Kimono : la nouvelle pièce mode ultra désirable, rencontre avec le créateur de Baucis
Rencontre avec un créateur français émergent qui a fait du kimono sa marque de fabrique. Symbolique du vêtement, inspirations et icônes de mode, sourcing Made in France, droit sérieux et disco décadent... Cap sur un carnet de voyage fashion aux inspirations multiples.
Écrit par Téa Antonietti le
Née pendant l'été 2023, la griffe française Baucis est le projet du jeune créateur Thibault Bonnin qui s'est vu quitter l'univers sévère du droit et sa carrière d'avocat pour suivre sa vocation première : le design de vêtements. Mais pas n'importe quelle pièce du vestiaire : le kimono, un habit singulier d'origine japonaise dont la signification littérale : "chose à porter sur soi" fait écho à la vision Baucis : une lettre d'amour brute à un vêtement-armure aussi symbolique qu'amusant.
Une Fashion Week New-Yorkaise et une collection disco plus tard, Thibault Bonnin a plus que jamais trouvé son identité Baucis. Entre upcycling Made in France et volumes unisexes aussi urbains que raffinés, le tout taillé dans de sublimes étoffes choisies au coup de cœur... On n’a pas fini d'entendre parler des beaux kimonos de Thibault Bonnin, it-veste en devenir dans nos vestiaires en quête de pop soyeuse.
Les Éclaireuses : Peux-tu nous raconter ta rencontre avec le kimono en quelques mots ?
Thibault Bonnin : Mon enfance, ma mère, ma mère et encore ma mère ! Ça fait Romain Gary de Wish (rires). Ma mère m’a quasiment élevé toute seule, une véritable fashionista qui portait des kimonos à la maison. Une symbolique, je me revois petit garçon en train de regarder "The Mask" à côté de ma mère qui se balade dans la maison en musique, dans son kimono. Une image esthétique, une définition du beau ancré dans mon enfance, ma madeleine à moi.
L.E. : Comment un vêtement traditionnel devient un intemporel urbain résolument élégant ?
T. B. : Je trouve que le kimono a du panache. Si certains le portent du pyjama au déguisement, je veux dénicher sa niche. Le kimono reste authentique et chaque matière lui attribue une influence singulière :
- En jean brut ou en matelassé façon bombers, on obtient une allure très urbaine.
- En soie fine façon dandy.
- En velours aux influences disco.
Je n’ai pas de révérenciel mode en particulier, alors j’associe mes kimonos avec mes inspirations pop culture à moi. À commencer par de titres de films ou de livres pour nommer les premiers kimonos, de "Kill Bill" de Tarantino à "Jep" issu de "La Grande Bellezza" de Sorrentino. C'est l'ambition d’un projet culturel qui ne se pas limite pas au Japon, avec la volonté de le franciser et de s’amuser avec cette fusion franco-japonaise.
L.E. : Comment les gens portent le kimono à Paris VS à New York ?
T. B. : J’ai fait défiler ma première collection à la Fashion Week de New York en octobre 2023. À ce moment-là, je cherche encore mon identité mode, et c’est notamment avec mes références cinématographiques assez marquées, ma sensibilité au disco, que j’ai su trouver mon identité. Raconter une histoire. C’est en partie grâce au défilé de Brooklyn que j’ai eu cette envie de vriller vers du disco pour la prochaine collection.
Les New-Yorkais sont plus modeux, ils prennent plus de risques, ils aiment s’habiller. Le kimono est un risque en tant que tel. Pour le consommateur parisien classique, porter un kimono, c’est plus se déguiser que réellement le styler. C’est là qu’est ma prise de risque, prendre une pièce de mode dite « osée » et la dénicher.
Ma clientèle à New York est donc préexistante, à Paris, il y a tout à créer. Le Parisien, la Parisienne, est dans l’air du temps et aime suivre les dernières tendances aperçues dans le quartier, ou portées sur leur it-girl et autre icône mode préférée.
L.E. : On observe une myriade de motifs, matières, modèles… Comment décider ?
T. B. : Il a fallu que je réduise le nombre de modèles pour plus de clarté et de lisibilité dans ma collection. Faire ressortir le delta 70s – 90s, qui retrace réellement mon identité. De là, je pense aux matières que je veux employer : la soie épaisse pour plus de tenue, le velours, qui, par essence, nous transporte au côté disco…
L.E. : Tu as aussi lancé un pantalon et sa ceinture Obi. Quelle a été ton inspiration ?
T. B. : On a lancé un pantalon en tencel et sa ceinture sur mesure pour aller par-dessus. L’obi, ceinture du kimono, est la partie indispensable de l’habit, j’ai donc tenu à beaucoup travailler dessus. Tout est parti de celui porté par ma mère, qui apposait sur son kimono une ceinture large, massive, presque d’haltérophile !
