#MeToo à l’hopital : entre gestes déplacés, remarques sexistes, allusions et blagues pas drôles

Après le monde du cinéma, du sport, de la politique, de la chanson, de l'éducation, des religions, des affaires... Voici aux femmes du secteur médical de raconter les gestes et remarques (totalement) déplacées qu'elles subissent.

Écrit par Alice Legrand le

Mais quand s'arrêteront donc les révélations#MeToo ? Les nouvelles accusations ne cessent. Et tant mieux : on veut voir les coupables tomber... Mais on se demande quand même dans quel monde vit-on, quand tous les jours de nouvelles affaires d'agressions sont révélées au grand jour.

Ces derniers jours, c'est le secteur médical qui est dans la tourmente. Après le témoignage de Karine Lacombe, cheffe de service hospitalier des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Antoine, la parole se libère dans ce domaine où les violences sexistes et sexuelles semblaient jusqu'alors régner en maître.

Publiée mercredi dernier dans Paris Match, l'interview de la médecin a fait l'effet d'une bombe dans le milieu. Accusant le très médiatique Patrick Pelloux de "harcèlement sexuel et moral", elle ouvre la voie pour d'autres femmes médecin victimes de violences.

Un secteur gangrené par les remarques sexistes et les gestes déplacés

C'est bien connu, les femmes médecins, et en particulier les infirmières, c'est terriblement sexy. Enfin, ça, c'est ce que semblent penser patients et membres du personnel médical, qui se permettent souvent des gestes et allusions terriblement irrespectueuses.

Médecins, infirmières, urgentistes, aides-soignantes, membres du personnel administratif à l'hôpital... Toutes ont déjà été victimes ou témoins d'agression sexuelles dans leur métier. Une enquête réalisée en 2021 par l’Anemf montre par exemple que 49,7 % des étudiantes en médecine disent avoir reçu des "remarques sexistes" lors de leurs stages en hôpital.

D'après une autre enquête menée en 2022 par la Fnesi, le principal syndicat des étudiantes infirmières, 1 aspirante infirmière sur 6 assurait avoir été victime d’agression sexuelle au cours de sa formation, essentiellement à l’hôpital. On parle par exemple de"mains sur la cuisse", de"massages" ou "baisers" non désirés de la part de collègues et maîtres de stage.

Les accusations sont nombreuses, et ne datent pas d'hier

À la suite du témoignage de Karine Lacombe, le syndicat des internes des hôpitaux de Paris a lancé un appel à témoignages : en 48 heures, ils n'ont cessé d'affluer sous le hashtag #MeTooHopital. Parmi les remarques entendues, on en trouve qui donnent la nausée : "Tu t’es changée pour la salle d’opération, mais j’aurais préféré que tu viennes nue", "tu es débile, mais par contre ta bouche est probablement performante pour tailler des pipes", ou encore "c'est ton mari qui doit se régaler" après avoir tiré sur la queue-de-cheval d'une infirmière.

C'est Docteur Zoé sur X (ex-Twitter) qui a montré l'exemple, avec un post choquant publié ce week-end. Dedans, elle raconte ce qu'elle a pu voir quand elle était en stage : "Un cadre demandait aux étudiantes qu'il considérait comme les plus belles de ramasser un stylo et parfois, il saisissait leur tête pour la coller à son pubis", "Au service, il y avait un médecin qui était un agresseur notoire. Il était connu pour toucher les parties intimes des étudiantes, parfois les plaquer contre des murs et les embrasser de force".

Elle raconte aussi une de ses agressions :"Il était avec un de ses amis, il m'a dit qu'il fallait récupérer du matériel, m'a emmené dans une pièce, m'a dit d'y rentrer, s'est engouffré derrière, a fermé la porte et a baissé son pantalon. J'ai hurlé, j'ai vraiment cru qu'il allait me violer".

Le silence régnait jusqu'alors dans les couloirs d'hôpitaux

Si dans certains domaines, les victimes se taisent de peur qu'on ne les croie pas face à des figures dites "intouchables", dans le milieu de l'hôpital, c'est encore plus compliqué. L'omerta est très forte, car les équipes, très soudées, "exercent une grosse pression pour que rien ne sorte". Pendant les études de médecine, le bizutage extrême et très violent a aussi un fort impact sur le comportement des futurs médecins.

Cécile Andrzejewski, journaliste, auteure de Silence sous la blouse, explique également cette omerta par le dévouement qui anime une partie du personnel. Elle explique : "Imaginons une femme qui travaille dans un service d’oncologie pédiatrique, qui voit des enfants malades, elle va se dire : "oui, mon chef me met des mains aux fesses mais par rapport à ce que vivent mes patients ce n’est pas si grave". Il y a une espèce d’abnégation, à l’hôpital depuis des années".

Espérons que cette libération de la parole fasse avancer les choses et rende le milieu hospitalier plus sûr pour les femmes qui y travaillent.

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