‘Slow Jewellery’ : L’interview confidentielle, d’Hermine Sacau, créatrice de Douze Paris
Rencontre avec la fondatrice Hermine Sacau pour un entretien inspirant.
Écrit par Andreia Simoes le
Un pari osé, mais Douze Paris a su s'imposer comme un incontournable, mêlant tradition de la joaillerie, audace et modernité des designs grâce à la vision unique de sa fondatrice, Hermine Sacau. Avec des collections pensées pour le plaisir du quotidien, Hermine redonne vie à nos bijoux les plus chers, à la valeur sentimentale inestimable. Un concept qui se lit jusque dans le nom de la marque, qui n'est pas le simple fruit du hasard, comme nous le confie la créatrice.
Au-delà de l'aspect affectif, le projet d'Hermine n'était pas de concevoir une énième marque de joaillerie, dans un secteur déjà ultra concurrentiel. Elle avait à cœur d'intégrer un aspect responsable dans son approche du bijou, en recyclant les métauxprécieux issus de nos propres bijoux anciens. De quoi dépoussiérer la bague de mamie qui traîne dans son écrin, à l'abri du temps.
La personnalisation occupe donc une place centrale chez Douze Paris. Avec une approche sur-mesure, Hermine nous invite directement à prendre part au processus de création, combinant savoir-faireartisanal, expertise gemmologique, et une touche créative audacieuse.
Les Éclaireuses : Pouvez-vous nous parler de l'histoire derrière la création de la marque Douze Paris ?
Hermine Sacau : Alors, déjà pourquoi "Douze" ? Parce que je suis née le 12/12/1992. C'est également la date d'anniversaire de mon arrière-grand-mère, passionnée de bijoux, qui m'a insufflé dès mon plus jeune âge cette admiration pour les parures. J’ai choisi ce nom pour me porter bonheur, en quelque sorte.
La petite histoire, c'est qu'il m'était impossible de trouver des bijoux en or (le vrai, celui en 18 carats) à un prix abordable et avec un design moderne dont on ne se lasse pas. Nous avions d’un côté les maisons de la place Vendôme qui font peur en termes d’accessibilité et qui ne parlent pas vraiment aux jeunes femmes, et de l’autre les enseignes de grandes distributions dont l’image de marque laisse à désirer…
Je souhaitais aussi une consommation plus lente et une manière plus responsable de réapprivoiser le bijou : il fallait réhabituer les consommateurs aux métaux nobles, infiniment plus durables que les bijoux fantaisie qu’on finit par jeter lorsqu’ils s’abîment. L'expression "Acheter moins, mais acheter mieux" n'est pas uniquement réservée à l'industrie textile !
L.E : Douze Paris se positionne comme une marque de joaillerie fine 18 carats, accessible en termes de prix et intemporelle en termes de design. Comment avez-vous réussi à trouver cet équilibre entre le luxe et l'accessibilité ?
H.S : Dès les premiers échanges avec nos ateliers partenaires, j’ai cherché à comprendre quelles étaient les possibilités d’optimisation maximale en termes de design, tout en imposant une qualité exigeante pour les matières utilisées (or recyclé 18 carats et pierres fines et précieuses naturelles).
Nous avons aussi fait le choix de ne proposer qu’une partie de nos collections à destination des revendeurs, afin de conserver des prix vraiment accessibles sur la majorité de nos références, uniquement disponibles dans notre Showroom parisien et sur notre site internet. C’est un pari qui va à l’encontre du volume, mais il est important que nos clientes entendent que notre mission de "démocratiser la joaillerie" est un engagement profond.
Dans les références dites accessibles, nous allons retrouver une large gamme de boucles d’oreilles et piercings, de bagues chaînes, et de pièces fines à accumuler dans le temps. Nous ne poussons jamais à consommer plus que de raison, il faut qu’un bijou apporte de la joie et de la légèreté, pas qu’il plombe les économies sur plusieurs mois.
L.E : Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus de fabrication des bijoux ? Où sont-ils fabriqués, et quels matériaux utilisez-vous ?
H.S : Pour nos collections, nous produisons à Paris, en Thaïlande et en Inde au sein d'ateliers partenaires labellisés, et uniquement en or recyclé 18 carats. Nous faisons le choix d’une fabrication à l’international, afin de bénéficier du meilleur de chaque expertise propre à ces trois pays. Toutes les gemmes que nous utilisons sont naturelles et minutieusement sourcées auprès de partenaires de confiance.
Pour la partie sur mesure, entièrement fabriquée à Paris, nous proposons de transformer les bijoux de famille de nos clients en réutilisant leurs pierres et leur or, mais nous pouvons également travailler "from scratch", en sourçant auprès de nos partenaires gemmologues et diamantaires les futures gemmes pour un bijou custom de A à Z.
