Sailor Moon, fashion icon, féministe et comble du cool depuis plus de 30 ans
Trente ans plus tard, Sailor Moon brille toujours. Féminisme, sororité, mode… Pourquoi cette héroïne des années 90 reste-t-elle une icône absolue ?
Écrit par Juliette Gour le

Dans cette frénésie de nostalgie pour tout ce que les années 90 ont fait de mieux, certains grands enfants continuent à se shooter à Sailor Moon et Sakura. Personne ne peut leur en vouloir, ces séries japonaises ont offert aux kids des années 90 quelque chose d'unique : des personnages féminins capables de sauver le monde. Sailor Moon est l'une de ces premières héroïnes féminines, qui a ouvert la voie aux autres. Comment ? En démystifiant la féminité.
La créatrice, Naoko Takeushi, s'est appliquée à créer une magical girl pas comme les autres : Sailor Moon est banale, maladroite, n'a rien d'une petite fille parfaite et pourtant elle arrive à se sortir de toutes les galères.
Lorsqu'on se penche sur l'histoire pour en analyser les mécanismes, on se rend compte qu'il est question de bien plus qu'une simple héroïne qui fait fantasmer les japonais et les otakus du monde entier : des références à la haute couture en passant par la symbolique des personnages, Sailor Moon a tout d'un symbole et il paraît essentiel de le rappeler.
Sailor Moon, symbole du pouvoir féminin ?

Si la question du féminin sacré est beaucoup discutée (et déformée) sur TikTok depuis quelques mois, en 1991 déjà, Sailor Moon questionnait le pouvoir des femmes. Sa transformation est interprétée comme le passage de l'enfance à l'adulte, le tout dans une féminité puissante, confiante et indomptable. Il en va de même pour toutes les Sailors, qui représentent chacune une version de la féminité, parfois hybridée avec le masculin.
S'ajoute à ce symbole du féminin idéal un penchant d'Usagi (c'est le prénom de Sailor Moon) à être parfaitement imparfaite. En rôle modèle idéal, elle a prouvé aux petites filles du monde entier qu'on pouvait être gauche tout en étant pleine de pouvoir. L’une des grandes forces de Sailor Moon réside dans la diversité des modèles féminins qu’elle propose. Contrairement aux récits traditionnels où les héroïnes sont souvent réduites à une seule facette de la féminité (la belle, l’intelligente, la forte...), Sailor Moon casse ces archétypes en présentant un éventail de personnages féminins aux personnalités et aux styles variés. Chacune des guerrières incarne une facette du féminin, parfois en opposition avec les normes de genre classiques. Par exemple, Sailor Jupiter prouve que l'on peut être à fois forte et douce. Sailor Mercury met l'intelligence au dessus de tout, sans oublier d'être belle (comme quoi c'est possible d'allier les deux) et Sailor Uranus est le symbole de la féminité androgyne.
Dans les faits, Sailor Moon a aidé tout un tas de petites filles à s'identifier à de nouveaux modèles. Le seul bémol, c'est l'absence des personnages racisés, mais en 1991 au Japon, il ne fallait pas s'attendre à des miracles.
Sororité et modernité

