Génération Z : le fossé idéologique se creuse entre hommes et femmes

La génération Z est plus divisée que jamais : progressisme chez les femmes, conservatisme chez les hommes. Une fracture idéologique qui façonne et divise les relations de la GenZ.

Écrit par Camille Cortot le

Il y a quelque chose de fascinant et, soyons honnêtes, d’assez troublant dans la fracture idéologique qui s’installe chez la génération Z. Alors que les jeunes femmes tendent de plus en plus vers le progressisme, leurs homologues masculins semblent, eux, rebondir vers un conservatisme accru. Une divergence d’opinions qui ne cesse de s’accentuer, visible à l’échelle mondiale.

En Pologne, près de la moitié des jeunes hommes de 18 à 21 ans votent pour l’extrême droite, tandis que seulement un sixième des jeunes femmes font ce choix. Et ce n’est pas un cas isolé : de la France à la Corée du Sud, en passant par l’Allemagne, cette fracture se creuse, témoignant de la formation de deux générations Z aux valeurs radicalement opposées.

Alice Evans, chercheuse à l’université de Stanford, a mis en lumière cette polarisation en analysant des données issues de l’institut Gallup. Ce qui ressort est sans appel : au lieu de s’unir dans un idéal commun, les jeunes hommes et femmes de la génération Z s’éloignent l’un de l’autre, traçant des frontières idéologiques bien marquées. Il apparaît que nous n’évoluons plus dans le même monde. On vous explique.

Un monde, deux réalités

D’après le dernier rapport du Haut Conseil à l’Égalité, les jeunes femmes de 18 à 25 ans sont nettement plus progressistes que les jeunes hommes du même âge, qui affichent une inclination marquée pour des idées masculinistes. Cette polarisation est également visible dans l’utilisation des réseaux sociaux : tandis que les femmes sont sensibilisées aux inégalités sociales et aux droits des femmes, les jeunes hommes, eux, se retrouvent souvent immergés dans des discours hostiles envers les féministes, les étrangers, et les classes défavorisées. Une fracture s’installe, non seulement politique, mais aussi culturelle et sociale.

Prenons l’exemple de la Pologne : en 2023, lors des élections législatives, 26 % des jeunes hommes ont voté pour le parti d’extrême droite Konfederacja, qui prône des valeurs traditionalistes et une économie libérale. Parmi les jeunes femmes, seules 6 % ont fait ce choix. De telles disparités sont également présentes en France, où les jeunes hommes se montrent plus enclins à soutenir des figures de la droite conservatrice, tandis que les jeunes femmes tendent à voter pour des partis progressistes qui défendent des causes sociales et féministes.

Une fracture idéologique exacerbée par le patriarcat et l’éducation

Pourquoi ces différences si marquées ? Il est essentiel de comprendre que cette divergence idéologique n’est pas née de nulle part. Elle trouve sa source dans le patriarcat et les modèles d’éducation genrés qui persistent à façonner nos valeurs. Dès l’enfance, les garçons et les filles sont confrontés à des attentes et des modèles de comportements différents.

Mais alors que les femmes sont de plus en plus encouragées à être indépendantes et à se battre pour leurs droits en sortant de cette éducation patriarcale, les hommes eux, se voient souvent assigner le rôle du protecteur et du dominant, un modèle conservateur qui ne fait qu’amplifier leur enclin pour le traditionalisme.

Ce conditionnement s’accentue avec l’avènement des masculinistes, ces communautés d’hommes, en colère contre le féminisme et persuadés d’être opprimés, se réunissent pour échanger sur des idées anti-féministes sur les réseaux sociaux. Un monde parallèle, où la méfiance et le ressentiment envers les femmes prospèrent. Les femmes, elles, trouvent dans les réseaux sociaux un espace de solidarité et de mobilisation pour les causes progressistes. C’est là que se situe le véritable fossé : deux réalités, deux visions du monde qui cohabitent mais ne se rencontrent jamais.

Génération Z : conservatisme masculin contre progressisme féminin

La fracture de genre n’est pas seulement culturelle, elle est également politique. En janvier 2024, le Financial Times alertait sur cette "nouvelle fracture mondiale " qui sépare hommes et femmes de la génération Z. Aux États-Unis, par exemple, 72 % des jeunes femmes qui ont voté aux élections de 2022 ont soutenu un candidat démocrate, contre seulement 54 % des jeunes hommes. En Europe, cette tendance se retrouve également : les jeunes hommes se tournent de plus en plus vers des partis conservateurs ou d’extrême droite, tandis que les femmes choisissent des formations politiques progressistes, souvent porteuses de réformes sociales.

L’écart entre les deux genres n’est pas seulement une question de préférences électorales, mais traduit un choc de valeurs profond. Alors que les femmes luttent pour l’égalité des droits, l’éradication des violences sexistes et une société plus inclusive, une frange significative des jeunes hommes rejette ces idéaux et aspire à un retour aux valeurs traditionnelles. Un contraste important qui complique les relations et attise les tensions au sein même de la jeunesse.

Un dialogue difficile, une incompréhension grandissante

Avec des idéaux de plus en plus opposés, le dialogue entre jeunes hommes et femmes devient compliqué, voire impossible. Cette fracture se reflète dans la difficulté des jeunes femmes à trouver des partenaires partageant les mêmes valeurs progressistes. Dans un article du Courrier International, deux jeunes femmes polonaises racontent leur difficulté à rencontrer des hommes qui respectent leur indépendance et leurs aspirations professionnelles. L’une d’elles se souvient d’un ex-petit ami qui, après qu’elle ait obtenu une promotion, lui a demandé si elle avait " couché avec son patron ". Un comportement révélateur des tensions qui émaillent aujourd’hui les relations entre hommes et femmes de la génération Z.

Ce fossé idéologique est également perceptible dans la tendance des jeunes femmes à éviter les hommes aux opinions trop conservatrices. En Grande-Bretagne, une jeune femme expliquait qu’elle refusait désormais de sortir avec des hommes de droite, encore plus depuis le Brexit. Un phénomène qui témoigne de la difficulté des jeunes femmes à trouver des partenaires partageant leurs valeurs, et de la volonté de ne pas compromettre leurs idéaux.

Vers un avenir sans compromis ?

La fracture idéologique entre hommes et femmes de la génération Z semble, hélas, ne faire que grandir. Et dans un monde où les jeunes femmes adoptent de plus en plus de valeurs progressistes tandis que leurs homologues masculins se tournent vers des idéaux conservateurs, la question qui se pose est la suivante : comment la génération Z pourra-t-elle, à l’avenir, surmonter ce fossé ?

Peut-être que ce fossé idéologique est là pour durer, ou peut-être que les prochains défis de société parviendront à rassembler cette jeunesse divisée. En attendant, la génération Z se divise, se confronte, et peine à trouver un terrain d’entente.

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