D’où vient la mystification de l’orgasme féminin ?
Jamais, dans l'histoire, l'orgasme féminin n'a eu autant d'intérêt. Ignoré et diabolisé pendant des années, on se retrouve aujourd'hui dans le schéma opposé : l'orgasme féminin est devenu une priorité. Il faut jouir fort, beaucoup et correctement, sinon, notre vie sexuelle n'est pas épanouie.
Écrit par Juliette Gour le
"L'orgasme est mort, vive l'orgasme". S'il y a bien quelque chose qui a changé depuis quelques années, c'est la glorification de l'orgasme féminin. Il est partout, sur toutes les couvertures de magazine féminin, sur Instagram, sur Twitter, à la TV. On n’en a jamais autant parlé, pourtant on considère que près de 16 à 21% des Françaises n'ont jamais eu d'orgasme et 25% admettent avoir du mal à jouir.
On est donc face à un paradoxe : on ne fait qu'en parler, pour autant, les femmes n'ont toujours pas trouvé la solution qui leur permettrait d'atteindre les sommets. Pire encore, aujourd'hui, l'orgasme est devenu une injonction, une sorte d'étape obligatoire pour avoir une vie sexuelle épanouie et qui vaut le coup d'être vécue.
On est passé d'une pression à l'autre avec, au milieu, des femmes qui ne savent plus vraiment sur quel pied danser. Heureusement, la parole s'est libérée sur la question, permettant aux femmes de s'autoriser à se poser des questions. Elles ont ainsi pu partir à la conquête de leur corps, sans pour autant combler les nombreux fossés qui existent : celui de la jouissance en solitaire en opposition à celle à deux (ou plus), celui de la jouissance masculine et féminine et celui qu'il y a entre fiction et réalité.
Il est important de comprendre quels sont les mécanismes qui ont induit cette course à l'orgasme et qui pousse les femmes à vouloir, à tout prix, grimper aux rideaux à chaque coup.
Enjoy
Les Éclaireuses
1) Freud ou la théorisation de l'orgasme
2) Un gap orgasmique marqué entre les genres mais aussi entre les sexualités
3) Une dualité orgasmique selon le genre, le véritable problème
En plus de toutes les idées reçues qui ont construit notre idée, erronée, de la façon dont les femmes prennent du plaisir, il y a une croyance bien vivace qui veut que l'orgasme masculin soit mécanique, en opposition à l'orgasme féminin qui est cérébral. Plus largement, on considère que l'orgasme masculin est "facile" et l'orgasme féminin est "complexe". Que ce soit pour l'un ou l'autre, il y a méprise. D'une part, un homme peut éjaculer sans avoir un orgasme et peut aussi simuler au lit - 42% des hommes admettent l'avoir déjà fait - d'autre part, si on se penche un peu sur l'anatomie féminine, on se rend compte que chez les femmes, l'orgasme est aussi mécanique, vu qu'il est quasiment toujours induit par une stimulation - qu'elle soit clitoridienne ou autre, on peut très bien avoir un orgasme par le biais des tétons.
Toutes ces idées, toutes ces théories ont fini par fausser notre perception de l'orgasme féminin. Plus encore, elles ont effacé de nombreux aspects de la sexualité, ne laissant que la pénétration en maître. C'est peut-être l'une des explications de l'augmentation exponentielle de la vente de sextoys féminins depuis les années 70s - avec un pic historique en 2020 (merci le confinement). Les femmes sont à la recherche du plaisir. Il serait peut-être temps de redistribuer les cartes de la jouissance pour plus d'égalité ? Cela passera par une destruction pure et simple du tabou du plaisir féminin, mais aussi par celui de la pédagogie, qu'elle soit dans les salles de classe ou dans un lit, entre deux partenaires.