Les filles et la science : des stéréotypes de genre qui persistent

En 2024, les femmes restent largement sous-représentées dans les carrières scientifiques. Stéréotypes, autocensure et sexisme continuent de freiner encore leurs ambitions.

Écrit par Camille Cortot le

En 2024, on se dit qu'on devrait en avoir fini avec les idées reçues sur les femmes et les sciences. Et pourtant, l'enquête nationale dévoilée par l'association Elles Bougent, en partenariat avec OpinionWay, nous rappelle qu'il reste du chemin à parcourir. Les chiffres sont implacables : seulement un quart des ingénieurs en France sont des femmes, et un tiers des étudiants en sciences sont des étudiantes. On est encore bien loin de la parité.

Les stéréotypes de genrecontinuent de peser lourdement sur les aspirations professionnelles des jeunes filles. Elles en viennent alors à se détourner des carrières en science, technologie, ingénierie et mathématiques (STEM), se sentant illégitimes avant même d'avoir essayé.

Ce qui est d'autant plus frappant, c'est que beaucoup d'entre elles ont un grand intérêt pour les maths et les sciences. Pourtant les femmes continuent de penser qu'elles ne sont pas aussi compétentes que leurs homologues masculins. Ce problème systémique ancré dans des siècles de stéréotypes tenaces est encore bien loin d'être réglé.

Des stéréotypes de genre toujours bien ancrés 

Pourquoi les filles boudent-elles encore les carrières scientifiques ? Parce qu’on leur a dit, dès le plus jeune âge, que "les maths, c’est pour les garçons". Oui, encore en 2024. L’étude d’OpinionWay met en lumière un fait frappant : 88 % des femmes interrogées disent avoir un intérêt pour les mathématiques et les sciences. Et pourtant, 30 % d’entre elles ne se sentent pas aussi compétentes que leurs homologues masculins

La faute aux stéréotypes de genre. Quand 44% des femmes ont déjà entendu qu’elles étaient “moins douées en mathématiques” que les garçons, ce n’est pas étonnant qu’elles soient réticentes.  Les filles s’autocensurent et évitent les filières où elles se sentent "illégitimes", notamment dans l’industrie, perçue comme peu accessible par 65 % d’entre elles. 

Et cette autocensure commence bien tôt. Quand, dès le collège voire, même le primaire, on vous répète que les maths, ce n'est pas fait pour vous, difficile de s’imaginer plus tard en ingénieure ou en chercheuse. La société a tendance à tourner les femmes vers des carrières dites “humaines”, parce que c’est bien connu, les femmes ne sont que douceur et calme, tandis que les hommes sont durs et forts. On est encore dans une société où les choix de carrière sont marqués par des idées reçues tenaces. 

Un environnement masculin qui ouvre la voie au syndrome de l’imposteur

Mais ce n’est pas tout. Même celles qui osent s’orienter vers les sciences et les technologies doivent affronter un environnement hostile. Une fois dans le bain, c’est-à-dire dans des classes à prédominance masculine, les femmes ressentent souvent qu’elles n’y ont pas leur place. L’enquête révèle que 50 % des étudiantes ressentent ce malaise.

Dans ce contexte, le syndrome de l’imposteur s’installe rapidement : elles sont en minorité, souvent sous-estimées et confrontées à des remarques sexistes qui les amènent à douter de leurs compétences. Ce sentiment de ne pas être à la hauteur n’épargne pas les femmes une fois dans le monde professionnel. 81 % des femmes actives estiment que les hommes accèdent plus facilement aux postes à responsabilité et 75 % jugent que les hommes perçoivent de meilleurs salaires à poste égal.Une inégalité qui, en 2024, continue de miner les ambitions des femmes dans les métiers STEM ( science technologie ingénierie mathématiques). 

Et pour ne rien arranger, 81 % des étudiantes ingénieures ou techniciennes craignent de subir du sexisme dans leur future carrière.Comment avancer sereinement dans une profession quand on redoute constamment d’être rabaissée, discriminée ou même harcelée ? Et c’est là que le syndrome de l’imposteur frappe le plus fort, avec près de 60% d’entre elles qui le ressentent. Ce n’est donc pas une question de compétences, de motivation, ou de genre, c’est un environnement entier qui continue de leur envoyer des signaux négatifs.

Des mesures encore insuffisantes

Face à ce constat, certaines initiatives tentent de renverser la vapeur.. Selon l’enquête d’OpinionWay, plus de 60 % des étudiantes et des femmes actives affirment avoir observé des actions concrètes pour lutter contre les violences sexistes et soutenir les femmes dans leurs parcours. Des entreprises commencent à comprendre qu’il est dans leur intérêt d’avoir plus de diversité, car, spoiler, les groupes composés de 23 % de femmes voient leur efficacité augmenter de 40 %. 

Mais pour beaucoup, ces initiatives restent insuffisantes. Les femmes interrogées réclament davantage de mesures concrètes pour changer la donne. Une grande majorité d’entre elles estiment qu’il est nécessaire d’instaurer des programmes de sensibilisation dans les écoles et les entreprises pour briser les stéréotypes et lutter contre le sexisme. 

Le mentorat est également largement plébiscité : la majorité des femmes dans la science pensent que des programmes de marrainage entre les femmes déjà en poste et les jeunes étudiantes aideraient à briser ce plafond de verre invisible. 

Enfin, les femmes attendent des mesures plus strictes pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, que ce soit dans les écoles ou dans les entreprises. Parce qu’on ne peut pas sérieusement envisager d’attirer plus de femmes dans ces secteurs si elles doivent constamment se battre pour être respectées.

Une évolution nécessaire

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Oui, en 2024, les stéréotypes de genre continuent de freiner l’orientation des femmes vers les carrières scientifiques et techniques. Oui, les jeunes filles s’autocensurent encore, et le syndrome de l’imposteur s’installe bien avant leur arrivée sur le marché du travail.

Alors que faire ? Il est urgent de continuer à multiplier les initiatives, que ce soit dans les écoles ou dans les entreprises, pour briser une bonne fois pour toutes ces barrières invisibles mais puissantes. Il est temps que les filles puissent enfin voir les métiers scientifiques comme une option naturelle, et non comme une exception réservée aux plus courageuses.

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