Le mythe de la Superwoman, et si on arrêtait de croire tout ce qu’on dit sur Instagram ?
Tradwives, femmes à l'intérieur parfaitement rangé, girl boss à qui tout semble réussir. Sur les réseaux sociaux, une nouvelle figure féminine gagne en popularité depuis plusieurs années : la Superwoman, une femme accomplie, qui a une vie parfaite. Mais sous le vernis léché des posts Instagram se cache souvent une réalité qui est toute autre, mais ça, on n’en parle pas et pire, on finit par culpabiliser les femmes de ne pas être cette "girl of Instagram". On décrypte.
Écrit par Juliette Gour le
Maison parfaite, tenue impeccable, enfants propres et sages, une carrière florissante... Sur Instagram, les profils de Superwoman ne manquent pas. Ces femmes, idéales sur le papier, font évidemment fantasmer le monde entier. Mais derrière ce phénomène se cache aussi une grande culpabilité, pas tant pour les influenceuses "perfect life" mais plus pour le public. Pour beaucoup, ces femmes sont un idéal à atteindre, mais on oublie parfois trop facilement qu'Instragram ne reflète pas toujours la réalité. Pire, certaines internautes se pourrissent presque la vie à vouloir atteindre cet idéal plutôt utopique.
Heureusement, il y a d'autres créateurs de contenus qui déculpabilisent sur la question. Louise Chabat, thérapeute au 135k followers, partage au quotidien du contenu décomplexant, montrant la vraie vie, les vraies difficultés et les petits down du quotidien. Entrepreneuse, pour elle, la maternité a été un game changer. Elle a compris qu'elle ne pouvait pas être sur tous les fronts et que la vie ne ressemble pas toujours à ce que l'on voit sur les réseaux sociaux.
Nous avons eu la chance d'échanger avec elle sur son parcours, mais aussi (et surtout) sur la nécessité de déconstruire ce mythe de la Superwoman qui culpabilise les femmes au quotidien.
"La réussite des femmes dépend de l'investissement de leur partenaire à la maison"
Dans ce grand fantasme de la femme guerrière, on a tendance à oublier qu'une famille ne repose pas seulement sur les épaules d'une femme. Même si les choses avancent, les questions relatives à la famille reposent toujours sur les épaules des femmes.
"Faut arrêter de croire qu'on réussit tout seul (...) la réussite des femmes dépend de l'investissement de leur partenaire à la maison. Si vous avez un partenaire qui vous abandonne, qui ne prend pas sa part des tâches, qui ne vous soutient pas, ce sera très difficile de réussir."
Pour Louise Chabat, il est plus qu'urgent de déconstruire toutes les croyances autour de la self-made woman. Si internet loue les femmes qui se "construisent seules", dans les faits, il reste très compliqué de tout gérer seule, sans crouler sous la charge mentale. Il paraît donc essentiel aujourd'hui de remettre l'église au centre du village en rappelant - à juste titre - qu'une famille se gère à deux et que le fondement même d'un couple, c'est l'entraide entre les partenaires et ce, qu'on soit "girl boss ou femme au foyer".
"Je suis dépitée de l'image qu'a la société des femmes au foyer"
Cette surmédiatisation des superwomen fait également du mal à toutes les femmes qui ont fait le choix de s'occuper de leur famille. La société a encore beaucoup de mal à accorder du crédit aux femmes au foyer et pour cause, on les considère comme fainéantes, pas modernes et totalement à la merci de leur famille. Pourtant, selon une étude IFOP, les femmes prendraient 64% des tâches ménagères et 71% des charges parentales. Un travail à plein temps donc, qu'il est plus que temps de reconnaître. Mieux, en 2018, une étude menée par la marque américaine Welch's estimait que le planning hebdomadaire des femmes au foyer équivalait à 98h de travail.
S'il est évident que pour les femmes ayant un travail, la charge est double, l'idée n'est pas de valoriser l'une pour dévaloriser l'autre. "C'est le boulot le plus dur au monde en fait" et Louise Chabat n'a pas tort lorsqu'elle dit ça.
"Comme on est dans une société où la productivité est la valeur principale, quand on ne produit rien, quand on ne produit pas d'argent, on n’est pas considéré."
Le problème viendrait donc de là, de la conception de la société en fonction des valeurs mercantiles et capitalistes qui nous poussent à croire qu'une personne qui ne fait "rien", qui n'a aucune activité professionnelle au sens propre du terme est une personne sans valeur. Il est donc essentiel aujourd'hui de reconstruire une nouvelle image de cette femme qui fait le choix de rester auprès de sa famille, qui est tout aussi valable que celui des femmes qui font le choix d'avoir une carrière.
"Le plus dur pour moi en tant que femme quand j'ai eu un enfant (...) ça a été de ralentir"
L'autre versant négatif de cette image de la superwoman, c'est qu'elle pousse les femmes à vivre en permanence dans la culpabilité : celles qui font le choix de rester à la maison culpabilisent de ne pas avoir une carrière et celles qui font le choix d'avoir une carrière culpabilisent de ne pas être auprès de leur famille. Dans un cas comme dans l'autre, les femmes sont en permanence jugées - choses qui n'arrivent pas, ou peu, aux hommes.
Pour Louise Chabat, l'entrée dans l'univers de la parentalité a changé énormément de paramètres dans son quotidien. En bonne "Girl Boss" elle était partie du principe qu'elle pourrait tout faire, mais s'est rapidement rendu compte que ce n'était humainement pas faisable. "J'ai fait de multiples burn-out et je me suis rendu compte que je ne pouvais pas tout faire". Cette prise de conscience n'est pas évidente et peut également être la source de craintes et de culpabilité.
Le secret - s'il existe - c'est de continuer à déconstruire toutes ces images idéalisées qui nous inondent au quotidien. C'est là que les comptes comme celui de Louise sont essentiels, car ils permettent d'offrir une autre vision aux femmes, une vision moins idéale mais finalement plus proche de la réalité.