Hair story : comment la coupe à la garçonne à changé l’histoire des femmes
La coupe à la garçonne est bien plus qu'une simple coupe de cheveux. Depuis les années 1920, elle incarne un symbole d’émancipation pour les femmes. Aujourd'hui encore, elle continue de secouer la société patriarcale. Focus sur cette coupe iconique.
Écrit par Camille Croizé le
"Cheveux longs ou cheveux courts ?". Voici un dilemme qui a toujours préoccupé l’esprit des beauty addicts. Si aujourd’hui les deux choix sont à peu près respectés dans notre société qui conserve (encore) un esprit patriarcal, autant vous dire qu’à l’époque les choses n’étaient pas pareilles. Porter les cheveux courts dans les années 1920 était carrément un acte de rébellion contre les normes de beauté dictées par les hommes.
Plus encore, c’était en réalité une insulte frontale au patriarcat. L’histoire de cette coupe de cheveux, initialement adoptée par les hommes, est tout simplement incroyable. Au même titre que le port du pantalon, celui de la chemise blanche ou encore et l’abandon du corset, se couper les cheveux très courts était une manière pour les femmes de s’émanciper à l’époque. Focus sur ce mouvement dont la seule limite fut, comme d’habitude, les hommes.
La garçonne : bien plus qu’une simple coupe de cheveux
La coupe à la garçonne est bien plus qu'un simple style de coiffure. Elle symbolise en réalité une révolution culturelle qui trouve ses racines dans les années 1920, au cœur d'une période de bouleversements sociaux et esthétiques. Loin d'être une simple tendance de mode, elle incarne une rupture avec les normes patriarcales de l’époque.
La garçonne, représentée par des figures comme Chanel ou Joséphine Baker, exprime un rejet des conventions liées à la féminité, incarnées jusque-là par des coiffures longues et sophistiquées. Le terme « garçonne » lui-même est chargé de connotations ambiguës et subversives. Inventé par Joris-Karl Huysmans, il associe la féminisation du mot « garçon » à l'idée de la « garçonnière », évoquant à la fois indépendance, sexualité et scandale.
Le roman La Garçonne de Victor Margueritte, publié en 1922, a joué un rôle central dans la diffusion de cette figure mythique. Ce livre, accusé d'immoralité (bah voyons) par les conservateurs de l’époque, montre à quel point la garçonne n’est pas seulement une mode capillaire ou vestimentaire, mais un véritable défi lancé aux structures sociales traditionnelles.
Margueritte dépeint une héroïne bisexuelle, transgressive et émancipée, une vision qui scandalise la France d’après-guerre, encore fortement attachée aux valeurs natalistes et à la morale chrétienne. La coupe de cheveux, qui accompagne cette révolution, devient alors un symbole de cette femme moderne, refusant les carcans imposés par une société patriarcale figée dans ses attentes.
Une coupe qui lutte pour l’émancipation sexuelle des femmes
La coupe à la garçonne est intimement liée à l'émancipation sexuelle des femmes, tant dans sa représentation que dans son adoption massive dans les années 1920. Couper ses cheveux courts, pour une femme de l'époque, ne se limitait pas à un acte esthétique, mais marquait un rejet conscient des normes de genre.
En se libérant des longues chevelures et entre autres du corset - symbole d’une féminité restreinte et contraignante -, la garçonne revendique la maîtrise de son corps et de sa sexualité.
À l’époque, le corps de la garçonne est volontairement androgyne, presque effacé dans ses caractéristiques féminines. Cette silhouette filiforme, poitrine bandée, bras et jambes dévoilés, devient l’emblème d’une nouvelle esthétique féminine, libre des injonctions patriarcales qui l’assignaient à une sensualité réductrice et passive.
La garçonne rejette les rondeurs associées à la maternité et donc à la reproduction (autant vous dire que J.D. Vance est typiquement le genre d’homme qu’elle aurait détesté). En bref c’est un geste perçu comme une attaque directe contre l'ordre social (vraiment des meufs capables).
Derrière cet acte apparemment simple de se couper les cheveux, se cache une volonté de s’émanciper du rôle traditionnel de la femme qui dépendait entièrement de l’homme. Voilà pourquoi il n’y a rien d’étonnant au fait que la la trend “tradwife” - qui a explosé cette année sur Tiktok - ait tant fait polémique.
Évidemment, la coupe à la garçonne, qui abolit la frontière entre les genres, est ainsi vue comme une provocation, une menace pour l'ordre établi (qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre quand même). Le roman La Garçonne exacerbe cette vision en présentant une héroïne qui expérimente sa sexualité en dehors des normes hétérosexuelles dominantes, la coupe de cheveux devenant alors un symbole d'une liberté sexuelle assumée et affichée.
Une coiffure qui libère la femme des injonctions patriarcales
En coupant leurs cheveux, les femmes des années 1920 marquent leur refus des injonctions patriarcales qui dictaient non seulement leur apparence, mais aussi leur rôle dans la société. La coiffure à la garçonne est l'une des premières manifestations visibles de cette rébellion contre un système qui voulait les confiner dans une image stéréotypée de douceur, de soumission et de maternité. En adoptant cette coupe, elles se distancient de l’image de la femme traditionnelle, qui devait être docile et conforme aux attentes de la société masculine.
