Ces choses toujours d’actualité dont on ne soupçonne même pas la misogynie

8 mars, jour de manifestations et de revendications. Pourquoi ? Parce qu'en 2022, les inégalités sont toujours légion, l'absence de parité gangrène la société et de nombreuses choses, même invisibles, restent inégales. La preuve par 7.

Écrit par Juliette Gour le

On pourrait penser qu'en 2022, le chemin a été fait sur la question de la parité et que les droits pour les femmes ont été acquis. Pourtant, le 8 mars, elles (et ils) sont toujours plus nombreux à hisser leurs couleurs (le violet) et à brandir des pancartes dans toutes les villes de France et de Navarre. Si une amazone sommeille en chaque femme, ce n'est pas pour rien, car la société rappelle, chaque jour que Dieu fait, ô combien c'est dur d'être une femme en 2022. C’est dur en France, mais c'est également dur dans le monde entier. 

Le 8 mars, on ne peut s'empêcher de penser à ces sœurs qui ont perdu le droit à l'avortement, celles qui n'ont pas le droit de travailler sans l'autorisation de leurs maris ou celles qui vivent dans des milieux hostiles aux femmes et à leurs droits. Un simple coup d'œil à un épisode de La servante écarlate, une série tirée de l'œuvre de Magaret Artwood, nous permet de prendre conscience que le combat est toujours nécessaire et que Simone de Beauvoir avait raison quand elle disait "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant."

C'est en ça que le combat est essentiel, parce que les droits sont fragiles et qu'ils peuvent facilement être menacés. Heureusement, des battantes et des femmes savantes, comme Lauren Bastide, Victoire Tuaillon, Fiona Schmidt, Rokhaya Diallo et tant d'autres, se battent au quotidien pour faire entendre la voix des femmes. C'est nécessaire, car il existe encore un sexisme institutionnel, intégré et presque caché qui a, directement et indirectement, un impact plus ou moins invasif sur le quotidien des femmes en France et dans le monde.

Ces petites choses qui n'ont l'air de rien, il faut aussi les combattre et les déraciner, d’un coup sec et fort, pour qu'elles arrêtent de gangrener le quotidien de toutes les femmes.

Et, s'il est évident que "le féminisme n'existe pas que le 8 mars", comme le dit si bien Lauren Bastide dans son podcast La Poudre, cette journée est l'occasion parfaite pour une piqûre de rappel. 

Voici la preuve par 7 qu'il existe encore un sexisme normé et intégré dans notre société. 

Les Éclaireuses

Le droit de vieillir : La non-représentation des actrices d'âge mûr

Dans la série des pressions qui sont imposées aux femmes, il y a évidemment la pression du physique qui est toujours aussi présente. Outre les injonctions qui nous poussent à être toujours plus minces, toujours plus maquillées et toujours plus apprêtées, il y a également la question de la jeunesse éternelle qui est souvent ramenée sur le tapis des obligations féminines.

Pour preuve, une étude menée par OKCupid en 2014 mettait bien en valeur le fait que, pour une majorité d'hommes, une femme est périmée après 24 ans : les attentes des hommes n'évoluent pas et ils sont toujours attirés par les jeunes femmes fraîches (et si possible un peu naïves). 

Ce goût pour la jeunesse éternelle a un impact direct sur les femmes : il nous pousse à toujours avoir la peur de vieillir et nous met en rivalité avec les femmes plus jeunes. Indirectement, il y a également un réel impact qui se manifeste par l'absence de représentation des femmes mûres dans les œuvres cinématographiques. Le sujet a fait débat, il y a quelques mois, lorsque bon nombre de spectateurs se sont insurgés sur le casting du film Eiffel, jugeant Emma Mackey trop jeune par rapport à Romain Duris.

Cette polémique a soulevé un problème plus large qui englobe la représentation des femmes d'âge mûr dans les œuvres cinématographiques. Comme si, passé 35 ans, les femmes n'avaient plus droit au chapitre et étaient considérées comme trop vieilles pour passer à l'écran (sauf quelques exceptions comme Meryl Strip). Par exemple, dans Dune, Rebecca Ferguson, qui joue la mère de Thimothée Chalamet (26 ans) a à peine 38 ans, idem dans Uncharted où l'actrice qui joue la mère de Tom Holland n'a même pas 40 ans. 

Ce biais de représentation des femmes "âgées" et des mères dans le cinéma (américain) prouve bien qu'il y a toujours un problème de perception (pour ne pas dire de persécution) autour de la question des femmes qui vieillissent.

