Iran : Elnaz Rekabi, menacée par le gouvernement pour avoir concouru sans voile en compétition
Dimanche 16 octobre, Elnaz Rekabi, grimpeuse iranienne, participait aux championnats d'Asie d'escalade à Séoul, en Corée du Sud. Solidaire avec ses sœurs iraniennes, la jeune femme a décidé de concourir sans hidjab. Elle semble aujourd'hui être soumise au silence par le gouvernement iranien.
Écrit par Juliette Gour le
Les semaines passent et la situation ne semble pas se calmer en Iran, bien au contraire. Si les manifestations continuent de déchirer le pays, des actes de solidarité sont observés aux quatre coins du monde, mais surtout, dans chaque sphère de la société iranienne. Dernier acte en date, celui de Elnaz Rekabi, une championne d'escalade iranienne qui, le 16 octobre dernier, a participé aux championnats d'Asie d'escalade à Séoul. Affront ultime, la jeune femme s'est présentée, pour son passage lors de la compétition, sans voile, les cheveux apparents. Cet acte est interdit par le règlement religieux qui s'impose aux sportives de haut niveau, et ce, même si elles sont en compétition dans un autre pays.
Le geste n'a pas l'air d'avoir plu aux autorités religieuses - déjà bien préoccupées depuis la mort de Mahsa Amini, le 16 septembre dernier. Depuis son retour présumé à Téhéran, la sportive est portée disparue. Selon plusieurs sources (dont la BBC et Iran Wire), la jeune femme aurait été interpellée à son retour en Iran par le gouvernement. Les autorités lui auraient potentiellement saisi son téléphone et son passeport avant de lui "donner une leçon". Certains de ses proches ont également déclaré à la BBC ne pas voir réussi à joindre la sportive, ce qui laisse craindre un éventuel emprisonnement.
L'ONU, très préoccupée par la situation d'Elnaz Rekabi
Si le gouvernement iranien se veut rassurant sur la situation de la sportive, l'ONU paraît plus préoccupée par la situation.
"Nous sommes au courant de cette affaire et nous la suivons de près. Des inquiétudes sont également soulevées auprès des autorités. Ce que nous devons souligner, c’est que les femmes ne devraient jamais être poursuivies pour ce qu’elles portent. Elles ne devraient jamais être soumises à des violations telles que la détention arbitraire ou toute forme de violence au regard des vêtements qu’elles portent. Nous suivrons ce dossier de très près", a déclaré Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Droits de l'Homme.
Nouvelle figure du mouvement de contestation iranien
Si les médias ne semblent aujourd'hui plus avoir de nouvelles de la championne, son retour en Iran a pourtant été une vraie fête. De nombreuses personnes attendaient le retour d'Elnaz Rekabi à l'aéroport de Téhéran pour saluer son geste.
La sportive a eu le temps de s'entretenir avec la presse à son arrivée sur le sol iranien. La version officielle des faits est que son hidjab aurait malencontreusement glissé lors de la compétition et qu'elle n'était pas en mesure de le remettre. Après son arrivée, Elnaz Rekabi a posté un étrange message sur Instagram qui met en avant le fait qu’elle ne défierait jamais le régime iranien. Pour le groupe Iran Human Rights, basé en Norvège, il est fort possible que le message ait été écrit sous la contrainte.
Le gouvernement a l'air d'être prêt à tout pour donner l'exemple et éviter que d'autres athlètes reproduisent le geste d'Elnaz Rekabi. La dernière fois qu'une femme avait osé participer à une compétition officielle sans hidjab, c'était en 2019. Sadaf Khadem, boxeuse professionnelle, s'est depuis exilée en France.
Malgré la potentielle répression que devrait subir Elnaz (comme toutes les autres femmes qui osent défier le régime), la jeune femme n'en reste pas moins un symbole et le visage d'une population lassée d'une politique basée sur la peur et où la police des mœurs semble avoir tous les droits (même celui de tuer une femme parce que ses cheveux sont trop visibles).
Les Éclaireuses