Mais pour ne pas être trop cassante ni japonisante, au lieu d’opter pour le large, on a opté pour le long ! Entre 1m60 et 1m90, notre ceinture Obi en tencel match le pantalon signature, avec la vocation d’aller à tous les kimonos. Assez féminine, elle marque la taille et souligne la silhouette. On peut la porter à double tours comme la faire pendre, la croiser ou la superposer. Une multitude d’options pour jouer avec sans modération.
L.E. : Où est basé le sourcing de tes créations ?
T. B. : J’ai rencontré mon sourceur au salon Première Vision : Nona Source. Des soieries lyonnaises et du lin de Normandie issu de maisons de Couture LVMH. Je suis resté 2 heures à découvrir leurs matières avec une de leurs conseillères produit, à la fois en émerveillement enfantin comme en mode affinage réfléchi pour le produit fini. De cet échange, j’ai sélectionné 20 tissus pour finalement n’en choisir que 7.
L.E. : Tu as quitté le droit comme un pari de soi à soi, le kimono est-il un clin d’œil aux costumes d’avocats que tu portais en cabinet ?
T. B. : Quand j’étais en cabinet, j’avais une véritable obsession pour les costumes, auxquels j’associais toujours des cravates de toutes les couleurs. Le fait de ne plus être avocat, et par conséquent de ne plus mettre de costumes, a vraiment représenté une frustration pour moi.
Avec le kimono, mon uniforme de tous les jours a véritablement switché. La veste de costume et sa cravate se sont substituées à un kimono et sa ceinture. Ces deux uniformes étant intimement liés, j’ai même demandé à ma styliste de reprendre les mesures de ma cravate pour la ceinture !
L.E. : Peux-tu nous parler davantage de ce kimono disco ?
T. B. : Dans mon processus créatif, quand j’ai commencé à dessiner des kimonos aux influences disco, j’ai décrit mon envie comme celle de faire "une synthèse entre Matrix et Mad Max" – soit, entre le standardisé ultra-corporate, avec chemise et cravate qui me viennent tout droit de l’uniforme d’avocat, et un autre côté totalement déjanté, propre au disco…
Le kimono disco m’est aussi venu avec les boîtes de nuit, les clubs post-covid, le retour à la fête avec presque un kitch du vêtement. On consomme de la musique aux airs gypsy, cet été, on ne va plus à St Troper écouter de la House mais bien à Tulum bouger sur de l’électro ! Le kimono est l’habit propre à la célébration. Je crois en l’idée que les gens retournent vers de la décadence et du burlesque.
L.E. : Le kimono fait aussi écho à une seconde peau. Comment expliquer sa protection ?
T. B. : J’ai besoin dans la vie de tous les jours d’avoir comme une armure de gladiateur, une carapace que je porte pour exister. Chose que l’on pratique tous à un certain degré, et c’est ce rapport au vêtement que je trouve particulièrement beau. Il y a un côté performatif de l’habit qui traduit déjà un discours, un statement. On a tous une carapace, et si elle a la chance d’être belle et douce, c’est du plus ! C’est cette vision du vêtement que j’ai envie de partager.
L.E. : Si on se lève le matin en panne d’inspiration, avec un kimono dans le dressing... Comment on le style facilement sans se prendre la tête ?
T. B. : J’aime utiliser le kimono comme la substitution d’une veste de costume. J’opterai pour un look corporate classique de girlboss twisté par le kimono. Pantalon de tailleur, chemise, cravate, escarpins et kimono ! Dans un registre plus streetwear, j’opte pour celui en jean qui fait davantage une jonction entre un univers plus urbain et feutré, voire universel.
L.E. : Si tu devais nommer une icône de mode pour poster un de tes kimonos ?
T. B. : Miley Cyrus ! Elle a un côté totalement déjanté et pop rock que j’adore, et traduit d’un "woman empowerment" éclatant que j’admire.
L.E. : Et en France ?
T. B. : Un homme, SCH ! Je le verrais bien dans un kimono en soie, façon dandy urbain. Fun fact : le sketch du Palmashow "Tia mis le kimono !" devenu viral est sorti 1 mois après le lancement de Baucis, ça nous a fait beaucoup rire.
Avant de voir le duo Miley Cyrus & SCH feather en kimonos Baucis, on a hâte de découvrir la prochaine collection estivale pour se prélasser et festoyer tout l’été dans des kimonos en soie chics et légers ! Rendez-vous à la boutique en ligne shopbaucis.com, au concept store Boys don't cry à Paris ou chez Flying Solo à New York. À bientôt, Baucis !