Heureusement, il y a certaines actrices qui, comme une bouffée d'air frais, permettent d'envoyer valser les concessions et prouvent, avec brio, que quelques rides et quelques cheveux blancs ne font pas perdre toute la crédibilité d'une actrice. En vrac, on pense à Philippine Leroy-Beaulieu qui, dans Emily in Paris, prouve que la vie des femmes ne s'arrête pas à 40 ans ou encore à Tilda Switon qui, par son talent, a su se créer une image intemporelle à l'abri des signes du temps. 

Les crash-tests de voitures ne sont pas pensés pour les femmes

Le sexisme intégré peut coûter cher, surtout aux femmes. À cause d'habitudes et de vieilles conventions, certaines choses restent plus dangereuses pour les femmes que pour les hommes. Par exemple, les voitures, non pas parce que les femmes conduisent moins bien, mais bien parce que les crash-tests ne sont pas pensés pour les femmes. En 2019, le Guardian publiait une étude qui met en lumière les dangers liés à l'absence de tests adaptés pour les femmes lors des contrôles de sécurité des voitures. L'ensemble des normes de sécurité dans une voiture sont établies pour des humains de 70kg en moyenne. 

Cette non-considération des gabarits féminins lors des tests de sécurité des voitures a un véritable impact : les femmes ont 73% plus de risques d'être blessées lors d'un choc frontal en voiture (et si ce n'est pas le choc qui les blesse, ce sera les airbags, réglés pour être adaptés à une personne d'1m75 et d’au moins 70kg). Et, même si les responsables des accidents en Europe sont en majorité des hommes (76% des accidents), cela ne justifie pas pour autant l'absence de considération des gabarits féminins lors des tests de sécurité.

La température moyenne dans les bureaux

La non-considération des femmes dans l'espace public est un vrai dossier. Encore que, la France est loin devant certains autres pays et il ne faut pas l'oublier. Cependant, le monde du travail reste parfois hostile, à bien des égards, pour les femmes. Une étude de mars 2021 menée par le collectif #StOpE, relevait le fait que 8 femmes sur 10 ont déjà souffert de sexisme "ordinaire" au travail. Cela passe évidemment par des blagues plus ou moins potaches, des considérations de capacités liées au genre, mais aussi (et surtout) par l'environnement. Il y a d'ailleurs un point qui n'est pas assez soulevé, mais qui a pourtant un fort impact sur le confort des femmes dans les lieux de travail : la température moyenne des bureaux. Car, si les bureaux sont, depuis les années 60, climatisés, la température est seulement adaptée aux hommes. De savants calculs ont été faits, depuis longtemps déjà, pour établir la température parfaite de la clim, sauf que la température se base exclusivement sur les besoins physiologiques des hommes. Le problème, c'est que naturellement, les femmes ont besoin d'un environnement plus chaud que les hommes. Cette non-considération induit l'idée que les bureaux et les lieux de travail n'ont pas été pensés pour des personnes appartenant à la gent féminine. 

Moralité : Les calculs n'étant pas bons (Kévin), il est grand temps de réévaluer les températures moyennes dans les bureaux ou de bannir la climatisation pour le confort des femmes et, surtout, le bien de la planète. 

Le sexisme médical, une réalité trop peu évoquée

Très ancrée dans l'actualité, la question du sexisme médical est pourtant encore trop peu évoquée dans les médias. Pourtant, ce ne sont pas les études et les preuves qui manquent sur la question de la non-considération des sujets féminins lors des phases de tests médicamenteux ou pour tout ce qui concerne la prise en charge des patientes dans le milieu médical. Une étude de l'université de McGill, à Montréal, a pourtant quantifié la différence de prise en charge des patients en fonction de leur genre : face à certaines pathologies, comme les infarctus, les médecins, en premier diagnostic, auront tendance à considérer qu'une femme fait une crise d'angoisse plutôt qu'un malaise cardiovasculaire. Cette minimisation des symptômes chez les femmes entraîne souvent des retards de diagnostics qui sont, en moyenne, d'une heure et trente minutes. Ce retard a tendance à être fatal pour les femmes : en cas d'infarctus avant 50 ans, le taux de mortalité des femmes est deux fois supérieur à celui des hommes. Passé 65 ans, les femmes ont 20% de chances en plus de mourir à la suite d’un incident vasculaire.

