remporte tous les suffrages, et ses 5 nominations aux Oscars indiquent clairement la voie du succès, qui compte bien triompher. En mars prochain, son opus emportera ou pas l'Oscar du meilleur film, de la meilleure réalisation, du meilleur scénario original et du meilleur montage. Le 5ème titre en jeu reviendrait à l'actrice principale, Sandra Hüller, nommée dans la catégorie de la meilleure actrice.

Justine Triet se tient aux côtés de Jonathan Glazer ("The Zone of Interest"), Yorgos Lanthimos ("Pauvres créatures"), Christopher Nolan ("Oppenheimer") et Martin Scorsese ("Killers of the Flower Moon") pour l'Oscar de la meilleure réalisation, rien que ça. Soit un virage très prestigieux dont la cinéaste est reconnaissante : "Ça me touche beaucoup en tant que femme, dans cette catégorie-là, historiquement, il n'y en a eu que sept autres donc ça représente beaucoup" "J'ai 45 ans, j'ai connu le monde d'avant #MeToo donc ça me touche beaucoup de voir qu'il y a une évolution là-dessus et de savoir que j'en fais partie, que je fais partie de cette histoire-là."

Pour ce qui est de l'histoire du cinéma, une chose est certaine, Justine Triet l'a déjà marqué d'un coup de maître - ou plutôt de boss - et ce tremplin dans sa carrière ne peut qu'encourager une suite des plus prometteuses. D'un point de vue féminin, la promesse Triet, sa vision authentique, féministe et son audace comptent bien initier de jeunes réalisatrices toutes aussi ambitieuses !

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