Brandy Melville dans le viseur : ce documentaire dévoile la controverse choc autour de la marque
Elle est l’une des marques de prêt-à-porter féminin les plus adulées des années 2010, au service d’une esthétique californienne populaire… Brandy Melville fait fureur chez les adolescentes du monde entier qui aspirent à ressembler à leur it-girls préférées. Mais à quel prix ? Grossophobie, conditions de travail toxiques et dégâts environnementaux : la marque est le sujet d’un documentaire dénonçant ses travers.
Écrit par Téa Antonietti le
Dans la lancée triomphante d’une mode Abercombie & Fitch qui incite les teenagers en quête de cool à s’approprier un polo à élan parfumé, naît un phénomène fashion du nom de Brandy Melville. Installée en Italie dans les années 80, son arrivée à Los Angeles en 2010 déclenche une avalanche de fame chez les jeunes. Vestiaire casual au paroxysme du cool, aux accents nineties et à l’esthétique californienne, de Kendall Jenner à Lily-Rose Depp, la griffe est validée par les it-girls qui font vibrer Instagram.
Mieux qu’un vendeur sexy - accessoirement torse nu - chez Abercombie & Fitch, les Brandy girls sont minces et stylées, et détiennent un it-job qui vend du rêve. Dans la boutique, on se rue sur le dernier crop top en vogue, on shazam la playlist et on fait mine d’être cool devant les vendeuses pour avoir un autocollant à la caisse. Mais derrière ce mythe d’un temple du cool au succès glorieux se cachent des pratiques abusives polémiques. Dans le cadre du documentaire réalisé par Eva Orner : Brandy Hellville & The Cult of Fast Fashion, sorti ce mois d’avril sur la plateforme HBO, la journaliste Kate Taylor épingle la marque problématique et ses stéréotypes. Zoom sur 3 pratiques abusives de Brandy Melville.
La taille unique
“La première fois que j’ai entendu parler de Brandy Melville, j’étais en 5ème, tout le monde à l’école en portait. Je me suis rendue dans une boutique et j'ai acheté leur collier étoile. Je me suis sentie si cool et acceptée !”. Ce témoignage d’une ancienne enthousiaste de la marque parmi tant d’autres, confirme le développement ahurissant d’un besoin d’appartenance à la marque, assouvi en portant ses pièces. Seul bémol, Brandy Melville pratique la taille unique, un concept grossophobe que la griffe dissimule sous le phénomène dit cool du one-size-fits-all. Les vêtements vont à tout le monde, le monde incluant les jeunes adolescentes qui ne dépassent pas un 36.
Un culte de la minceur à l’adolescence
Teenage girl qui scrolle sur Tumblr et Pinterest dans l’espoir de ressembler à ses idoles Kaia Gerber, Kendall Jenner ou encore Gigi Hadid, voilà la cible parfaite de Brandy Melville. Situées à un âge de construction émotionnelle, face à un culte de la minceur dissimulé, la prise de recul nécessaire ne peut avoir lieu chez les adolescentes. Comme le déclare une ancienne vendeuse de la marque dans le documentaire : “Brandy Melville a puisé dans les pires impulsions d'une adolescente”. Les jeunes consommatrices tendent à penser que se situer entre un XS et un S dépend de la norme, soit une esthétisation de la minceur qui déclenche l’apparition de complexes et de troubles de l’alimentation.
Les entretiens discriminatoires
Lorsque l’on parle de Brandy Melville, il est fondamental de faire le lien avec les réseaux sociaux, véritable allié du succès de la marque. Avec un compte Instagram qui atteint le million d’abonnés en 2013, soit moins d’un an après son lancement, les ambassadrices de la marque articulent un stéréotype de la Brandy girl : jeune, mince, élancée et de préférence blanche. Un comportement discriminatoire qui définit le style physique des employées à recruter. Le PDG, Stephan Marsan, dénoncé par ses entretiens d’embauches très atypiques, aurait même installé une lumière rouge au niveau des caisses de leur flagship New-yorkais à enclencher en cas de fille “jeune et jolie” à potentiellement recruter et/ou photographier.
Un environnement de travail toxique
Les attitudes toxiques ne s’arrêtent pas là. Les responsables de boutique avaient pour consigne de recruter le moins de personnes noires possibles, et les quelques employées racisées étaient missionnées dans les stocks, situés aux sous-sols. À la tête d’une stratégie de recrutement discriminatoire, Stephan Marsan, introduit comme un prédateur, demandait également à ses jeunes employées - parfois mineures - de lui envoyer des photos de leurs tenues pour qu’il les diffuse ensuite sur le compte Instagram de la marque, suivi par des millions d’adolescentes. La journaliste Kate Taylor met également en relief une discussion de groupe de l’équipe de direction intitulée Brandy Melville Gags, dans laquelle étaient diffusés des mèmes antisémites et des images pornographiques. Parmi les éléments divulgués les plus choquants, une capture d’écran bouleversante montrait une femme squelettique vêtue d’une écharpe associée aux mots “Miss Auschwitz, 1943”.
L’impact éthique derrière les vêtements
À ce bilan inquiétant s’ajoute un impact éthique alarmant, tant humain qu’environnemental, encourageant une surconsommation de fast fashion déguisée. Si les boutiques adoptent une déco qui rappelle une cabane de surf californienne, Brandy Melville est originaire d’Italie. Alors que chaque pièce détient une étiquette “Made in Italy”, la chaîne d’approvisionnement étant opaque, on apprend que seule l’entreprise est localisée au pays transalpin, tandis que les vêtements sont produits par des travailleurs immigrés chinois dans des ateliers clandestins. Des pratiques de travail douteuses soulignées par le maire de la région Mateo Buffoni : “Le problème est que, malgré les contrôles que nous effectuons et l’attention que nous y apportons, certaines entreprises ne sont pas légitimes. Il y a beaucoup de pronto modo (usines de mode rapide) qui sont régulières, mais parfois on trouve des gens qui sont comme des esclaves.”
Une surconsommation aux dégâts environnementaux
Une partie du documentaire se focalise sur le marché de Kantamanto, au Ghana, où sont déversés en masse les invendus de Brandy Melville. Les travailleurs locaux appelés Kayayei, soulèvent au moins 50 kilos par ballot et subissent des dommages physiques à vie, notamment à la colonne vertébrale. Des vêtements qui finissent ensuite sur les plages voisines, parsemées d'enchevêtrements de déchets jetés jusqu'aux fonds marins autour de la ville. Le business model de Brandy Melville s’articule autour d’une production d'articles bon marché, destinés à être surconsommés, puis jetés. Avoir le même top que Kendall Jenner pour seulement 30$, ça fait rêver, les conditions écologiques et humaines derrière sa fabrication, sont moins jolies.
L’intégralité du documentaire Brandy Hellville & The Cult of Fast Fashion, réalisé par Eva Orner est à découvrir ce mois d’avril sur la plateforme de streaming HBO.
Découvrez plus de contenus similaires dans la rubrique Société !