Les femmes et la tech, deux mondes incompatibles?
La place des femmes dans le milieu professionnel de la tech a été un sujet important de discussion au cours des dernières années. Historiquement, les femmes ont été largement sous-représentées dans ce domaine. Des efforts sont faits pour promouvoir la diversité et l'inclusion mais il est important de reconnaître qu'il existe encore des disparités entre hommes et femmes puisqu’elles représentent moins de 30% des effectifs, en particulier dans les emplois techniques et les postes de direction.
Écrit par Alice Weill le
Cependant, de nombreuses initiatives ont été mises en place pour encourager la participation des femmes dans ce domaine. Des organisations et des groupes de défense des droits des femmes dans la tech se sont formés pour les soutenir et les promouvoir dans cette industrie. Des programmes éducatifs ont été créés pour encourager les filles et les femmes à s'intéresser aux domaines de la science, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques dès leur plus jeune âge.
Certaines entreprises de la tech ont adopté des politiques visant à éliminer les biais de recrutement et à créer un environnement de travail inclusif. Des programmes de mentorat et de parrainage ont également été développés pour aider les femmes à progresser dans leur carrière et à accéder à des postes de direction.
La tech, un domaine toujours hostile aux femmes ?
De plus en plus de femmes s'engagent dans le domaine de la tech et occupent aujourd'hui des postes de direction dans des entreprises technologiques renommées. Certaines femmes sont également devenues des figures emblématiques, servant de modèles et d'inspiration pour les générations futures.
Et c’est une de ces femmes que nous avons rencontrées, Marie Petitcuénot, [b]Chief impact officer chez Salesforce, le leader mondial des applications de gestion des clients et une des plus grosses entreprises dans le secteur de la tech.
Les Éclaireuses : Comment êtes-vous arrivée dans le milieu de la tech?
Marie Pettitcuénot : J’ai un parcours qui est guidé par le principe de plaisir, donc j’ai fait pas mal de choses. J’ai travaillé dans une entreprise de conseil, puis chez Veolia et j’ai créé ma propre boîte de conseil avant de rejoindre Agnès Pannier Runacher au cabinet de l’industrie en tant que conseillère spéciale. J’ai travaillé surtout sur les questions de parité, de diversité et de jeunesse. J’y suis restée pendant deux ans.
Je suis arrivée dans la tech par un questionnement et aussi par hasard. Je ne connaissais pas bien la tech et je me disais qu’il n’y avait pas beaucoup de femmes, donc qu’il y avait peut-être de la place pour les femmes. J’ai ensuite eu l’occasion de rencontrer Emilie Sidiqian, directrice générale de Salesforce, pour qui les valeurs de diversité et de parité étaient très fortes, et qui m’a tout de suite convaincu de la rejoindre au sein de son équipe.
Je me lève donc tous les matins pour les mêmes choses qu’avant : mettre les femmes en emploi et ouvrir les portes à la diversité. Ce qui m’importe beaucoup, c’est l’indépendance financière des femmes.
LE : Il est désormais possible de demander les bulletins de salaire de ses collègues masculins occupant des postes de niveaux comparables pour prouver une inégalité salariale, que pensez-vous de cette initiative? Comment luttez vous contre les disparités salariales chez Salesforce ?
MP : Je pense que cette initiative peut paraître un peu brutale et investigatrice dans un pays comme la France. Néanmoins, les changements se font par ces mesures-là. C’est une bonne manière de souligner les inégalités et de jouer carte sur table.
Chez Salesforce, ce sujet a été traité en 2015 par le fondateur qui a mis beaucoup d’argent pour permettre ce rééquilibrage de salaires (22 millions d’enveloppe dédiée au rattrapage de salaires entre les hommes et les femmes). Il y a désormais un algorithme, au sein de Salesforce, qui tourne et qui corrige les salaires de lui-même, selon la moyenne des salaires à poste égal entre les hommes et les femmes.
LE: Vous avez pour rôle d’apporter plus de diversité et d’inclusion au sein de Sales force et de ses partenaires, concrètement en quoi cela consiste?
MP : Je suis Chef impact pour la France et Chef equality pour l’Europe centrale et du Sud. Je m’occupe de l’égalité en interne, c'est-à-dire faire en sorte qu’il y ait davantage de femmes à la fois en recrutement mais aussi au niveau des leaders.
Mon métier est de faire baisser le niveau des stéréotypes et cela passe par des nouveaux process de recrutement, comme par exemple le choix des mots utilisés dans la fiche de poste ou encore le fait qu’il y ait bien des femmes qui soient là en tant que recruteur. Je ne dis pas que les hommes sont des mauvais recruteurs, mais on a tendance à recruter des gens qui nous ressemblent parce qu’on a le sentiment qu’on les comprend, qu’on les connaît. La nature ne doit pas primer sur le recrutement.
Mon autre métier, c’est aussi l’impact et cela passe par trouver des talents pour nos partenaires et nos clients. On s’est donc donné comme objectif "1 000 femmes dans la tech". En 2 ans, nous nous sommes fixés comme objectif de recruter 1 000 femmes, qui arrivent ou se reconvertissent dans la tech. On accompagne et forme les femmes aux métiers de la tech. En quelque mois, il est possible de devenir administratrice ou développeuse Salesforce.
LE : Pourquoi les métiers du numérique attirent si peu les femmes?
MP : Je pense qu’il y a un réel manque de "role model", il n’y a pas suffisamment de leaders femmes pour inspirer la nouvelle génération et qu’elles puissent s’identifier et se projeter.
Il y a encore des stéréotypes cumulatifs qui existent et qui freinent les femmes à se lancer dans le milieu de la tech. Les clichés sont la chose la plus visqueuse au monde donc il ne faut pas hésiter à pousser la porte et pour les "role model" de témoigner de leur parcours et rayonner dans ce qu’elles font, en aimant ce qu'elles font.
LE : Est-ce que c’est pas un éternel recommencement cette question d’équité? Quand on regarde les nouveaux métiers du Web 3 ou de l’AI, encore une fois il y a beaucoup d’hommes, très peu de femmes, est-ce qu’à chaque fois il faut que l’on recommence le travail?
MP : Je considère que le discours doit être radical, c'est-à-dire que l’on doit avoir les mêmes droits que les hommes. On est tous des êtres humains. C’est hallucinant qu’il y ait encore des écarts de salaire pour des postes similaires.
Pour éviter la fatigue de ces combats, il faut que les choses changent et heureusement ça bouge. Il faut créer ensemble de l’irréversible et cela passe par la loi et des comportements culturels.
Un des combats repose sur le congé parentalité. Chez Salesforce, le coparent peut prendre 3 mois de congé après la naissance d’un enfant, ce qui représente 2 mois de plus que la durée légale en France. Cela permet de moins stigmatiser les femmes autour de la trentaine lors d’un recrutement car les hommes sont tout aussi susceptibles d’avoir un enfant et donc de prendre un congé parental.
Il reste encore beaucoup de travail à faire pour parvenir à une véritable parité dans le milieu professionnel de la tech. Il est essentiel que les efforts se poursuivent pour éliminer les obstacles et les préjugés auxquels les femmes sont confrontées dans ce domaine, et pour créer un environnement inclusif qui favorise leur pleine participation et leur avancement professionnel.