Avortement en France : les femmes continuent de se heurter à de nombreux freins

Malgré le droit à l’avortement en France, 9 Français sur 10 estiment qu’il y a encore des obstacles pour y accéder sereinement. Manque de structures, délais trop longs, et jugement persistent… On vous explique tout selon le dernier baromètre du Planning familial.

Écrit par Camille Croizé le

Alors que l’avortement est un droit fondamental en France, garanti par la loi depuis bientôt 50 ans, ce n’est pas encore une évidence pour toutes les femmes qui souhaitent y recourir. C’est le constat alarmant qui ressort du dernier baromètre du Planning Familial - révélé par France Inter - : 9 Français sur 10 reconnaissent qu’il existe encore des freins à l’accès à l’IVG. 

Et ce n’est pas qu’une impression : plus de la moitié des femmes ayant déjà avorté rapportent avoir rencontré des difficultés, allant des délais d’attente interminables à un jugement parfois glaçant de la part du corps médical. Que ce soit en zone urbaine ou rurale, l’accès à ce droit semble toujours semé d'embûches, et certaines femmes se battent encore pour obtenir le soutien qu’elles méritent. On fait le point sur les freins persistants, et pourquoi la situation reste aussi tendue.

L’avortement : un choix encore trop (mal) jugé par la société 

L’avortement, bien qu’il soit légalisé depuis 1975, semble toujours être une source de jugement dans certaines consultations médicales. En effet, selon le baromètre du Planning Familial, 63% des femmes ayant eu recours à l’IVG ont ressenti de la gêne ou de la peur d’être jugées par leur médecin. 

Si on aime à penser que la société a évolué, certaines femmes se heurtent encore à des regards désapprobateurs ou des commentaires déplacés lorsqu’elles font ce choix. S’il y a bien une chose qui ne devrait pas être dans la check-list d’une procédure médicale, c’est bien le jugement… Sentiments de culpabilité, de lâcheté, d’insécurité, voici les ressentis des femmes qui sont en réalité victimes de violences gynécologiques - physiques ou psychologiques - et en 2024 cela est inacceptable. Ces immenses pressions sociétales et médicales font naître une honte avant, pendant et après l'intervention chez les femmes. 

Malheureusement, cela freine bon nombre de femmes dans leur démarche. Et c’est encore plus vrai pour celles qui n’ont pas de soutien familial ou amical. Selon l’enquête, 28% des femmes déclarent ne pas s’être senties soutenues, ni par leurs proches, ni par le personnel médical. Alors qu’elles devraient être entourées d’un cocon de bienveillance, certaines se retrouvent face à des barrières psychologiques qui les font culpabiliser d’un choix pourtant légitime.

Conséquences ? Nombreuses sont les femmes qui ont témoigné sur les réseaux sociaux expliquant qu'elles n'osaient pas en parler allant jusqu'à préférer le faire en cachette, et que lorsque leur avortement avait été ébruité, les moqueries, réflexions voire insultes fusaient. 

Avortement : quels sont les freins que les femmes rencontrent ?

Les freins à l’avortement ne s’arrêtent pas au jugement. Il y a aussi les aspects logistiques. Premier obstacle de taille : les délais d’attente. Plus de la moitié des femmes (54%) ont dû attendre plus de sept jours pour obtenir un rendez-vous pour une IVG, alors que l’OMS recommande un délai maximum de cinq jours. Ces délais peuvent être angoissants et accentuent la pression mentale que vivent déjà ces femmes. 

Ajoutez à cela le manque de structures médicales qui proposent l’IVG. Dans certaines régions, il faut faire plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver un établissement où l’on peut avorter. Selon un rapport du Haut Conseil à l'Égalité de 2021, 11% des établissements autorisés à pratiquer l’IVG ne le font pas. 

Comment expliquer un tel chiffre ? Manque de moyens, manque de personnel, ou tout simplement une volonté de ne pas "favoriser" l’avortement dans certains centres. Cette inaccessibilité crée de réels blocages pour les femmes qui, parfois, dépassent les délais légaux pour avorter et se retrouvent dans une impasse.

Un autre frein souvent mentionné est l’absence de choix de la méthode. Une femme sur trois affirme qu’elle n’a pas pu choisir la méthode d’IVG (médicamenteuse ou chirurgicale), alors que ce choix devrait être proposé systématiquement. La liberté de décider s’éloigne donc bien souvent du patient pour revenir entre les mains des praticiens. Un constat effrayant qui engendre une inquiétude plus que compréhensible pour les femmes souhaitant simplement disposer de leur droit

Un problème encore pire en zones rurales

Les chiffres sont encore plus inquiétants pour les femmes vivant en zones rurales. Si vous pensiez que l’accès à l’avortement en ville était compliqué, attendez de voir ce qu'il en est dans les campagnes, c’est tout simplement aberrant. D’après le baromètre, 57% des femmes vivant en zone rurale estiment que l'accès à l’IVG y est plus difficile. En cause ? Les déserts médicaux. 

Il n’est pas rare que dans certaines régions, les femmes doivent parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour trouver un établissement qui pratique encore l'IVG. Et on ne parle même pas des délais d'attente, qui explosent littéralement dans ces zones sous-médicalisées.

L’absence de gynécologues et de sages-femmes dans certaines zones ajoute une couche supplémentaire de complexité pour les femmes rurales. Imaginez devoir gérer une grossesse non désirée, avec tous les tourments que cela implique, et ne pas pouvoir accéder facilement aux soins nécessaires. Voici le quotidien de nombreuses femmes en France, où il devient de plus en plus compliqué d’avoir un suivi médical digne de ce nom. Pour 58% des femmes interrogées, ces difficultés renforcent les inégalités face à ce droit pourtant fondamental.

L’avortement : un droit toujours menacé 

Alors qu'un peu plus de 80% des Français se déclarent attachés au droit à l’avortement, il semble que ce droit soit encore, pour beaucoup de femmes, un combat de chaque instant. Avec la libération de la parole féminine sur les réseaux sociaux - entre les témoignages de jugements, les violences spychologiques et physiques vécues, les obstacles administratifs et les difficultés d’accès - le constat est sans appel : l’avortement n’est pas aussi accessible qu’il devrait l’être. 

Pour certaines, il faut franchir des montagnes pour obtenir ce droit. C’est pour cette raison-là qu’il est essentiel - correction : qu’il est impératif - de continuer à sensibiliser, à améliorer l’accès et à lutter contre les jugements afin que chaque femme puisse vivre cette décision de manière libre et sereine. En continuant d’éduquer, on peut espérer que l’avortement ne soit plus jamais perçu comme un chemin semé d’embûches. Petit reminder : être libre de son corps, c’est un droit, aucunement une option. 

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Camille Croizé

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