Il se passe quoi en Corée du Sud ?
Depuis presque une semaine, le quotidien est loin d'être calme en Corée du Sud. La faute au président du pays qui, sur un coup de tête, à décidé de décréter la loi martiale.
Écrit par Juliette Gour le
Depuis quelques jours, on ne fait que parler de la Corée du Sud, mais cette fois, ce n'est ni à cause des BTS ou pour parler skincare. Depuis 3 jours, la rébellion gronde au pays du matin calme. La raison ? Un président passablement mégalomane, qui a décidé d'instaurer - sur un coup de tête - la loi martiale dans son pays. La raison de cette décision reste obscure. Selon le chef de l'État, la loi martiale est la seule solution pour éradiquer "les menaces posées par les forces communistes nord-coréennes", mais, elle est étrangement survenue après un conflit avec l'opposition.
Particulièrement conservateur, Yoon Suk-yeol n'a jamais hésité à qualifier le parti démocrate de "forces hostiles à l'État ayant l'intention de renverser le régime", l'accusant même de sympathiser avec la Corée du Nord.
Ce n'est pas la première fois que le président use de stratagèmes pour détourner l'attention en sa faveur : pendant sa campagne, il avait pointé du doigt les féministes, les tenant pour responsable de tous les maux du pays.
Mais, en promulguant la loi martiale, il a marqué une nouvelle étape dans sa volonté d'imposer une politique conservatrice (presque dictatoriale) en Corée du Sud, menaçant la démocratie.
La loi martiale, qu'est-ce que ça signifie ?
Que doit-on comprendre par loi martiale ? Initialement, c'est un dispositif politique qui a été mis en place au début de la guerre des deux Corée pour garantir les pleins pouvoirs au président, dans l'intention de protéger le pays. C'est l'équivalent de l'état d'urgence français, mais dans une version plus extrême.
Lorsque la loi martiale est appliquée, les médias passent immédiatement sous le contrôle de l'État, le droit de grève est suspendu et les forces armées prennent immédiatement le contrôle des fonctions gouvernementales et judiciaires.
Si cette loi a été pensée dans un but de protection, elle a malheureusement plus souvent servi comme outil pour réprimer l'opposition ou maintenir une politique autoritaire.
L'exemple du massacre de Gwangju est peut-être le plus parlant pour comprendre tout ce qu'implique la loi martiale en Corée du Sud. Suite à un coup d'État orchestré par Chun Doo-hwan (qui avait lui aussi utilisé la loi martiale), les médias ont été censurés et les universités contraintes de fermer. Le peuple s'est révolté, mais le mouvement a été réprimé par les forces militaires.
Au total, ce sont près de 200 personnes qui ont perdu la vie lors des soulèvements. Cet épisode de l'histoire a laissé de profondes cicatrices dans l'esprit des Coréens, renforçant le désir de démocratie et de justice sociale au pays du matin calme.
C'est pour cette raison que la décision du président actuel a profondément secoué le peuple et que les manifestations ne se sont pas fait attendre.
Voter pour sauver la démocratie
Dans les heures qui ont suivi l'annonce de l'application de la loi martiale, l'opposition a appelé le peuple à manifester sans attendre et les députés, retranchés dans un parlement encerclé par l'armée, ont voté la levée de la loi.
De nombreuses images des manifestants ont fait le tour du monde, mais la plus marquante est peut-être celles qui montrent la bravoure d'Ahn Gwi-ryung, députée du Parti démocrate, qui n'a pas hésité à faire face à l'armée en criant "vous n'avez pas honte".
Les 190 députés votants se sont unanimement opposés à la loi martiale. Dans les contre, on retrouve évidemment l'opposition, mais également des membres du parti au pouvoir.
La loi a finalement été levée 6 heures plus tard et six partis de l'opposition ont déposé une motion de déstitution. Samedi 7 à 19h, les parlementaires seront invités à voter pour l'adoption de la mention de censure. Pour que le président soit destitué, la motion doit être adoptée par les deux tiers de l'Assemblée Nationale.
Est-ce qu'on peut parler de tentative de coup d'État ?
La question est aujourd'hui de définir clairement les intentions du président. Peut-on considérer ce qui s'est passé comme une tentative de coup d'État ? Même si la démocratie a finalement eu gain de cause et ce, sans réel incident, elle aurait pu être ébranlée.
Cette action aura évidemment des répercussions. Dans la foulée, le chef de cabinet et le conseiller à la sécurité nationale ont déposé leur démission. Mais, avec l'instabilité qui règne entre Pyongyang et Séoul, la situation ne pouvait pas plus mal tomber. S'ajoute à ça l'arrivée prochaine au pouvoir de Trump aux États Unis qui pourrait accroître les tensions entre les deux pays... La situation géopolitique de la zone est plus qu'instable pour l'année prochaine.
En ce qui concerne la situation interne du pays - déjà empreinte à des manifestations étudiantes depuis quelques semaines - elle pourrait être marquée par une grève générale jusqu'à la destitution du président (c'est en tout cas le plan de la principale intersyndicale du pays).
Good news : le président est tombé
Après plusieurs jours de manifestation, lighstick à la main, au rythme du mythique Crooked de GDragon (à écouter absolument pour votre culture personnelle), le président sud coréen Yoon Suk-yeol a été destitué par l'assemblée nationale. En attendant, c'est le premier ministre qui assure l'intendance, face à un peuple ravi d'avoir laissé la démocratie faire son travail.
Les images des manifestations ont fait le tour du monde : les Coréens, tous unis, chantant en chœur des tubes aujourd’hui connus à l'internationale pour exprimer leur mécontentement, ça n'a laissé personne de marbre. Mais, ce que l'on retient surtout de ces manifestations, c'est la grande présence féminine à Yeouido - quartier de l'Assemblée Nationale coréenne. Est-ce que c'est surprenant ? Pas vraiment. Considérées comme les seules responsables de la dérive du pays par l'ancien président, les femmes se devaient de faire entendre leur voix.
Plus qu'une envie d'évoluer, ce qui a permis d'éviter le pire en Corée du Sud, c'est l'éducation. Dans un article pour Le Monde, plusieurs lycéennes ont avoué sans l'école, elles n'auraient jamais eu conscience de tout ce qu'implique la loi martiale. Mais, plus qu'un attachement à la démocratie, cette situation inédite a ravivé des souvenirs de résistance à l'ensemble du pays, qui est une partie intégrante de l'histoire de la Corée du Sud.
Il faut maintenant espérer que le président qui suivra aura des prises de positions plus progressistes, à l'instar du président Moon, qui a particulièrement œuvré pour le devoir de mémoire au Pays du Matin Calme.