Comment les filtres Instragram transforment la chirurgie esthétique ?

Les utilisateurs des réseaux sociaux sont très nombreux à utiliser des filtres au quotidien. Si cela modifie l'image que l'on a de soi, cela pousse également à prendre rendez-vous pour de la chirurgie esthétique, avec comme modèle une photo de soi modifiée.

Écrit par Alice Legrand le

À force de voir son visage avec un filtre, on s'habitue à cette peau lisse, ce nez fin, cette bouche pulpeuse, et ces pommettes bombées. Seulement, à force de voir cette image modifiée de soi-même, on a parfois du mal à accepter le reflet que l'on renvoie dans le miroir. 

Le fait de consommer les photos retouchées de nos influenceurs et célébrités préférées ne joue pas non plus en notre faveur. Cela habitue notre œil à un certain standard de beauté, et cela peut nous créer des complexes que l'on n’avait pas avant.

Et qui dit complexe, dit pour certains chirurgie esthétique. Les chirurgiens sont de plus en plus nombreux à voir arriver en cabinet des personnes ayant une idée bien précise de ce qu'ils recherche comme résultat : leur visage ou le corps, avec un filtre Instagram permanent.

Nous avons demandé l'avis de Jérémy Delattre, cofondateur de la clinique Klineva. Et il est formel : "Je pense que les réseaux sociaux jouent un rôle très important dans l'augmentation des demandes d'opérations de chirurgie esthétique en créant un environnement où l'apparence physique est constamment mise en avant. Les influenceurs et les célébrités partagent des images et des vidéos mettant en valeur des normes de beauté souvent non naturelles et parfois même inatteignables...".

Les filtres crééent une image de soi qui est biaisée

Ce phénomène touche beaucoup les adolescents et les jeunes adultes, qui sont plus aptes à prendre à coeur les remarques des internautes et qui peuvent donc développer des complexes de plus en plus tôt. Cela se confirme quand on voit que depuis 2019, les jeunes (18-34 ans) subissent plus d'opérations esthétiques que les 50-60 ans. Alors que de base, la chirurgie esthétique à quand même pour but de minimiser les signes de l'âge !

Quand on sait qu'environ 70% des personnes qui utilisent ses filtres ont entre 13 et 24 ans, on comprend mieux pourquoi l'envie de recourir à la chirurgie esthétique arrive de plus en plus tôt, désormais même chez les mineurs. Selon Jérémy Delattre, "être exposé quotidiennement à des photos d'hommes et de femmes au corps "parfait" peut facilement favoriser un désir de recourir à la chirurgie esthétique pour ressembler davantage aux modèles de beauté numériques".

Certaines femmes notamment, vivent très mal le fait de passer des filtres à la réalité, et cela devient un réel problème psychologique : "Quand je suis avec un filtre, je me sens belle, mais lorsque je l'enlève, j'ai juste envie de pleurer", explique une internaute. Déjà en 2017, l’Académie américaine de chirurgie du visage et de chirurgie reconstructrice expliquait que 55% des chirurgiens interrogés recevaient des patients consultant avec comme support un selfie retouché

Comparer de la chirurgie à de la retouche photo, est-ce une bonne idée ? 

Le but d'une chirurgie esthétique n'est pas d'atteindre une éventuelle perfection. Tout d'abord car cette dernière est subective, mais aussi parce qu'elle évolue en fonction des modes... La chirurgie esthétique a pour objectif d'atténuer un réél complexe, ce n'est donc pas une option à prendre à la légère !

Et c'est là que le chirurgien entre en jeu. C'est à lui d'établir si le patient est réellement complexé ou s'il souhaite juste succomber à une mode. Il peut tout à faire refuser une demande qu'il juge excessive, ou en cas de trouble comportemental comme la dysmorphie. Seulement, certains ne sont pas professionnels et peuvent accepter des demandes juste pour l'argent...

Ce qui est sûr, c'est que le résultat obtenu avec un filtre n'est pas toujours atteignable grâce à la chirurgie. Jérémy Delattre explique : "Les personnes qui cherchent à obtenir ces résultats dans la vraie vie par le biais de la chirurgie esthétique peuvent être déçues car les transformations numériques ne tiennent pas compte des aspects physiques individuels, de la morphologie de chaque personne, de la variabilité naturelle de l'apparence humaine et surtout des limites de la chirurgie esthétique". Et oui, on est tous différents et surtout humains !

Les filtres qui encouragent le recours à la chirurgie plastique sont bannis d'Instagram

Face à l'ampleur de ce phénomène, Instagram a décidé il y a quelque temps de bannir les filtres qui inciteraient à avoir recourt à la chirurgie esthétique. Les influenceuses pour leur part, ont tendance à arrêter d'utiliser des filtres au quotidien, comme elles le faisaient aupparavent.

C'est le cas de Romy, Styleto ou encore EnjoyPhoenix, qui utilisaient très souvent des filtres dans leurs stories. Elles arrêtent pour leurs abonnés, afin de constamment leur rappeler à quoi ressemble un vrai visage, mais aussi pour elles, qui n'appréciaient plus se voir sans filtre et qui n'osaient plus poster de photo au naturel, par peur des critiques.

La chirurgie devient de plus en plus commune et naturelle

Si avant, la chirurgie était réservée aux célébrités, aux femmes âgées et à ceux ayant un gros complexe, c'est désormais une époque révolue ! Maintenant, il vous suffit d'avoir un peu d'argent pour modifier votre visage et votre corps selon vos souhaits. On assiste donc à une normalisation des actes esthétiques, rendant encore plus compliquée l'acceptation de soi pour ceux qui n'en ont jamais fait. Oui, la chirurgie est devenue mainstream.

Plussubtiles que les filtres, les applications de retouche accessibles à tous (comme FaceTune par exemple) permettent de modifier une personne exactement comme on le souhaite, avec beaucoup de minutie. Et elles peuvent aussi inciter à modifier son corps de façon permanente. 

Un soin esthétique responsable, c'est quoi ?

D'après Jérémy Delattre, la tendance actuelle met en avant "une approche plus "naturelle" de la beauté, mettant l'accent sur la santé, le bien-être et l'acceptation de soi". Il existe des soins esthétiques responsables, qui sont en fait "des traitements qui n'impactent pas la santé et améliorent la confiance en soi et le bien-être général sans avoir recours à des transformations trop radicales", explique-t-il.

Cela passe par des soins non invasifs, qui doivent être combinés à un mode de vie sain (alimentation, activité physique, gestion du stress, etc.). C'est une façon de traiter son corps de manière hollistique afin d'améliorer la confiance en soi. Car oui, la chirurgie esthétique ne doit pas être systématique : on peut parfois atteindre des objectifs d'apparence "idéale" de manière naturelle.

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