Un mouv' qui a mis le patriarcat en sueur
Nous le savons bien, l’androgynie de la garçonne, qui brouille les lignes entre les sexes, a depuis toujours provoqué une anxiété dans les milieux conservateurs. Le mythe de l’éternel féminin, qui glorifie la douceur et la soumission maternelle, est directement remis en question par cette figure nouvelle. Les mots d’ordre ? Liberté, dépassement de soi (notamment en se mettant à la pratique du sport) et indifférence aux conventions.
Les critiques de l’époque accusent même la garçonne de déviriliser les hommes (et nous levâmes les yeux au ciel), inversant ainsi les rôles traditionnels de genre, ce qui alimente des discours réactionnaires sur la perte des repères dans une société en pleine transformation.
La garçonne ne se contente pas de défier l’ordre patriarcal à travers son apparence : elle remet en question les fondements mêmes de la société, notamment en termes de genre et de sexualité. Cette coupe, en apparence anodine, représente un profond bouleversement social.
Petit reminder : dans ces années-là, les femmes n’avaient pas encore le droit de vote ni celui de porter le pantalon. Comment vous dire que cette coupe est clairement devenue un symbole tangible de rébellion et d’émancipation.
Un symbole adopté par de nombreuses célébrités
Le fait que des figures comme Marlène Dietrich, Greta Garbo ou encore Louise Brooks - des icônes du cinéma des années 1920 et 1930 - adoptent ce style, a contribué à renforcer encore son impact en popularisant cette nouvelle esthétique. Leur allure androgyne, séduisant à la fois hommes et femmes, devient une forme d'émancipation visuelle, une nouvelle norme qui, paradoxalement, impose de nouvelles contraintes tout en libérant des anciennes.
Ainsi, la coupe à la garçonne s’inscrit dans une lutte plus vaste pour la libération des femmes des injonctions patriarcales, devenant un symbole de leur droit à disposer de leur corps, à vivre leur sexualité de manière autonome, et à définir leur propre identité.
Ce geste apparemment simple est en réalité un acte politique puissant qui continue de résonner un siècle plus tard. Scarlett Johansson, Zoé Kravitz, Cara Delevigne ou encore Chalize Theron : toutes l’ont adoptée. Miss France 2024, Éve Gilles, couronnée avec une coupe courte garçonne (une première dans l’histoire de ce concours), perpétue, elle aussi, cet héritage de révolte et de libération.
Et devinez quoi ? Malgré l’obtention de sa couronne de Miss,les haters se sont empressés de la harceler. C’est sa coupe de cheveux qu’ils ne jugeaient “pas assez féminine” qui est devenue une source de moqueries. De toute façon, il y a toujours quelque chose, c’est épuisant. Quand ce n’est pas la coupe de cheveux, c’est le poids - Selena Gomez malgré sa carrière impressionnante à, elle aussi, souffert de harcèlement et de body shaming.
Lorsque ce n’est ni l’un, ni l’autre, c’est carrément le genre (toujours plus) qui est remis en question. Imane Khelif, boxeuse algérienne, en est l’exemple parfait. Alors qu’elle venait de gagner la médaille d’or dans la catégorie des moins de 66 kg aux Jeux Olympiques de Paris 2024, les internautes l’ont harcelée, prétextant que sans maquillage elle ressemblait à un homme et qu’en réalité elle serait trans(non mais où va le monde ?).
Le patriarcat et la garçonne : une histoire de haine
Le patriarcat a toujours détesté la garçonne. Pourquoi ? Parce qu’elle échappe aux normes qu’on lui impose. On l’accuse de "masculiniser" les femmes, de déviriliser les hommes, bref, de brouiller les frontières du genre (no comment, la c*nnerie à son prime quoi). Et c’est là que c’est devenu politique.
Dans les années 1920, la coupe à la garçonne symbolisait l’inversion des rôles et la montée d’une peur de l’indifférenciation des sexes. Les conservateurs de l’époque voyaient dans cette coiffure un danger pour l’ordre social. Mais en réalité, ce qu'ils redoutaient vraiment, c'était (of course) l'émancipation féminine.
“Une coupe de cheveux de lesbienne”
Tu l’as probablement déjà entendu, ce cliché qui traîne encore : "Ah, les cheveux courts ? Ça fait lesbienne". Et alors ? Ce n’est pas un scoop que les femmes queer ont souvent utilisé la garçonne pour affirmer leur identité. Mais cette coupe n’a pas de sexualité. Elle appartient à toutes celles qui souhaitent affirmer leur liberté.
S’il y a un message à retenir, c’est que les cheveux ne devraient pas être une étiquette. Que l’on soit hétéro, queer, bi ou lesbienne, notre coupe de cheveux ne devrait jamais être une justification pour les préjugés des autres.