L.E : Vous avez une notion écologique très présente. Pouvez-vous nous expliquer comment cela se traduit dans vos collections, notamment en ce qui concerne le recyclage des bijoux et l'intérêt pour les bijoux anciens ?
H.S : Dès la création de la maison, nous avons fait le choix de n’utiliser que de l’or recyclé, qui étonnamment est plus onéreux que l’or "classique". Cette démarche, proposée par le chef d’atelier il y a 6 ans, n’était pas très répandue, mais ce fut une évidence, car produire sans chercher à mieux faire est une hérésie.
Plus largement, je pense que la seule joaillerie qui mérite l'étiquette "éthique" est la transformation de bijoux anciens que nous proposons à travers notre service sur mesure. Utiliser l’existant plutôt que de continuer à produire et extraire, il faut vider nos tiroirs pour faire circuler les matières et faire renaître les parures oubliées.
C'est un métier passionnant pour son infinité, et je trouve l'aspect du recyclage éternel très poétique.
D'ici 30 ans il n'y aura plus d'or dans les sols, il y a donc urgence à faire passer ce message !
L.E : La personnalisation semble être une part importante de votre travail. Comment travaillez-vous les pièces sur mesure et de quelle manière collaborez-vous avec vos clientes pour créer des pièces uniques ?
En effet, l’activité sur mesure occupe aujourd’hui 50% de notre activité !
Nous accueillons sur rendez-vous physique à Paris dans notre Showroom, ou par vidéoconférence pour aborder ensemble le projet du futur bijou. Nous établissons avec nos clients le "cahier des charges" qui nous sert de base directrice, à laquelle nous rajoutons notre touche créative.
Il est très important que chaque projet soit parfaitement unique, car je pense que l’achat joaillier est synonyme d’intimité.
Après études des esquisses, nos clients choisissent le design qu’ils préfèrent.
Nous passons alors à la partie production, avec dans un premier temps le développement 3D qui permet de projeter le futur bijou dans l’espace. S’ensuivent ensuite le sourcing des gemmes, la validation de la cire, et le suivi de production auprès du fondeur, du bijoutier et du sertisseur.
Un bijou peut être le fruit du travail de 8 personnes !
L.E : Quelles sont les pièces Douze Paris les plus demandées par vos clientes ?
H.S : Nous avons fait le choix de proposer différentes catégories dans nos créations pour répondre à toutes les occasions joaillières de la vie d’une femme. Une bague chaîne à 18 ans, un assortiment de piercings à 20 ans, un jonc à 25, les fiançailles et alliances à 30 ans, une bague cocktail pour célébrer une naissance après…
Chaque tranche d’âge possède ses propres best-sellers !
Aussi, nos pièces uniques que l'on appelle "Éphémères" connaissent à chaque sortie un grand engouement! Plusieurs fois par an, nous dévoilons des créations imaginées à partir de trouvailles gemmologiques, en édition ultra limitée ou souvent disponible en un seul exemplaire. Cela fait le pont avec notre service sur mesure pour les personnes ayant du mal à se projeter. Et pour moi, c’est un véritable terrain de jeu créatif !
L.E : Comment décririez-vous le style de Douze Paris en quelques mots ?
H.S : Accumulation, Subtilité, et amusement.
Mais Douze Paris c’est aussi une éthique relationnelle. Je souhaite par-dessus tout que notre joaillerie soit un rendez-vous heureux, transparent, intime et chaleureux, car nous participons à des étapes de vie et à des célébrations importantes. La proximité que nous développons avec nos clients n’est pas du tout la même que si nous vendions des t-shirts et il est impératif que cela se reflète.
L.E : Quels sont vos projets futurs pour Douze Paris ?
H.S : Un nouveau nid, de nouvelles collaborations avec des marques qu'on admire, de nouvelles collections encore plus désirables, la distribution à l’étranger, l’agrandissement des équipes, accueillir encore plus de projets de sur mesure, et transformer encore et encore des bijoux anciens... la liste est longue et je garde tant bien que mal un peu de mystère parfois !
L.E : Comment voyez-vous la place de Douze Paris dans l'industrie de la joaillerie et de la mode, et comment espérez-vous que la marque évolue dans les années à venir ?
H.S : Je dirais que nous sommes une maison assez hyperactive qui bouscule les codes en douceur et avec engagement.
Nous démocratisons le bijou en le rendant accessible, mais nous éduquons aussi sur la valeur et le travail artisanal qu’il y a derrière. Tout est question d’équilibre et de transparence.
Pour l'avenir, j'espère surtout que nos créations continueront de célébrer de nombreux moments intimes auxquels nous participerons en catimini.