Qu’est-ce que le phubbing, cette fâcheuse habitude qui nuit à notre couple ?
On passe le plus clair de notre temps sur nos écrans. Et on passe notre vie à repousser le moment. Cette fois, c'est maintenant : on se déconnecte, et on vit l'instant présent !
Écrit par Marie Ordioni le
En ce moment, tout va bien dans notre couple… Ou presque. Non, ce n’est rien. Pas grand chose. Seulement quelques petites querelles. Notre moitié nous fait beaucoup des réflexions par-ci, par-là. Il trouve que l’on passe trop de temps sur notre téléphone. Pourtant, on le touche beaucoup moins en sa présence que lorsqu’on est seules. On ne comprend pas. Bref, rien de très grave… Il finira par s’y faire.
Pourtant, ce problème devrait mériter toute notre attention. Car si ça n’est pas grave pour le moment, cela peut très vite le devenir. "Ça", c’est le "phubbing". Une pratique qui, comme son nom l’indique - contraction des mots anglais "phone" et "snubbing" -, consiste à porter plus d’intérêt à notre téléphone qu’à la personne avec qui on est. Une fâcheuse habitude, bien plus dangereuse qu’elle ne le paraît. Devenue monnaie courante - encore plus depuis le Covid-19 -, elle est une cause fréquente de tensions et litiges dans les couples.
La peur constante de rater quelque chose
Plus on avance, plus les technologies se développent. Plus on y est accrocs. Et ce, dès le plus jeune âge. Smartphones, tablettes et autres écrans sont pensés pour nous être - ou du moins, devenir - indispensables. Ils sont à la fois notre lien avec nos proches, notre outil de travail et notre ouverture sur le reste du monde. "L’un des problèmes principaux que l’on peut avoir avec notre portable, ce sont les notifications. C’est comme si on avait une tâche ouverte, comme sur un ordinateur, qui venait clignoter à l’intérieur de notre cerveau. On ne sait pas si c’est urgent, on ne sait pas ce que c’est. Et on a une sorte de besoin irrépressible d’aller regarder.", explique Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialisée dans les pratiques numériques, dans un entretien livré à Ouest France. C’était sans compter sur une puissante épidémie mondiale et une bonne poignée de confinements. Période durant laquelle notre téléphone est littéralement devenu notre seul et unique moyen d’entretenir une vie sociale.
Résultat ? Bien pire que de ne plus pouvoir faire sans - ça, ça fait un moment…-, on ne peut plus que faire avec. "On est pris dans une espèce d’immédiateté permanente. On a peur de passer à côté d’une information, peur qu’il se soit passé quelque chose pendant qu’on était absent. Cela peut créer beaucoup d’angoisse chez la personne qui n’est pas en train de regarder son portable. Et cela peut-être pire en termes d’inattention.", continue-t-elle. Même lorsque le moment ne s’y prête pas.
Ignorance et tensions
Du coup, on ne débranche jamais. À part lorsqu’on dort - et encore…-. On reste constamment connectées, pendues à un iMessage, un Likes Instagram ou une alerte de BeReal. Outre le fait que l’on mette notre santé mentale et physique en péril, cette tendance met irrévocablement nos relations en porte-à-faux. Surtout celle de la personne avec qui on partage notre vie.
Tapoter incessamment sur notre écran alors que l’on est en train de se balader bras dessus, bras dessous, pendant un dîner aux chandelles ou dans le lit est une forme d’irrespect. On fait le choix de répondre à quelqu’un au détriment de l’histoire que notre partenaire est en train de nous raconter. De poster une photo sur les réseaux des vacances passées plutôt que de profiter de l’instant présent… Notre compagne.compagnon se sent complètement délaissé, ignoré, rabaissé. "Cela peut avoir un impact négatif sur l’estime de soi, donner l’impression qu’on n’est pas à la bonne place, qu’on n’a pas l’attention que l’on mérite.", détaille l’experte.
Si elle est fréquemment répétée, cette pratique peut créer des tensions dans notre couple. "Avec un proche, on peut se dire qu’on aura le temps de rattraper ça autrement. Qu’ils sont là constamment, donc que l’on n’a pas forcément besoin de les considérer pleinement tout le temps.. Mais quand ce sont des situations répétées, cela peut générer des conflits assez importants." Conflits pouvant, à terme, nous mener jusqu'à une certaine cassure, si ce n'est une rupture.
Retour à la réalité
La première chose à faire est de ne surtout pas prendre la situation à la légère. On ne coupe pas court, on ne s’énerve pas, on ne lève pas les yeux au ciel avec un air hautain… Rien de tout cela. On ouvre nos oreilles. On écoute. On entend ce que notre moitié a à nous dire. Et on en parle, ouvertement. On en revient encore et toujours à la même conclusion :la communication.
Si cela est nécessaire, on se fixe nous-même des limites - et pas l’inverse… Ce doit être notre initiative ! -. Un temps d’écran à ne pas dépasser par jour, un mode "Ne pas déranger" lorsqu’on est accompagnées, la suppression de certaines applications… À nous de définir nos propres règles et conditions. "Je pense que c’est important de redéfinir un peu la manière dont nos relations sociales doivent s’établir dans le monde réel.", conclut la psychologue. Sortir le nez de notre écran et profiter pleinement du moment. Tout simplement.