L’Iran durcit (encore) ses sanctions contre les femmes qui refusent de porter le voile
Quatre jours après l'anniversaire de la mort de Mahsa Amini, les députés iraniens viennent d'approuver un projet loi qui fait reculer le pays d'un bond en arrière. Elle concerne le port du voile par les femmes... Explication sur la situation en Iran.
Écrit par Alice Legrand le
Le 16 septembre 2022, Mahsa Amini est décédée après avoir été arrêtée dans la capitale iranienne Téhéran et frappée par la police des mœurs, car son voile islamique aurait été mal porté. Cet événement avait suscité de vives réactions à l'international.
Un an après les évènements, les tensions sont loin d'être apaisées. Après des mois de discussion, le gouvernement iranien vient d'adopter un texte intitulé Soutien à la culture de chasteté et du voile. Et son nom parle de lui-même. Ce sont 152 députés qui ont voté en faveur de ce texte absolument régressif, 34 autres ont montré leur opposition et 7 se sont abstenus. Ça en dit long sur l'état du pays.
En effet, depuis la révolution islamique de 1979, l'Iran applique une politique stricte envers les femmes. À sa mort, Mahsa Amini est devenue le symbole du combat que les Iraniennes mènent depuis plusieurs années maintenant.
On vous explique la situation actuelle et pourquoi cette nouvelle loi pourrait bien être adoptée définitivement.
Une libération des femmes iraniennes
La mort de Mahsa Amini a insufflé un véritable souffle nouveau dans le pays. De nombreuses manifestations ont eu lieu et les réseaux sociaux ont permis un très grand relais de l'information, indignant le monde entier.
De nombreuses femmes ont décidé d'arrêter de porter le voile, d'autres se sont filmées en train de le faire tournoyer ou en le brûlant par exemple. Et cette mobilisation ne concerne pas que les femmes. Nombreux sont les hommes à avoir aussi manifesté à leurs côtés.
Le rôle des réseaux sociaux dans le combat
Internet a une grande place dans le combat : n'importe qui dans le monde peut participer à son échelle, et partager son mécontentement face à cette politique restrictive. Par exemple, une photo montrant des adolescentes la tête nue et faisant un doigt d'honneur au guide suprême iranien a été très relayée sur les réseaux sociaux. Cela permet aux Iraniennes de trouver du soutien, tant auprès de la diaspora que de militant(e)s féministes.
Une émancipation rapidement bloquée par l'État
Face à un tel affranchissement de la part de la population (surtout dans les grandes villes), les autorités ont décidé de durcir les règles afin de punir celles qui décident de "n'en faire qu'à leur tête" : fermeture de restaurants, installations de caméras de surveillance dans la ville, création d'un projet de loi très restrictif... Et ce dernier vient d'être approuvé par les députés.
Selon les conservateurs, la disparition du voile entraînerait une modification considérable des normes sociales. Et apparemment, c'est totalement im-pen-sable... Bon.
Qu'est-ce que la police des mœurs ? Qui a imposé le voile en Iran ?
Depuis 1983, une loi iranienne impose aux femmes, dès 7 ans, de porter le hijab. La police des mœurs, créée en 2005 par le gouvernement, a pour mission principale de s'assurer le respect du code vestimentaire imposé aux Iraniennes : manteau en dessous du genou et manches longues, par exemple. Avec l'élection du président ultra-conservateur Ebrahim Raïssi en 2021, les lois ne cessent d'être durcies. Actuellement, en apparaissant en public sans le voile musulman, les femmes risquent une peine d'emprisonnement de dix jours à deux mois.
Des restrictions de plus en plus fortes
Le projet de loi a été approuvé pour une durée d'essai de trois ans. Et c'est déjà 3 ans de trop.
Cela prévoit par exemple des sanctions financières pour les médias ou internautes qui feraient la promotion de la nudité ou se moqueraient du hijab. Les entreprises dont les employés ne portent pas le voile seront soumises à des amendes et leurs propriétaires auront l’interdiction de quitter le pays.
Les femmes qui ne portent pas de hijab lorsqu'elles conduisent ou sont passagères seront soumises à des amendes équivalentes à environ 10 euros. Tout vêtement serré ou qui laisse apparaître une partie du corps est considéré comme inapproprié et peut également être passible d'une amende. Si ces délits sont effectués en coopération avec une organisation étrangère ou hostile à la République islamique (gouvernements, médias, groupes...), ils sont passibles d'une peine d'emprisonnement entre 5 et 10 ans.
Ce n'est qu'un projet pour l'instant, et il doit être approuvé par le Conseil des gardiens de la Constitution avant de devenir loi, mais le fait qu'une très large majorité des députés soient en accord avec cette dernière n'annonce rien de bon pour la suite.