L’affaire des viols de Mazan : “Les violeurs sont des Monsieur tout le monde”

C'est un calvaire qui a duré 10 ans. Pendant 10 ans, une femme a été la victime de son époux qui la droguait régulièrement avant de la laisser se faire violer par des hommes dans leur lit conjugal. On croirait le scénario d'un thriller d'épouvante, pourtant c'est la vraie vie et c'est arrivé dans le Vaucluse.

Écrit par Juliette Gour le

C'est l'affaire qui, en 2021, a secoué la France tant elle est sordide. L'histoire d'un mari, Dominique P, aujourd'hui jugé à la cour criminelle départementale du Vaucluse qui a, pendant 10 ans, drogué et livré sa femme à des dizaines d'hommes. Sans le savoir - car droguée - l'épouse a subi originaire de Mazan a subi des dizaines de viols à répétition. L'homme postait des petites annonces sur des forums libertins et proposait sa femme à d'autres hommes. Au total, ce sont aujourd'hui 50 hommes qui sont jugés aux côtés du mari, des "monsieur tout le monde" qui ont violé l'épouse à 92 reprises (au moins).

Comment la police a-t-elle démasqué l'époux ?

Si cette sombre affaire de viols à répétition a été découverte, c'est un peu grâce au hasard. Les enquêteurs ne se doutaient pas qu'enarrêtant un homme surpris en train de filmer sous les jupes des clientes au supermarché de Carpentras, ils allaient ouvrir une sombre boîte de Pandore.

C'est en fouillant dans son téléphone pour retrouver des preuves que les policiers sont tombés sur des indices laissant penser que l'homme n'en était pas à son coup d'essai. C'est lors de la perquisition du domicile du suspect que la police a découvert les vidéos de viols à répétition mais également des centaines de photos

Une mémoire qui fait défaut et soumission chimique

Le plus effrayant dans cette affaire, c'est que l'épouse ne semble avoir aucun souvenir de ce qu'elle vivait au quotidien. Étant sous l'emprise de médicaments, elle était plongée dans un profond sommeil artificiel qui coupait la totalité de ses réflexes. Elle n'était alors plus qu'un corps inanimé, à la merci de ses agresseurs.

C'est la police qui a tout raconté à la victime qui a découvert 10 ans de tromperie et 10 ans de soumission chimique. Elle a depuis déménagé en région parisienne et s'est éloignée autant que possible de son époux.

Ce dernier a de nombreux chefs d'accusation contre lui : complicité de viol avec circonstances aggravantes, administration d'une substance de nature à altérer son discernement, atteinte à la vie privée et diffusion d'images violentes. Au fil de l'enquête, la police s'est également rendu compte que l'époux avait aussi diffusé des photos de sa fille, inconsciente et en sous-vêtement, ainsi que des vidéos de ses belles filles, filmées à leur insu. Il est également soupçonné d'avoir violé et drogué une autre femme, rencontrée sur Internet.

Des profils variés, qui prouvent que le danger peut-être partout

Outre l'atrocité des faits de façon globale sur cette affaire, ce que l'on remarque lorsque l'on observe les auteurs des viols (dont 50 d'entre eux sont jugés en ce moment en septembre 2024), c'est qu'il n'y a pas réellement de profil type. Ce sont des hommes de tout âge, de toutes situations socioprofessionnelles, loin de l'image que l'on se fait du "parfait violeur". 

C'est Giulia Foïs, dans son livre "Je suis une sur deux", qui utilisait cette distinction du bon viol versus le mauvais. Le "bon viol" c'est celui que l'on subit dans un parking sous terrain lorsque l'on tombe sur un mec glauque. Le mauvais, c'est quand ça se passe dans l'intimité du foyer et que le violeur est un proche.

Ainsi, la société s'est fait une idée de ce à quoi doit ressembler un agresseur sexuel. Sauf que ce procès nous montre bien qu'il n'y a en réalité pas de profil type. Si la majorité des auteurs des viols ont été placés en détention provisoire avant leur procès, on retrouve dans le lot d'anciens pompiers, électriciens, retraités, journaliste, militaire et même un surveillant de prison. Si certains avaient déjà été condamnés pour faits similaires, la grande majorité des accusés sont inconnus de la justice.

Pourtant, de nombreuses voix féminines s'élèvent depuis quelques années pour essayer de changer cette perception que l'on a du "bon petit violeur". Giulia Goïs, Camille Kouchner, Véronique Le Goaziou (avec "Le viol. Sociologie d'un crime"), elles sont pourtant nombreuses à essayer de changer cette perception type que l'on a du parfait criminel, mais rien n'y fait. Que ce soit les accusations de PPDA ou le mouvement #MeToo, on imagine toujours qu'un violeur, c'est forcément un homme louche, qui porte le crime sur son visage. 

Ce que montre l'affaire des viols de Mazan, au-delà même de l'absence de profil, c'est que de nombreux hommes attendent simplement l'opportunité pour passer à l'acte. Toute personne sensée aurait dû dénoncer l'époux, mais beaucoup ont simplement fait le choix de profiter de la situation. Cela prouve non seulement que la question du viol n'a pas le même poids de gravité pour tout le monde, mais qu'il a surtout été banalisé. Dans cette affaire, certains ont justifié les viols en disant qu'ils ne savaient pas que la victime était endormie et que son inactivité était sûrement l'expression d'un fantasme. D'autres ont avoué que, vu que l'épouse était mise à disposition par le mari (et que ce dernier avait évidemment tous les droits sur elle) ce n'était pas réellement du viol.

Une épineuse affaire donc, qui prouve que la culture du viol a encore de beaux jours devant elle et qui nous rappelle la nécessité d'éduquer, encore et toujours, sur la question, pour éviter que de nouvelles femmes se retrouvent victimes. 

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Juliette Gour

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