Femmes voilées et sport : comment une loi pourrait exclure les pratiquantes en France

Le Sénat examine une proposition de loi visant à interdire le port des signes religieux dans les compétitions sportives. Officiellement, c’est au nom de la laïcité. Officieusement, c’est une nouvelle manière de dicter aux femmes ce qu’elles peuvent porter… ou non.

Écrit par Camille Croizé le

Femmes voilées et sport : comment une loi pourrait exclure les pratiquantes en France

Il y a des combats urgents à mener dans le sport : les inégalités salariales abyssales, les violences sexistes et sexuelles, le manque de reconnaissance des sportives… Mais non, ce qui semble le plus pressant pour le Sénat, c’est d’interdire aux femmes voilées de pratiquer leur discipline. Ce mardi 18 février, une proposition de loi portée par Les Républicains arrive sur la table. Et surprise : le gouvernement compte la soutenir, tant que ses amendements passent. Une tentative de généraliser l’interdiction du voile dans toutes les compétitions sportives.

Dans une interview livrée au 20 Minutes, Anne Andréa Vilerio, avocate en droit des libertés publiques du sport et ambassadrice pour la Femi’x Sport, une association qui oeuvre à la place des femmes dans le sport, explique “La décision de la plus haute juridication administrative française a le droit d’autoriser ou d’interdire le port du hijab sur ses terrains. Elles sont chargées d’un service public, sont en quelque sorte délégataires d’un service public, donc ont le droit de réglementer par rapport aux joueurs”. En bref, chaque fédération était libre de décider. Le football et le rugby avaient déjà banni le voile, mais l’athlétisme et le handball, non. Un statu quo qui semblait convenir… sauf aux politiques qui veulent encore jouer les arbitres de la vie des femmes.

Laïcité ou obsession vestimentaire ?

En France, on adore parler du voile. Pas pour comprendre les raisons qui poussent certaines femmes à le porter, ni pour défendre leur liberté de choix, mais pour toujours mieux leur imposer ce qu’elles devraient faire. Avec cette loi, la droite tente d’imposer une interdiction totale, alors que les fédérations pouvaient jusqu’ici trancher elles-mêmes. Une position qui trahit une volonté claire : contrôler l’apparence des femmes sous couvert de laïcité.

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Le football et le rugby avaient déjà pris les devants en interdisant le port du voile, tandis que d’autres sports comme l’athlétisme et le handball n’avaient pas jugé nécessaire d’imposer une telle restriction. Une situation actuelle qui ne posait problème à personne… sauf aux politiques qui cherchent à faire de la laïcité un prétexte à l’exclusion. Selon la handballeuse et sociologue Béatrice Barbusse, cette interdiction aurait des conséquences désastreuses sur les sportives concernées, allant de la perte de confiance au déclassement. L'autrice du livreDu sexisme dans le Sportmet l’accent sur le fait que la perte de confiance, le déclassement et le sentiment d’injustice sont de conséquences lourdes. Pendant ce temps-là, les fédérations, elles, préfèrent botter en touche, signe que le sujet est aussi explosif que malvenu.

L'interdiction du hijab dans le milieu du sport : une fausse urgence politique

Mais au fond, quelle est l’urgence ? Il n’existe pas de chiffres précis sur le nombre de sportives concernées. Pourtant, pour Michel Savin, sénateur LR à l’origine de cette proposition, “un peu, c’est déjà trop”. Un argument qui en dit long sur la nature du débat. Il ne s’agit pas d’un réel problème dans les compétitions sportives, mais d’une obsession politique visant à dicter une certaine vision de la femme dans l’espace public.

Le sport devrait être un espace d’inclusion, de dépassement de soi et de cohésion. Au lieu de cela, on en fait un champ de bataille politique où des femmes doivent encore justifier leur présence, non pas pour leurs performances, mais pour leur tenue. On a juste envie de demander à ces messieurs d’arrêter d’empêcher des femmes de vivre leur passion sous prétexte d’une neutralité à géométrie variable. Parce qu’à force de vouloir épurer l’espace public de toute identité visible, on en arrive à un sport qui exclut plus qu’il ne réunit. Et ça, c’est tout sauf l’esprit du jeu. Alors, plutôt que d’interdire aux sportives de jouer avec un voile, si on interdisait aux politiques de jouer avec leurs droits ?