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Pourquoi les femmes ont-elles été invisibilisées dans le domaine de la tech ? 

Le constat est sans appel : la tech, et encore plus l’intelligence artificielle, est un secteur largement dominé par les hommes. Comment un domaine aussi crucial pour l’avenir peut-il ignorer 50 % de l’humanité ?

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C’est la question qui a animé une conversation passionnante lors du dernier festival C’est qui la Boss ?, où deux pontes de la tech justement, Aliette Mousnier-Lompré, directrice générale d’Orange Business, aux côtés de Sandrine Delage, Inclusion and Tech Advisor chez BNP Paribas et cofondatrice de "Women & Girls in Tech", ont pris la parole pour nous donner des pistes de réflexion à ce sujet.

Pourquoi n’y a-t-il pas de femmes dans la tech ?

Aliette Mousnier-Lompré l’affirme avec conviction : les biais commencent dès l’enfance et l’exemple des jouets est très parlant. Les petites filles sont souvent dirigées vers des poupées, des princesses, des licornes… Tandis que les garçons se voient offrir des kits scientifiques, des jeux de construction, des robots. Ces stéréotypes se poursuivent à l’école, où les filles sont le plus souvent orientées vers des filières littéraires, pendant que les garçons sont aiguillés vers les sciences et la technologie. Ce fossé entre les genres se creuse au fur et à mesure que les enfants grandissent, et les filles se retrouvent donc sous-représentées dans les études scientifiques, et encore plus dans les carrières liées à la tech.

Mais le problème ne s’arrête pas là. Aliette Mousnier-Lompré met également en lumière les biais cognitifs qui existent au moment du recrutement. Un recruteur homme, par exemple, aura naturellement tendance à privilégier des profils qui lui ressemblent… Donc des hommes. Ce cercle vicieux explique en grande partie la faible présence des femmes dans les postes de direction et les projets les plus innovants du secteur.

Une piste de solution ? Selon Aliette Mousnier-Lompré, il faut encourager les petites filles à s’intéresser aux sciences et à se projeter dans des carrières technologiques dès leur plus jeune âge.

Sandrine Delage, elle, nous rappelle que les femmes ont été des figures essentielles de la révolution technologique, comme Ada Lovelace et Hedy Lamarr, mais que leur travail a été éclipsé. Pour elle, le genre de la tech a commencé à se cristalliser avec l’arrivée du GameBoy, symbole d’un tournant dans l’industrie : un produit qui n’était clairement pas destiné aux filles. Elle cite également le film Les Femmes de l’ombre, qui raconte le parcours de femmes noires à la NASA, et conclut en soulignant une vérité implacable : "Tant que les métiers de la tech n’étaient pas valorisés, ils étaient considérés comme des métiers de femmes. Mais dès qu'ils ont commencé à avoir de la valeur, les hommes ont pris le dessus."

Comment lever ces biais ?

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Si l’éducation des enfants est essentielle, elle ne peut pas être l’unique solution à ce déséquilibre. Car les femmes, bien qu’elles soient présentes dans la tech, sont encore largement écartées des projets ambitieux et des postes de décision. Il est donc crucial de soutenir les jeunes femmes qui arrivent sur le marché du travail, de les accompagner dans leurs choix de carrière et de les encourager à viser plus haut.

Pour Sandrine Delage, ce soutien passe aussi par un travail plus personnel. Elle raconte que le mouvement #MeToo a été une véritable révolution pour elle, car il l’a poussée à ne plus ignorer les remarques sexistes. Ce changement de mentalité est fondamental, mais il doit s’accompagner de politiques d’entreprise ambitieuses, chiffrées et objectivées, pour garantir une véritable inclusion dans les grandes entreprises. Car, comme elle le rappelle, une politique d'entreprise sans objectif, c'est une politique qui ne fonctionne pas.

Aliette Mousnier-Lompré insiste aussi sur la nécessité de déconstruire les biais cognitifs qui freinent encore aujourd’hui les carrières des femmes. Et elle ajoute, avec une pointe de réalisme : "Les femmes sont souvent leurs pires ennemies."

Quel rôle pour les grandes entreprises ?

Les grandes entreprises jouent un rôle clé dans cette dynamique de changement. Des initiatives comme "Women & Girls in Tech" ont vu le jour pour donner de la visibilité à des modèles inspirants et pour aider les jeunes filles à imaginer des carrières dans la tech. Les rôles modèles sont essentiels pour faire tomber les barrières invisibles que se mettent les femmes elles-mêmes. "Voir des femmes en position de pouvoir, dans des rôles techniques et de direction, permet de se projeter et de se dire : ‘C’est possible pour moi aussi’.", souligne Sandrine Delage.

Mais elle met également en lumière un point crucial : la communication autour des politiques de recrutement et de diversité des grandes entreprises est généralement insuffisante. Trop souvent, ces initiatives restent confinées à un cercle restreint de personnes déjà convaincues, et n’atteignent pas les jeunes femmes qui auraient pourtant besoin d’entendre ce message.

Enfin, il ne faut pas oublier le rôle de l’État et des administrations, qui doivent garantir l’égalité femmes-hommes dans tous les secteurs, y compris celui de la tech. Des politiques publiques ambitieuses, des incitations à la diversité et des actions concrètes sont indispensables pour accélérer ce changement.

La tech doit être un secteur à la hauteur de la société dans laquelle nous vivons : une société où les femmes représentent 50 % de la population et doivent pouvoir se retrouver dans tous les secteurs, à tous les niveaux. Pour cela, il est impératif de lutter contre les biais qui freinent les carrières des femmes, de soutenir les talents dès le plus jeune âge, et de mettre en place des politiques d’inclusion concrètes, dans les entreprises comme dans les administrations. Le changement est possible, mais il nécessite la volonté de tout un chacun : des entreprises, des institutions, et des femmes elles-mêmes.

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