Ces retards sont liés à une méconnaissance des symptômes spécifiquement féminins, mais découlent également d'un manque de considération des spécificités exclusivement féminines dans les études médicales. Typiquement, l'impact sur le système endocrinien féminin n'est que très peu testé en cas de traitement ou de vaccin visant à servir l'ensemble de la population (même en cas de tests sur les animaux, ils sont en priorité menés sur des animaux mâles plutôt que sur des femelles). Résultat : un retard s'est accumulé dans la médecine à cause de la différenciation systémique et il faudra de nombreuses années avant de rééquilibrer les recherches pour les rendre plus paritaires et égalitaires. 

Les sportives moins payées que les sportifs 

Si la question des salaires est toujours un épineux point dès qu'il est question de parité, celui des salaires des sportives de haut niveau est également une question épineuse. Si, il y a quelques semaines, la ligue nationale de football américain a décrété que les joueurs et les joueuses seraient désormais payés pareil, ce n'est malheureusement pas le cas de toutes les sportives de ligues professionnelles. À titre de comparaison, une joueuse de Ligue 1 est, en moyenne, payée 37 fois moins qu'un homme.

Dès que la question des différences salariales est posée, de nombreuses fédérations jouent la carte du revenu publicitaire et de la popularité auprès du public. Les compétitions féminines étant moins médiatisées, les revenus pour les clubs, mais également l'attrait du public sont plus faibles, par conséquent, les revenus sont moins élevés que pour les hommes.

Mais, si justification il y a, ce n'est pas pour autant qu'elle tient la route. Les sacrifices sont même peut-être encore plus grands pour les femmes qui souhaitent intégrer le milieu professionnel et toutes les fédérations ne permettent pas d'en faire une activité principale (notamment à cause des bas salaires). Pourtant, le sport féminin étant de plus en plus valorisé et médiatisé, il sera bientôt nécessaire de se pencher réellement sur la question des salaires pour ne pas (plus) laisser les écarts se creuser.

Sous-représentation des femmes dans les médias

Si le monde du digital a permis aux femmes de se faire une place dans le paysage médiatique, les médias institutionnels restent, eux, majoritairement masculins. En 2021, seuls 24% des intervenants dans les journaux, à la télévision ou à la radio étaient des femmes. La France n'est malheureusement pas un cas à part. Une vaste étude a analysé les médias et la présence médiatique des femmes dans près de 144 pays et elles restent tristement minoritaires, quelle que soit la nation. Les femmes sont donc institutionnellement boudées dans les médias de premier plan, sauf lorsqu'il est question de "sujets de femmes", à savoir la garde d'enfant, le fonctionnement du foyer ou les tâches ménagères.

Cette invisibilisation des femmes dans l'espace médiatique renforce toujours plus l'idée que la voix des femmes ne compte pas autant que celle des hommes et que leur place n'est pas sur les plateaux télé. En apportant un équilibre sur la représentation et le temps de parole, on arrivera, petit à petit à réduire l'invisibilisation et l'absence de considération des avis féminins. 

La "taxe rose", une réalité toujours bien en place

Payer des rasoirs plus chers parce qu'ils sont roses, des déodorants ou même du dentifrice, voici la réalité financière des femmes. En moyenne, les produits d'hygiène sont 13% plus chers pour les femmes que pour les hommes. Selon une étude menée en 2012, le magazine Forbes estimait qu'être une femme coûtait, en moyenne, 1287€ de plus par an et par femme en ce qui concerne les produits d'hygiène globale. Et même si, globalement, les femmes ont plus tendance à acheter de produits d'hygiène ou de beauté que les hommes, la différence des prix en fonction du genre du produit reste réelle. 

La question du marketing genré est dans l'actualité depuis quelques années déjà, pourtant, aucune vraie solution n'a été apportée par les différents gouvernements pour encadrer les prix des produits. 

La seule avancée notable, en 2022, est sur la TVA des protections périodiques qui a été réduite à 5,5% par une loi en 2016 (auparavant, la TVA sur ces produits était de 20%). C'est un petit pas pour la femme, mais qui reste encore trop léger face à la montagne d'inégalités tarifaires encore en vigueur dans la grande distribution et ça concerne aussi bien les vêtements (8% plus cher chez les femmes), que les jouets pour enfants (7% plus cher dans les rayons féminins).

C'est pour toutes ces raisons (et bien plus encore) que la lutte féministe pour l'égalité des genres est plus que nécessaire.

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