Clivage politique chez les jeunes : Quand femmes progressistes et hommes réacs s’opposent

On a l'impression que la société progresse, et que petit à petit, on brise les stéréotypes de genre. Mais dans les faits, quand on interroge la population, on s'aperçoit vite que l'on est bien loin du compte. Surtout chez les hommes...

Écrit par Alice Legrand le

Et si l'on vous disait que votre cousin de 25 ans est sûrement plus conservateur que votre tonton réactionnaire de 60 ans? Contre toutes attentes, le sexisme semble prendre de plus en plus d'ampleur au sein de la Génération Z.

Il y a quelques années, on croyait encore au fait que les réseaux sociaux et la libération de la parole chez les jeunes allaient insuffler un vent nouveau, avec une idéologie progressiste et un avenir plus radieux pour les femmes. Mais quand on se penche sur les chiffes du sexisme en France, les résultats sont catastrophiques. Pour le Haut Conseil d'État, "Le sexisme ne recule pas en France. Au contraire". Et cette tendance serait particulièrement remarquée chez les hommes.

Habituellement, une génération évolue de façon homogène, tel un bloc idéologique et revendicateur de nouvelles valeurs communes. Mais selon Alice Evans, chercheuse invitée à l’université de Stanford, les moins de 30 ans dérogent à la règle et font preuve d'une grande divergence entre les genres.

Le sexisme a toujours la dent dure en 2024

La France est un pays de plus en plus sexiste, et ce malgré le travail de longue haleine menée par les associations luttant pour le droit des femmes, les médias engagés et les prises de paroles répétées dans le but d'éduquer le plus grand nombre. Quand on se penche sur les chiffres, 63% des hommes ne voient aucun problème à ce qu'une femme cuisine tous les jours pour sa famille. Concernant le fait qu'une femme s'arrête de travailler pour s'occuper de ses enfants, ils sont 40% à penser que c'est tout à fait normal.

Même constat inégalitaire concernant la répartition des tâches ménagères au sein du foyer : selon une étude menée par la Drees, 55% des femmes assumeraient seule la lourde responsabilité des tâches ménagères, contre seulement 7% des hommes. Encore plus grave, les violences faites aux femmes ont connu une augmentation de 20% entre 2020 et 2021. Et pour 20% de la population française, le terme "Féminicide" reste inconnu. Oui, ça fait peur. Et quand on regarde de plus près, ce sont évidemment les hommes qui font perdurer ce sexisme.

Entre hommes et femmes, un écart idéologique de plus en plus flagrant

Si 80% des femmes avouent déjà avoir subi un traitement différent pour le simple fait d'appartenir au genre féminin, 70% des hommes pensent qu'il faut arrêter de généraliser les choses en considérant que tous les hommes sont sexistes. Bah oui, après tout c'est bien connu, "en 2024, on ne peut plus rien dire"... - Non, on ne peut juste plus être irrespectueux, c'est différent.

Et ce clivage entre les sexes n'est pas inhérent à la France. C'est dans le monde entier que les chiffres parlent. John Burn-Murdoch, journaliste spécialisé dans l’analyse des données, a passé au crible des sondages Gallup et des études menées à ce sujet. Il explique qu'aux États-Unis, "les données montrent qu’après des décennies pendant lesquelles les deux sexes étaient répartis également à travers les visions du monde libérales et conservatrices, les femmes de 18 à 30 ans sont maintenant de 30 points de pourcentage plus libérales que leurs comparses masculins. Il a suffi de six ans pour atteindre cet écart". Cette évolution a donc été très rapide.

En Allemagne, en Corée du Sud ou encore au Royaume-Uni, le constat est le même. Dans un monde post #MeToo, comment ces idéologies peuvent-elles perdurer ?

Les hommes de la Génération Z sont ceux qui alimentent le plus ces clichés

Quand on détaille la population ayant répondu aux études sur le sexisme, les hommes entre 25 et 34 ans auraient l'idéologie la plus sexiste. Pour 20% de cette catégorie (contre 8% des hommes en moyenne), se vanter de ses exploits sexuels favorise l'intégration en tant qu'homme dans la société. Seuls 48% des hommes pensent que l'image de la femme véhiculée dans le porno est problématique, contre 79% des hommes âgés de 65 ans et plus. Aussi, 23% des hommes entre 25 et 34 ans pensent qu'il faut parfois être violent avec une femme pour se faire respecter (contre 11% en moyenne).

La raison ? Avec #MeToo, beaucoup se seraient sentis menacés dans leur statut, s'efforçant à adopter une idéologie extrémiste et plus conservatrice. Les réseaux sociaux ont aussi très sûrement alimenté ces clichés. Les algorithmes permettent de s'enfermer dans des "bulles idéologiques" où chaque post est sélectionné selon nos centres d'intérêt, limitant alors l'exposition à des perspectives différentes.

Quoi qu'il en soit, il est plus que temps d'arrêter de croire que c'est en vantant ses exploits sexuels ou en pensant que la violence envers les femmes est normale que les hommes seront respectés dans la société... Bien au contraire.

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