Impossible de passer à côté de l'aspect sorore de la série. Pour ceux du fond, qui auraient oublié le principe de l'animé, Sailor Moon raconte l'histoire d'Usagi et de toutes ses copines Sailor. Ensembles, elles font tout leur possible pour combiner leurs forces et sauver le monde. À la rivalité féminine cliché, Naoko Takeushi a préféré miser sur l'entraide entre les femmes. Le dessin animé montrait (peut-être pour la première fois) un groupe de femmes qui ne cherchait pas à se tirer dans les pattes. Cette dynamique de groupe, inédite pour l'époque, contrastait avec la compétitivité de la société et c'était, une fois n'est pas coutume, un vrai vent de fraîcheur sur les codes attribués à la féminité.
Il paraît aussi essentiel d'évoquer le traitement de l'amour dans Sailor Moon. Si Usagi est du genre à sauver son mec (plutôt masqué), il est important de souligner la présence d'un couple lesbien dans l'œuvre. Sailor Neptune et Sailor Uranus n'ont aucun problème à vivre leur amour au grand jour, mais cet aspect ne survivra pas à l'adaptation du programme aux États-Unis et en France. On préfèrera une relation amicale entre les deux Sailors plutôt qu’une histoire d’amour. Le message était très clair : en Occident, la diversité, c'est non.
C'est sûrement pour toutes ces raisons qu'avec le temps, Sailor Moon est devenue avec le temps un symbole du féminisme dans la pop culture, car non contente de mettre en lumière des personnages quasi-exclusivement féminins, l'animé a le bénéfice d'apprendre aux petites filles qu'elles peuvent être indépendantes et ça, ça n'a pas de prix.
Sailor Moon, Héroïne ET icône de la mode
Pour ne rien enlever à la qualité de la série, Naoko Takeuchi a pris un malin plaisir à s'inspirer de ce que la mode a fait de mieux pour créer les costumes de ses personnages : Chanel, Thierry Mugler, Dior, Christian Lacroix... La mangaka s'est inspirée du meilleur de la mode des années 90 pour les toilettes de ses personnages. Non seulement ça offre une dimension supplémentaire aux personnages (en plus style ravageur) mais ça ancre les Sailor dans le réel d'une époque. C'est sûrement pour cette raison que Sailor Moon continue de fasciner la mode.

Cette esthétique super japonaise est encore louée par les créateurs du monde entier et il suffit de jeter un œil aux podiums des Fashion Week (coucou Coperni) pour se rendre compte que la culture geek est plus sexy que jamais. Entre Louis Vuitton qui, en 2016, présentait une collection inspirée d'Usagi et Jimmy Choo qui a lancé, fin 2024, une collection entière en hommage à la petite japonaise... La petite Bunny est plus que jamais tendance en 2025.
Plus largement, Sailor Moon a eu un impact sur l'esthétique des Shojo, en apportant un coup de neuf aux codes déjà en place : l'animé présente une version revisitée de l'uniforme d'écolière, avec des jupes plus courtes, des chaussettes montantes et un maquillage discret mais présent. Pour beaucoup, elle va devenir le symbole même d'une l'esthétique japonaise, faussement sage et souvent sexualisée.
C'est de ça que s'inspire la mode Kogal, qui se caractérise par un look d'écolière décalé, un maquillage très maquillé, qui est pour les japonaise le symbole d'une féminité rebelle et assumée (bien loin de la discrétion usuelle des japonais).
Sailor Moon, une héroïne éternelle ?
30 ans après sa première transformation, Sailor Moon continue d'incarner une révolution douce et puissante. On ne remerciera jamais assez Dorothée (oui encore elle) d'avoir mis cette petite Bunny (son prénom dans la version française) sur notre chemin. Grâce à elle, on a compris bien avant la vague féministe des années 2010 ce qu'était la sororité au sens large. Elle nous a aussi prouvé qu'une femme ne devait pas être que belle, mais qu'elle pouvait être à la fois forte, intelligente, gauche, pleine d'empathie... Quelque chose de complexe finalement, qui colle si bien à l'image que l'on se fait des femmes aujourd'hui. C'est dire à quel point Naoko Takeuchi avait de l'avance sur on temps.
Avec le revival des années 90 et le retour en force des figures féminines complexes à l’écran, Sailor Moon n’a jamais semblé aussi moderne. La question qui se pose maintenant est de savoir si la prochaine génération d’héroïnes saura aller encore plus loin : des personnages plus inclusifs, plus représentatifs de la diversité et une approche encore plus nuancée des codes du genre.
Dans un monde où les débats autour du féminisme, de la mode et de la pop culture sont plus intenses que jamais, Sailor Moon reste une étoile qui brille toujours, rappelant aux nouvelles générations qu’être une héroïne ne signifie pas être parfaite, mais bien assumer toutes les facettes de sa personnalité – et ça, c’est peut-être la plus belle des leçons.